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nécessaires à la vie. Le véritable souverain est celui qui fait vivre le peuple."

Dans la matinée de ce jour, dit un de nos agents, on faisait courir dans le fb. Germain un bruit infâme, ayant pour but d'inviter les citoyens qui se disposaient à aller au Champ-de-Mars, à se tenir sur leur garde et à se méfier des gendarmes du corps législatif; car, disait-on, ces coquins qui nous mènent feront comme a fait Lafayette.

Hier, dans le café de Foix et ceux du boulevard, on disait que le gouvernement, en exigeant le serment des employés, voulait en connaître le nombre exact, ainsi que tous ceux sur lesquels il pouvait compter en cas de mouvement.

Le refus des propriétaires de maisons, de recevoir leurs loyers en assignats, donne lieu à de fréquents murmures de la part des locataires.

Les rentiers se flattent, que le gouvernement va prendre incessamment un parti qui mettra fin à leurs souffrances.

Au café Italien, on y parlait de la paix, et l'on disait que le gouvernement français, disposé à garder le Rhin comme une barrière ou limite, laisserait aux peuples des pays conquis par les armées de la république le choix de prendre tel gouvernement qu'il leur plairait.

Un observateur rapporte que plusieurs citoyens prétendent, que la ville de Carpentras est occupée par les Chouans, que le midi est en pleine insurrection, que l'on continue d'y assassiner les patriotes, et que, d'une autre part, on transige avec les chouans de la Vendée.

Hier, dans plusieurs cafés, les habitués assuraient, que l'on devait attribuer au gouvernement le taux élevé auquel se tiennent les matières d'or et d'argent; que son objet était, de faire rentrer une grande quantité d'assignats, et que le numéraire acheté sur la place devait être versé dans les caisses publiques; ainsi, ajoute-t-on, il ne faut pas s'étonner, si les agioteurs se montrent si ouvertement. Emprunt forcé. On dit que la répartition a été trop précipitée pour être juste, et qu'on n'aurait pas dû le recevoir avant la confection des rôles. Malgré ces assertions, les patriotes désirent que la rentrée de cette contribution se fasse promptement.

Spectacles. Au théâtre de la Cité on a applaudi vivement à ce passage de la pièce du Barbier de Séville:,,Jouissons! car dans trois semaines, peut-être, nous ne serons plus." Les airs et chants patriotiques y ont été bien accueillis.

Au théâtre du Vaudeville les chants civiques ont été applaudis faiblement.

Aux Variétés amusantes, même insouciance.

Au théâtre du Marais le passage qui suit a été saisi vivement par le public, qui a paru en faire une application très-affectée.,,La méchanceté des hommes va de pis en pis, mais enfin cela aura un terme.“ Du reste, aucuns faits contre le bon ordre et la tranquillité ne sont venus à notre connaissance.

Pour rapport

Les commissaires du bureau central.
Hannocque. Guérin.«

»2 pluviose an 4. Esprit public. Paris a joui hier de la plus parfaite tranquillité, à quelques nuances près, dont nous rendrons compte.

Le plus grand ordre a régné au Champ-de-Mars.1 Tous les spectateurs y ont manifesté une joie vive, et leur sincère amour pour le gouvernement républicain. Le peuple, qui s'attendait hier à recevoir la livre de pain, n'a pas paru content d'être trompé dans ses espérances.

Un observateur rapporte que les marchands d'argent étaient hier en grand nombre au palais Égalité. Des bons citoyens disaient que ces fripons aimaient beaucoup mieux, travailler à la ruine du peuple, que de prendre part à une fête qui leur déplaisait.

Un autre observateur annonce qu'hier au soir on a vu dans les rues des hommes du peuple armés de bâtons, et que la plupart criaient,,Vive la république, à bas les Chouans", et semblaient disposés à se porter à des voies de fait; cependant, il n'en est résulté aucun accident fâcheux.

