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plans que les intéressés pourraient proposer pour éviter cette cession.

Sans doute, dans la circonstance actuelle, on pourrait construire ailleurs; mais cette possibilité n'entraîne point l'obligation de construire. Il est au contraire du devoir de l'administration d'examiner auparavant s'il y aurait convenance et économie. Ainsi, par exemple, lorsqu'on ouvre un ehemin, on pourrait, en prenant une autre direction ou en faisant quelques détours, éviter de passer sur une propriété particulière; Cependant on ne considère point cet acte comme une injustice, et la cession des terrains nécessaires est une conséquence immédiate de la loi, qui, en affectant des fonds pour les routes à ouvrir, en a implicitement déclaré l'utilité.

Le propriétaire du château de Treffaven ne peut, ce semble, proposer aucun motifd'exception à un principe si universellement reconnu. Il a fait cette acquisition de l'aveu du ministre de la marine; le ministre pouvait compter sur la continuation de la jouissance de ce magasin par location; il pouvait avoir des vues sur un nouvel établissement, mais rien n'oblige l'administration actuelle à réaliser un projet dans l'exécution duquel elle croit entrevoir des inconvénients très-graves. Le consentement donné par un ancien ministre à l'aliénation d'un local, n'empêche pas que, dans des circonstances ultérieures, ce local ne puisse devenir nécessaire.

Quel a pu être l'effet de ce consentement? De légaliser l'acquisition. Aussi cette légalité n'estelle point contestée. La solennité de cette discussion qui vous occupe en est elle-même une preuve. On a lieu de regretter que cet établissement ait été aliéné, mais il l'a été, et dès lors l'acquérenr rentre dans la classe de tous les propriétaires, parmi lesquels vous ne distinguez que pour les protéger, ceux qui, par des acquisitions de domaines nationaux, ont lié leur fortune à la fortune publique. Aussi ne demandez-vous ici au propriétaire du château de Treffeven que ce que vous prescririez à tout autre, dans une circonstance semblable: de céder sa propriété, parce que l'intérêt public le réclame; mais cette cession sera précédée d'une juste indemnité. La loi qui vous est proposée en contient spécialement la garantie.

D'après ces considérations, nous sommes chargés par le Tribunat de vous proposer de revêtir ce projet de votre sanction.

M. Ferville fait un rapport sur le projet de loi relatif aux postes et messageries.

pas remplacer l'inconvénient dont on se plaint par des inconvénients plus graves encore.

Avant de mettre en parallèle les différents partis que l'on aurait pu prendre et la mesure qui vous est proposée, il importe de bien fixer le point de vue sous lequel les postes doivent être considérées. Si elles servent à l'usage particulier, cette destination n'est véritablement qu'accessoire à leur emploi le plus essentiel; c'est une facilité que le Gouvernement accorde, parce qu'il en résulte, sans aucun préjudice pour son service, une diminution des sacrifices qu'il est obligé de faire pour l'entretien des relais. Le premier rapport Sous lequel les postes doivent être examinées, c'est donc le besoin de l'Etat. Elles sont indispensables pour le Gouvernement, qui doit être en communication rapide et continuelle avec des points très-éloignés, et qui d'ailleurs joint le transport des lettres particulières à celui des dépêches publiques. Les maîtres de poste ne sauraient être rangés dans la classe des citoyens qui exploitent à leurs risques et périls une branche quelconque d'industrie; ce sont les agents d'un service dans lequel il importe à l'Etat de prévenir toute interruption.