Suivant le rapport d'un 3ème agent, qui a surveillé les cafés dans la soirée, les habitués, en s'entretenant de la cérémonie du jour, disaient qu'il était nécessaire de réveiller quelquefois l'imagination d'un peuple sans éducation; que les sensations extérieures lui étaient nécessaires et que, plus les membres du directoire exécutif seraient magnifiques dans leur costume, plus serait grand le respect de la multitude.

Un 4ème observe que, pendant sa surveillance au Champ-deMars, il n'a vu ni entendu rien qui soit contraire aux principes républicains; que le public lui a paru généralement avoir les meilleures dispositions et désirer vivement la paix et l'union.

Un cinquième enfin dit avoir entendu par les uns faire un récit

Le directoire lui-même s'y rendit en cérémonie, et y prêta le serment

de haine à la royauté.

A. SCHMIDT, Tableaux. III.

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très-avantageux de la cérémonie; il ajoute que d'autres s'étaient permis des plaisanteries, en disant: „Le peuple a plus besoin de pain que de fêtes."

Spectacles. Au théâtre du Vaudeville on a beaucoup applaudi à ce passage de la pièce d'Honorine „La rigueur et le ton féroce en gouvernement ne réussissent guère." Plusieurs individus ont affecté de couvrir d'applaudissements outrés le couplet de l'hymne des Marseillais commençant par ces mots,,Tremblez_tyrans.“ La même remarque a été faite au théâtre de la rue Favart. Au théâtre de Feydeau on a représenté la Mort de César. Les traits patriotiques y ont été vivement applaudis; les 1ères et les 2 loges étaient vides pendant cette pièce, et ne se sont remplies que pour les deux autres; quelques passages relatifs à la sainteté des serments ont donné lieu à des applications malignes et à des applaudissements ironiques.

Au théâtre de la République on a joué la tragédie de Brutus, mais nous n'avons reçu aucun rapport sur ce spectacle, si ce n'est que nous avons été témoins des applaudissements qui ont été donnés à l'hymne des Marseillais, qui s'est chanté entre les deux pièces.

Du reste, le bon ordre et le calme ont régné dans tous les autres spectacles où l'on a coutume de jouer et de chanter les airs patriotiques, qui ont été accueillis très-favorablement dans le public.

Pour rapport

Les commissaires du bureau central.
Houdeyer.<<

»3 pluviose an 4. Esprit public. La tranquillité dans Paris est toujours la même. Le pain qui se vend sur la place est toujours fort cher; le prix des denrées ne diminue que très-insensiblement; d'un autre côté le peuple, toujours réduit aux 3 quarterons, se plaint amèrement de sa détresse; il serait à craindre que les malveillants, en profitant de ce prétexte, ne cherchassent à exciter quelques mouvements.

L'agiotage se fait toujours ouvertement, surtout sous les galeries du palais Égalité; non seulement on y trafique sur le numéraire, mais encore sur les comestibles, notamment sur le blé et la farine, dont les brocanteurs se montrent entr'eux des échantillons; les passages sont tellement obstrués que les citoyens honnêtes peuvent à peine percer la foule, et sont exposés sans cesse à être volés par les filous.

Un observateur rapporte avoir entendu dire dans les cafés qu'il a surveillés, que, si le gouvernement voulait diminuer le nombre des agioteurs, il fallait qu'il s'occupât efficacement de procurer une existence sûre au petit rentier et aux employés de la république. Ils ajoutaient que cette mesure ferait rentrer en eux-mêmes plus de 20 mille individus qui ne se livrent à ce trafic scandaleux que par besoin.

Dans plusieurs cafés les opinions des citoyens sur la cérémonie du 1er pluviose étaient très-partagées; les uns disaient avoir vu avec le plus grand plaisir, prêter le serment requis par la loi; d'autres, qui étaient d'un avis contraire, prenaient le prétexte de la misère du temps et prétendaient, que ces fêtes tournaient à la honte de l'état et n'avançaient pas nos affaires.