Messieurs, l'orateur du Gouvernement vous a indiqué toutes les circonstances, et vous a fait apprécier toutes les raisons qui se réunissent pour vous convaincre que l'état actuel des postes de l'Empire exige des mesures promptes et d'un effet certain. Cet exposé vous a paru d'autant plus intéressant, qu'il vous associait aux observations d'un administrateur éclairé, en même temps qu'il reproduisait l'esprit de la discussion qui a précédé la détermination du Gouvernement. Certes, il n'aurait pas éprouvé un seul instant d'embarras ou de doute, s'il s'était borné à chercher des moyens capables de faire cesser le mal auquel il faut porter remède, sans examiner l'influence que chacun de ces moyens pouvait avoir sur les diverses parties du système général de l'administration. Il ne se présente jamais une occasion semblable sans qu'on propose une multitude d'expédients dont la plupart doivent avoir de l'efficacité; mais c'est alors surtout que l'autorité publique a besoin de tout son discernement pour ne

Vous ne sauriez être surpris, Messieurs, que, dans un moment où la nécessité d'améliorer la position des maîtres de poste devenait évidente, on ait commencé par examiner s'il était possible de leur rendre des exemptions semblables à celles dont ils jouissaient avant la Révolution. Mais plus on a mis de soin à traiter cette question, mieux on s'est convaincu qu'il fallait renoncer à toute idée de ce genre. Qu'à l'époque où existait cette prodigieuse variété de priviléges pour les locali tés et pour les personnes, on imaginat d'en créer quelques-uns de plus pour compléter le paiement des entrepreneurs d'un service public, c'était un effet naturel de l'analogie. Peut-être y aurait-il eu moyen, même alors, de prendre un meilleur parti; mais au moins celui qu'on adoptait n'avait pas le tort de déranger la régularité d'un systeme uniforme. Aujourd'hui qu'il existe pour la gloire de l'administration et pour le bonheur de la France, il ne peut être maintenu avec trop de soin. L'entamer par des exceptions telles que celles qu'on a dû discuter, ce serait entrer dans un dédale dont il n'appartiendrait plus à la prévoyance humaine, à quelque hauteur qu'elle pût s'élever, de découvrir toutes les sinuosités. Dès qu'une exception de ce genre est prononcée, il se forme une multitude de demandes que l'on n'avait pu pressentir; on est sollicité par des considérations non moins intéressantes que celles auxquel les on a cédé d'abord, et le législateur se voit réduit à la nécessité d'être inconséquent dans ses refus, ou imprudent dans sa condescendance. Vos propres méditations, Messieurs, vous auront dé montré cette vérité mieux que je ne pourrais

faire.

!

Il aurait été bien difficile qu'une occasion, telle que celle qui a motivé le projet sur lequel vous allez prononcer, se présentât sans donner lieu à quelque proposition de privilége exclusif. Cette tendance n'appartient pas seulement à la cupidité toujours attentive à se ménager des profits qui excèdent toute proportion avec ses avances et son travail; il arrive souvent que des hommes trèsraisonnables et parfaitement désintéressés voient une cause de désordre partout où l'intérêt parti culier est livré à ses propres combinaisons. Ils ne réfléchissent pas assez sur cette multitude d'opé rations si importantes que l'agriculture, l'indus trie et le commerce accomplissent sous la protec

tion générale de l'autorité, mais sans son intervention spéciale.

J'excéderais ma mission et j'offenserais votre sagesse, Messieurs, si je me permettais d'établir ici, à l'égard des priviléges exclusifs, une théorie tranchante, qui frappât aveuglément sur toute espèce d'hypothèse. L'habitude des affaires détourne de tout système absolu et inflexible; elle apprend au contraire qu'il faut se tenir prêt à examiner chaque question sans aucun préjugé, et en mettant dans la balance la plus exacte les avantages et les inconvénients. Mais sans doute un long examen n'aura pas été nécessaire pour éloigner toute disposition à replacer les messageries sous un privilége exclusif. Il n'est nullement certain que l'on eût ménagé un secours suffisant aux maîtres de postes, en forçant les fermiers des messageries d'entrer en arrangement avec eux, et il est incontestable qu'on aurait porté un coup funeste à la fortune des capitalistes qui ont profité de la liberté de l'industrie pour former des entreprises de ce genre. Une considération plus importante encore, c'est celle de la perte que le public aurait subie. La concurrence à produit les effets qu'elle autorise toujours à espérer. Les voitures publiques, quoique loin encore de la perfection qu'elles doivent atteindre, ont déjà reçu quelque amélioration; elles se sont multipliées, et, ce qu'il faut surtout remarquer, elles sont moins chères qu'elles ne l'étaient autrefois.