On parle de l'arrivée à Paris du général Jourdan, et de celle d'un ambassadeur de l'empire; on se livre à cet égard aux conjec-' tures les plus favorables d'une paix prochaine; plusieurs citoyens pensent même que le gouvernement s'occupe des moyens de l'accélérer; d'une autre part on dit que, si l'on manifeste une grande sévérité à l'égard des jeunes gens de la 1ère réquisition, c'est uniquement pour montrer une force imposante et capable d'assurer l'exécution des traités projetés.

La masse générale désire toujours la prompte exécution des mesures arrêtées par le Directoire exécutif pour le recouvrement de l'emprunt forcé.

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Spectacles. Au théâtre de la rue Favart les jeunes gens avaient crié bis à cets mots Tremblez tyrans et vous perfides;" mais, leur cabale n'ayant pas été assez forte, leur demande a été refusée. Au Vaudeville la chanson patriotique Veillons au salut de l'empire a été vivement applaudie par le parterre, les 3mes et 4mes loges; le reste de la salle a gardé un morne silence, si ce n'est à l'orchestre, où quelques individus ont fait entendre des murmures; un militaire a voulu en mettre deux à la porte; cette querelle n'a pas eu d'autres suites et le calme s'est rétabli.

Au théâtre des Arts l'observateur a été prévenu par le cit. Rochefort administrateur et par le cit. Larue inspecteur, tous deux de ce théâtre, qu'un nommé Ma snel, se disant chef de la police militaire, s'était présenté sur le théâtre et s'était mal conduit tant envers le cit. Larue qu'envers la plupart des danseurs; il leur a dit ces propres paroles: Il y a ici une police royale qui conjure; ces propos ont tellement indigné les danseurs qu'ils ont failli se porter à des voies de fait contre l'agresseur, qui aussi insulté le citoyen Lebret, un des agents du ministre de la police, qui a été traité de chouan. L'observateur termine son rapport en annon

çant que l'officier de garde, témoin de tous ces faits, y a mis ordre en faisant sortir ce perturbateur.

Pour rapport

Les membres du bureau central.
Houdeyer.<<

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»4 pluviose an 4. Esprit public. On est très-mécontent de voir renchérir de nouveau les objets dont le prix avait un peu fléchi, tels que le pain, la viande, les pommes de terre et autres denrées.

Un observateur rapporte que les patriotes paraissaient trèsmécontents du journal dit le Courrier Républicain, dont le rédacteur a inséré dans sa feuille d'hier une dénonciation qui les accuse d'un complot contre une partie du corps législatif. Par suite de ce mécontentement, hier soir des militaires ont souffleté un particulier au café de la République, sans doute regardé par eux comme un royaliste, parce qu'il avait une coiffure regardée comme suspecte.

Un autre agent rapporte que, dans une certaine classe, on dit que le règne des Jacobins va renaître, que déjà leur licence se manifeste d'une manière alarmante, et qu'ils sont autorisés par le gouvernement.

Suivant le rapport d'un 3me le peuple se prononce de plus en plus contre les êtres nuisibles à la société et désire que Paris en soit purgé.

Un 4me observateur rapporte avoir assisté à l'audience du directoire exécutif et avoir remarqué, qu'il y avait un grand nombre de spectateurs qui paraissaient très-satisfaits de la manière honnête et affable, avec laquelle le cit. Carnot recevait les pétitions de tous les citoyens indistinctement.

Un 5me observe que dans tous les lieux où il s'est porté, l'opinion publique ne lui avait pas semblé aussi divisée que de coutume, et que le plus grand nombre des citoyens lui ont paru parfaitement disposés en faveur du gouvernement républicain.

Un sixième, en rapportant le résumé d'une conversation par lui entendue dans quelques cafés, dit que plusieurs citoyens prétendaient que, si l'on voulait donner plus de force à la république, il serait essentiel de supprimer le mot provisoire, qui inspirait toujours de l'inquiétude et de la méfiance aux divers employés peu assurés de leur sort.

Un observateur rapporte que, dans les cafés qu'il a surveillés, on parlait de la majesté de la dernière cérémonie, mais que l'on

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