Le Gouvernement était averti, par ses lumières et par sa constante sollicitude pour le bien public, d'éviter toute mesure capable de compromettre ces avantages qu'il n'est pas possible de révoquer en doute. La loi qui vous est proposée n'y porte aucune atteinte; offre-t-elle pour la restauration des postes une ressource bien calculée ?

Si je ne me suis pas trompé en considérant les postes comme une machine nécessaire au service public, comme un moyen qui appartient essentiellement au Gouvernement, il en résulte qu'il doit commencer lui-même par les employer toutes les fois qu'il a à faire faire quelque transport dont elles puissent se charger. Ce principe avait été méconnu dans le cours de l'an V. Afin d'augmenter le produit net de la poste aux lettres, on avait ôté le transport des dépêches au maître de poste sur un grand nombre de routes, pour le confier à des entrepreneurs particuliers qui faisaient ce service à meilleur marché. Sa Majesté Impériale a pensé que cette mesure, bonne en elle-même, et lorsqu'on l'envisage d'une manière isolée, n'est plus qu'une erreur, et décèle dans une économie le germe d'une dépense, dès qu'on se rappelle ce que le Gouvernement est obligé de faire pour soutenir la poste aux chevaux. Désormais sur toutes les routes où il existe des maîtres de postes, ils seront chargés du transport des dépêches. Quelque salutaire que soit cette décisión, elle aurait été insuffisante, même avec la continuation des secours que le Gouvernement fait habituellement distribuer, pour arriver au but qu'il faut atteindre.

Se serait-on borné à augmenter la masse des indemnités? mais l'administration n'aurait pas été affranchie des difficultés qu'elle éprouve en essayant d'en faire l'application la plus juste; les maîtres de postes, après une longue attenté et de pénibles sacrifices, n'auraient obtenu qu'un Secours éventuel, et non une amélioration définitive; les entrepreneurs de messageries auraient vécu dans la crainte continuelle de voir leur fortune compromise par la création d'un privilége exclusif; le public aurait commencé par

souffrir de cette incertitude faite pour arrêter toutes les spéculations, et aurait dû se préparer à payer les frais et à subir les inconvénients inséparables d'une entreprise privilégiée. D'ailleurs, Messieurs, dans l'hypothèse que j'examine, il aurait fallu chercher une nouvelle imposition pour couvrir une nouvelle dépense.

Ce produit, le Gouvernement se l'assure réellement par la mesure que vous êtes appelés à. sanctionner; mais ce n'est pas le seul avantage à remarquer dans cette combinaison ingénieuse. Ici, à côté de l'obligation de payer l'impôt se place la faculté de s'y soustraire, puisqu'il ne frappe plus les messageries dès qu'elles sont conduites par la poste. Faut-il admettre qu'actuellement, à cause du poids et de la construction défectueuse de la plupart des voitures publiques, peu d'entrepreneurs seront dans le cas de profiter de l'alternative? Il y aura toujours lieu de remarquer le bien que le Gouvernement, en la leur offrant, prépare pour les routes et pour les voyageurs. Rien n'est plus propre à accélérer le perfectionnement des voitures publiques, puisqu'elles ne peuvent manquer de devenir, et plus commodes, et moins destructives des chemins, à l'époque où les entrepreneurs seront conduits par leur intérêt à séparer le transport des voyageurs, avec les effets qui leur sont indispensables, du transport des marchandises.

La perception indiquée par le projet de loi devient pour l'administration un moyen de sécurité. Obligée de venir au secours des maîtres de postes, elle est sûre de leur procurer, soit en emploi de leurs chevaux, soit en argent, une indemnité proportionnée à l'importance de leurs relais. La même somme lui restant à distribuer entre un moindre nombre de réclamants, elle acquiert la faculté d'en faire une distribution plus éclairée et moins infructueuse.

Permettez-moi, Messieurs, d'écarter momentanément ces diverses considérations, de négliger l'alternative entre l'emploi des chevaux de postes et le paiement du droit proposé, pour ne plus l'examiner que comme un impôt, en recherchant jusqu'à quel point il peut être lourd ou supportable pour ceux qui doivent l'acquitter, et s'il est fait pour donner lieu à de justes réclamations.

Le droit est de vingt-cinq centimes par poste et par cheval. Pour s'en faire une idée juste, il faut, en prenant pour exemple une voiture qui parcourt un nombre de postes donné, mettre le montant du droit en proportion, non-seulement avec la somme que paient les voyageurs, mais aussi avec le prix que les messageries, dans leur état actuel, se procurent par le transport des marchandises. Il est aisé alors de se convaincre qu'il n'y a pas lieu de craindre un renchérissement excessif.

Prévoir le renchérissement, c'est reconnaître que les entrepreneurs sont destinés à faire l'avance de l'impôt, et non à le supporter. Pour qu'il restât à leur charge, et qu'il tournat en diminution de profit, il faudrait qu'il fût assez fort, d'un côté pour rendre insensible la différence du prix de la poste à celui des messageries, de l'autre pour décider une partie de ceux qui se servent habituellement de ces voitures à se contenter des voitures non suspendues ou à voyager à pied. Ni l'une ni l'autre de ces assertions n'est autorisée par la quotité du droit proposé. Le projet qui vous est soumis, Messieurs, ne saurait donc donner l'idée d'aucune perte aux entrepreneurs de messageries; j'en excepte ceux

qui auraient sollicité pour eux-mêmes la création d'un privilége exclusif. Quant à tous les autres, ils obtiennent une sécurité précieuse, et faite pour exercer une influence avantageuse sur les établissements dont ils sont propriétaires.

Mais l'impôt qu'ils n'auront fait qu'avancer finira par augmenter le prix du_transport_pour les voyageurs et pour les marchandises. Il est évident qu'on ne peut ranger parmi celles-ci aucun objet de première nécessité. Puisqu'elles peuvent supporter la dépense du transport par les messageries, c'est qu'elles renferment beaucoup de valeur sous peu de volume; il faut donc observer que le droit reste dans une faible proportion avec leur prix, et que ce léger impôt ne porte que sur un genre de consommation qu'il peut atteindre sans inconvénient.

Ce que n'auront pas acquitté les marchandises sera payé par les voyageurs; il est également impossible, et de n'en pas convenir, et d'en tirer une objection solide contre le projet.

Quel qu'eût été le choix du Gouvernement, obligé de se ménager, par la création, ou par l'augmentation d'un impôt quelconque, de nouveaux moyens pour venir au secours des postes, il y aurait toujours eu pour le public un accroissement de charges. Lorsqu'on se rappelle l'objet d'une perception tendant à soutenir les relais et le service de la poste aux lettres qui en dépend, ne trouve-t-on pas que c'est par l'analogie la plus naturelle que l'on a été conduit à faire porter cette contribution si peu onéreuse sur la portion de la société qui parait le plus directement intéressée au bon entretien de tous les moyens de correspondance et de communication ?

L'orateur du Gouvernement n'a pas prononcé une assertion hasardée, en vous faisant observer que le droit projeté laisserait encore le prix des places, dans les voitures publiques, au-dessous de ce qu'il était avant la Révolution. Ce prix doit éprouver une diminution ultérieure; elle est garantie par les effets de la concurrence, par l'esprit d'invention qui se manifeste dans tous les arts, et par toutes les circonstances qui, en contribuant à l'accumulation des capitaux, doivent produire une baisse graduelle dans le prix de l'argent. Si on avait cherché des ressources dans un privilége exclusif pour les messageries, les voyageurs n'auraient pas tardé à payer des prix aussi élevés que ceux d'autrefois, ils auraient perdu la faculté de choisir entre un grand nombre de voitures différentes, et ils auraient dù concevoir, non plus l'espérance d'un perfectionnement progressif, mais la crainte de tous les inconvénients que fait naître ordinairement l'indolente exploitation d'un privilége.

Si la loi qui vous est présentée, Messieurs, est fondée sur un principe digne de votre suffrage, elle ne le mérite pas moins par la convenance de chacun de ses articles.

Elle ne doit être mise à exécution qu'au 1er messidor prochain. On ménage ainsi aux entrepreneurs de messageries la faculté de faire les arrangements les plus convenables avec les maitres de postes.

Une exception est accordée à toutes les voitures qui ne doivent pas être considérées comme voitures de voyage, à toutes celles qui, allant à petite journée, ou n'étant pas suspendues, sont employées par les voyageurs les moins riches.

Toute contravention sera punie d'une amende dont le produit est attribué et aux maîtres de postes lésés par la contravention, et à l'adminis

tration non moins intéressée qu'eux à l'exécution de la loi.

De plus elle doit recevoir un complément. En partant du principe qu'on vous propose aujourd'hui de consacrer, un règlement d'administration publique réunira les dispositions ulté rieures qui pourront être nécessaires pour concilier plus aisément tous les intérêts; mais ces dispositions n'obtiendront une autorité définitive que de vous-mêmes, Messieurs, dans votre prochaine session. Ce genre d'essai n'est pas une diminution de vos droits; il tend au contraire à en faciliter et à en relever l'exercice. Préparer ainsi vos délibérations, n'est-ce pas vous mettre dans le cas de vous décider sur le rapport même de l'expérience?

Il me semble, Messieurs, que ce mot qui réveille déjà par lui-même des idées si respectables, acquiert une nouvelle solennité lorsqu'il est proféré en votre présence. Notables des diverses parties de la France, vous vous trouvez successivement dans les positions les plus favorables pour recueillir une expérience utile à l'Etat. Vous faites connaître dans le chef-lieu de l'Empire les besoins de chaque localité, et vous apprenez à chaque localité jusqu'à quel point ses convenances particulières doivent être subordonnées à l'intérêt général. Ainsi vous continuez à servir la patrie lors même que vous cessez d'être réunis, ainsi vous remplissez la noble mission de médiateurs entre le trône et le peuple, entre la bienveillance et la fidélité.

J'ai essayé, Messieurs, de vous retracer les motifs qui ont déterminé la section de l'intérieur du Tribunat en faveur du projet qui vous est soumis; c'est à votre sagesse à prononcer. M. Carrion-Nisas fait un rapport sur le projet de loi qui assimile les villes de Marseille, Lyon et Bordeaux aux autres villes pour la forme de l'administration municipale.

Messieurs, les vastes et populeuses cités d'une république sont toujours des points importants, quelquefois des foyers de trouble et de révolte difficiles à éteindre, souvent les boulevards d'une résistance sourde, mais malaisée à vaincre, et pour l'esprit de mécontentement et d'opposition, des asiles puissants qu'il est long et pénible de

forcer.

Ces idées appuyées de récents exemples frappaient vivement les esprits en l'an III, elles leur étaient présentes encore en l'an VIII: de là l'établissement à cette première époque, d'un bureau central qui partageait l'autorité municipale dans les grandes communes, et lui ôtait une intensité dangereuse; et de là à la seconde et plus heureuse époque que nous venons de citer, la démarcation des trois principes entre ces mêmes communes en plusieurs mairies, qui divisaient la masse du pouvoir populaire et local, et ne laissaient de concentrique et de vigoureux que le pouvoir de police qui, dans la main d'un seul commissaire, délégué par le pouvoir suprême et étranger aux localités, représentait et communiquait d'une manière plus directe, plus ferme et plus dépendante, l'action et l'intention du Gou

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F'attention du législateur et du magistrat suprême; quand, dis-je, ce grand et puissant motif, affaibli par l'action du temps et des événements, s'évanouit et se range au nombre des choses passées, alors on voit, on distingue une foule d'embarras partiels qu'on n'avait pas aperçus, on est frappé, on se sent gêné d'un grand nombre d'incommodités qui avaient paru de peu de poids et de considération; et comme il n'y a plus que des abus de détails à corriger, on y avise et on découvre qu'on peut y pourvoir d'une manière prompte et certaine en détruisant l'institution qui protégeait ces abus, laquelle, ne faisant plus un grand bien sous un certain rapport, ne peut plus être soufferte, à cause du grand mal qu'elle fait sous un autre rapport, en autorisant mille petits maux.

Heureuses circonstances pour les gouvernements, où la solidité de l'édifice n'étant plus douteuse, on peut en soigner plus attentivement l'intérieur, et penser à ce qui décore, parce qu'on est bien sûr de ce qui soutient.

C'est l'époque où nous nous trouvons; et c'est ce qui amène l'opération politique dont le projet vous est soumis.

Elle ne regarde point Paris; Paris, exception éternelle; Paris, ville commune de tous les Français, où tous ont en quelque sorte droit de cité; Paris, qui recrute sans cesse les départements, et qui en est recruté par une circulation régulière et continuelle; dont les prérogatives morales ou matérielles, fictives ou réelles, sont également utiles à ses propres citoyens et à tous les nationaux; Paris, qui possède enfin la plus grande part des conditions qui firent appeler Rome à une époque glorieuse de l'Empire (1), aussi bien la mère et la nourrice, que la dominatrice des na

tions.

D'ailleurs, sur ce point central de l'Empire français, la presqu'identité de l'arrondissement municipal et de l'arrondissement départemental donne à Paris, dans la personne du préfet de la Seine, tous les avantages d'un magistrat unique; c'est pour la cité, comme un maire prééminent, assisté de douze pairs, image dans de moindres proportions, mais assez remarquable dans l'état moderne, d'une époque de l'état ancien, qui est restée dans la mémoire des hommes.

Il s'agit donc seulement, dans le projet, des villes de Lyon, Marseille et Bordeaux, les seules, après Paris, qui soient dans un état d'exception à la loi commune.

Ces villes, toutes trois douloureusement agitées pendant nos longues discordes, ne présentent plus aujourd'hui que calme, tranquillité, bon esprit, amour du Gouvernement, unité de vouloir, et tendance à la prospérité par la sagesse.

Donc, sous les grauds points de vue politiques, point d'inconvénient à ce que l'administration municipale de ces importantes cités soit rattachée à un seul centre.

Cette opération aura beaucoup d'avantages administratifs, dont il ne faut point se priver, puisque cette privation n'est plus compensée.

Ces villes, par le projet, n'auront plus qu'un maire; ce maire aura six adjoints, nombre jugé nécessaire et suffisant à l'exactitude du service; aucune ville n'en a actuellement plus de cinq.

Voici les biens incontestables qui résulteront de cette organisation nouvelle, ou plutôt de ce retour à l'organisation primitive et naturelle.

Les moyens d'administration qui peuvent être aujourd'hui discordants, ou du moins dissem

(1) Sous Théodose, expression de Saint-Augustin.

T. VIII.

blables, inconvénient réel et sensible, surtou dans un si proche voisinage, vont devenir communs dans leurs sources, nécessairement conformes dans leur action, et par conséquent concordants dans leurs effets.

Les prétentions rivales qui (depuis longtemps sans scandale, mais toujours avec détriment pour la chose publique) se renouvellent à chaque instant entre les pouvoirs égaux, qui s'exercent en même lieu et sur des objets semblables, vont être entièrement éteintes.

Un grand texte de plaintes, de contestations, de comparaisons, va être ôté aux contribuables. dans la répartition des impôts et prestations de tout genre, et entre les arrondissements, et entre les citoyens eux-mêmes.

La responsabilité qui s'évanouit quand elle se partage, va reprendre toute sa consistance et toute sa réalité.

Tels et plus nombreux encore seront les avantages administratifs que va procurer à ces trois grandes cités le premier article du projet de loi; vous avez vu que ces avantages ne sont balancés aujourd'hui par aucun inconvénient, par aucun danger.

Des hommes vertueux, il est vrai, vont quitter des magistratures honorables, mais pénibles. mais gratuites, mais dans lesquelles ils n'avaient à espérer que ce qui leur est acquis, que ce qui ne leur sera point ôté, l'amour et la reconnaissance de la cité, de la patrie; de tels hommes sont faits pour trouver un dédommagement complet et bien doux dans l'amélioration de l'état de ces mêmes cités, pour lesquelles ils ont fait tant de nobles sacrifices.

Le second article du projet contient une disposition sage et nécessaire.

Les rapports qui existent entre les maires et les commissaires de police cessent d'être les mêmes dans le fait, doivent être modifiés aussi dans le droit.

Il est aisé de juger que les attributions de la police devaient se ressentir de cette circonstance, qu'elle seule avait un centre unique, et agissait sur tout le ressort de plusieurs centres municipaux.

Le pouvoir municipal, jouissant du même àvantage aujourd'hui, peut et doit retrouver et reprendre des attributions que, pour le bien du service et de l'administration, il avait été obligé de céder à un pouvoir mieux constitué, et plus analogue aux grands pouvoirs publics.

Eulia, Messieurs, cette loi qui sort pour ainsi dire toute faite de la contemplation de l'ordre actuel, qui est provoquée par tout ce qu'elle touche directement, n'a paru à la section de 1 interieur du Tribunat susceptible d'aucune objection dans son principe, d'aucun amendement dans sa rédaction, d'aucune difficulté dans l'époque de son exécution; et telle qu'elle a été présentée à notre examen, telle nous la soumettons à vos lumières, et la proposons avec confiance à votre approbation. On procède par un seul appel nominal à la délibération sur les trois projets de loi qui viennent d'être discutés.

Le Corps législatif vote l'adoption 1o du projet relatif à l'acquisition du château Treffaven par 167 voix contre 82; 2° de celui relatif aux postes et messageries par 217 voix contre 34; 3o de celui relatif à l'organisation municipale de Lyon, Marseille et Bordeaux, par 242 voix contre 7.

Des orateurs du Gouvernement sont annoncés et introduits.

M. Ségur monte à la tribune et prononce le discours suivant.

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estimées dans leurs dispositions, dans leurs motifs, dans leurs formalítés, dans le caractère des pièces produites à l'appui, nous ont paru, Messieurs, mériter la sanction de vos suffrages, et nous vous proposons de convertir le projet en loi. M. Carrion-Nisas fait un second rapport sur le projet de loi relatif à un échange entre la liste civile et MM. Geoffroi et Letourneur.

Messieurs, de tous les actes d'amélioration et de bonne administration auxquels les propriétaires peuvent se livrer, il n'en est point de plus généralement favorable que les échanges.

De tous les contrats synallagmatiques, l'échange est le plus constamment avantageux aux deux parties contractantes; aussi est-il le type, l'origine, l'essence de tous les contrats, il est le contrat primitif.

Comme administrateur de sa liste civile, le chef de l'Etat a les mêmes intérêts, les mêmes moyens, et doit avoir les mêmes vues que les particuliers.

C'est un soin louable en lui, c'est même un heureux présage pour l'administration de l'Etat que de lui voir gérer ses propriétés rurales avec sagesse, économie, et d'après les principes qui guideraient un bon ménager et père de famille; de lui voir réunir, anıéliorer, acquérir, échanger, suivant les convenances locales de ses corps de domaines, et l'intérêt de leur surveillance ou de leur exploitation.

Que si cette louange vous paraissait petite pour un grand souverain, daignez entendre, Messieurs, comment un écrivain politique du premier ordre, et réputé classique par nos ennemis mêmes, s'est exprimé sur un sujet semblable.

Il mit, dit Montesquieu, en parlant de Charle« magne, il mit une règle admirable dans sa dé"pense, il fit valoir ses domaines avec sagesse, " avec attention, avec économie; un père de famille pourrait apprendre dans ses lois à gou« verner sa maison. On voit dans ses capitulaires «la source pure et sacrée d'où il tira ses richesses; « je ne dirai plus qu'un mot, il ordonnait qu'on « vendit les œufs des basses-cours de ses domaines et les herbes inutiles de ses jardins; et il avait « distribué à ses peuples toutes les richesses des «Lombards et les immenses trésors de ces hommes « qui avaient dépouillé l'univers. »

Ainsi s'exprime Montesquieu; il semble que ces dernières paroles soient une sorte de prophétie. Oui, si Londres ne suit pas de meilleurs conseils, le successeur de Charlemagne partagera à ses braves les dépouilles des spoliateurs de l'Inde qui voudraient dépouiller l'univers.

Cependant, noble imitateur de cet illustre modèle dans les petites choses comme dans les grandes, il nous propose aujourd'hui de sanctionner une amélioration notable dans les domaines impériaux.

Cet échange, avantageux aux particuliers qui traitent avec la liste civile autant qu'à elle-même, est non-seulement volontaire, mais vivement désiré de leur part.

Toutes les moralités, toutes les égalités ont été également appelées, suivies et respectées.

La section de l'intérieur du Tribunat vous propose de sanctionner ce projet de loi par votre approbation.

Les deux projets sont mis aux voix et adoptés à la majorité de 224 boules blanches contre six noires.

La séance est levée.

CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.

Séance du 15 ventóse an XIII (mercredi 6 mars 1805).

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. M. Rieussee. J'ai l'honneur de faire hommage au Corps législatif, au nom de M. Chabot (de l'Allier), ancien jurisconsulte et membre du Tribunat, des deux premières parties d'un grand ouvrage dont il s'occupe sur les dispositions du Code civil, relatives aux successions.

La première partie est intitulée: Tableau de la législation ancienne sur les successions, et de la législation civile établie par le Code civil.

La seconde partie a pour titre : Commentaire sur la loi du 29 germinal an XI. relative aux successions, formant le titre Ier du IIIe livre du Code civil. Je demande que le Corps législatif agrée cet hommage et qu'il en soit fait mention au procès

verbal.

Ces propositions sont adoptées.

Un secrétaire fait lecture de la lettre suivante, de M. Brémontier, inspecteur général des ponts et chaussées :

Messieurs, la commission des travaux des dunes, créée par l'arrêté du 13 messidor an IX, m'a chargé par sa délibération ci-jointe, du 2 pluviose an XII, d'avoir l'honneur de vous présenter quel ques pains de résine; ce sont les premiers produits des plantations que j'avais fait faire dans ces sables én 1788 et 1789.

Cette commission s'est flattée, Messieurs, que vous recevriez ce faible hommage avec bonté: il vous donne la certitude du succès, j'ose dire, d'une très-grande entreprise, dont l'exécution avait jusqu'à nos jours et à plusieurs égards été regardée comme impossible.

La possibilité de la fixation et de la fertilisation des dunes n'est plus un problème, et les résultats avantageux qui doivent en être la suite sont inappréciables et ne doivent pas être contestés.

Signé BREMONTIER. Le Corps législatif arrête qu'il sera fait mention honorable de cette lettre au procès-verbal. L'ordre du jour appelle la discussion de trois projets de loi.

Les orateurs du Gouvernement et du Tribunat sont introduits.

M. le Président. La parole appartient à Messieurs les orateurs du Tribunat.

M. Daru fait un rapport sur le projet de loi relatif à l'acquisition du château de Treffaven.

Messieurs, les armements que la compagnie des Indes faisait autrefois dans le port de Lorient, firent éprouver la nécessité d'un focal où fussent emmagasinées les poudres destinées à ces casernements, et déposer celles que les vaisseaux sont obligés de décharger avant d'entrer dans le port. On loua, pour cette destination, le château de Treffaven, situé hors la ville et sur la rivière de Scorff, qui, après avoir traversé le port, va se jeter dans la rade de Lorient.

Le changement que ce port éprouva lorqu'ils ful affecté à la marine militaire n'en entraîna aucun dans la destination de ce magasin. Son isolement était compté pour un avantage, sa position permettait d'y faire tous les transports par eau; et une expérience qui datait de 1730 prouvait que le choix de ce local avait été judicieux, puisque les poudres s'y conservaient parfaitement. Ainsi, depuis soixante ans, on se félicitait de cet établissement, lorsque la Révolution vint en donner

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