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que de donner ainsi la comédie au public, au risque d'en être sifflées. Haumont, employé

dans les bureaux de la 3e division

du ministère de l'Intérieur.<<

Par suite de cette dénonciation le ministre adressa, le >>6 fructidor an 7«, une lettre »au commissaire du Directoire exécutif près l'administration centrale du département de la Seine«, par laquelle il lui demanda des renseignements sur les événements scandaleux de » décadi 10 thermidor«, et lui enjoignit »de s'assurer si les solennités décadaires se font avec la décence convenable.<<

Le »9 fruct. an 7« le commissaire » Réal«,1 successeur de Dupin, répondit provisoirement, qu'il avait demandé des renseignements à son collègue près le 10° arrondissement.

Ailleurs nous trouvons la suite de cette affaire. Il en résulte, que le commissaire du 10 arrondissement ne put désavouer le scandale dont il s'agit; quoiqu'il tâchât d'amoindrir le fait, en prétendant que la tranquillité s'était rétablie pendant le discours, il se vit obligé de convenir, qu'un rire bruyant, à l'aspect du vieux couple, avait saisi tout l'auditoire du temple.

(N. 352) >> COMPTE DES OPÉRATIONS DU BUREAU CENTRAL

du canton de Paris

pendant le mois thermidor an VII [19 juillet-17 août 1799]. 2

Esprit public. Ce qu'on a recueilli des conversations en plusieurs endroits publics annonçait que le royalisme n'avait pas

1 C'est P. F. Réal, accusateur public et longtemps, comme nous avons déjà vu, substitut du proc. syndic de la Commune de Paris.

2 Le 2 thermidor an 7 (20 juillet 1799), Joseph Fouché de Nantes fut nommé, à la place de Bourguignon-Dumolard, ministre de la police générale. Il occupa ce ministère, pour cette première fois, jusqu'au 15 septembre 1802; pour la seconde fois, depuis le 18 juillet 1804 jusqu'au 2 juin 1810; pour la troisième fois, depuis le 21 mars 1815 jusqu'au 23 juin

perdu toutes ses espérances; au récit des nouvelles ou, plutôt, des bruits de l'anéantissement de nos armées en Italie, les royalistes disaient: Les choses vont bien; ils ajoutaient presque toujours qu'on ne réussirait pas à faire partir les conscrits, et surtout ils ne manquaient pas de peindre la moitié au moins de la France comme voulant un roi. Ils ont cherché à donner à l'esprit public la plus mauvaise direction; on les entendait partout répéter que les membres de la réunion politique, rue du Bac, ne voulaient que la constitution de 93. C'est surtout dans les cafés, comme pour être fréquentés par des ennemis de la révolution, et où les opinions du royalisme sont rarement déguisées, que l'on a affecté de croire à l'existence de tel et tel projet pour le rétablissement de cette constitution; c'est là que la société du temple de la Paix et, en général, toutes les réunions politiques étaient un objet de haine et de sarcasme; c'est là, comme dans quelques cercles aristocratiques, que le mot de Jacobin ou d'anarchiste s'est reproduit avec ironie, a été appliqué à tous les patriotes sans distinction, et que l'on a prêté à cette société l'intention de tout bouleverser.

De ces déclamations on a passé quelquefois à des raisonnements dont le fonds était que: dans un gouvernement démocratique, on était sans cesse en but à toutes les factions; qu'un tel gouvernement ne convenait nullement à des Français; que celui d'un seul était préférable; que les Vénitiens, sous le nom d'un Doge, n'avaient qu'un roi.

Des gens que rien ne rassure ont paru s'effrayer du nombre des réunions politiques que l'on a dit ouvertes dans la république.

On blâmait beaucoup, dans des groupes formés le 19 près le palais des 500, la chaleur que plusieurs orateurs avaient mise dans la discussion ouverte sur le message du Directoire relatif à ces sociétés; on craignait surtout que les royalistes n'en conçussent un plus grand acharnement encore contre les réunions. D'autres voyaient dans ce message, et dans le rapport qui y était joint, les traces des anciens systèmes de bascules politiques. On a, au surplus, témoigné généralement le désir de voir ces réunions régularisées ou restreintes à des limites légales et sages.

On s'est aperçu que des jeunes gens osaient se réjouir, lorsqu'ils entendaient parler de quelques revers; on en a entendu, au récit des échecs que, suivant plusieurs journaux, Buonaparte aurait essayé en Syrie, souhaiter que cela pût continuer, parce qu'alors ils ne seraient pas obligés de partir.

de la même année. Le 15 thermidor an 7, le commissaire du directoire près le bureau central, Astier, fut remplacé par Lemaire.

La proclamation du département de la Seine, relativement aux conscrits, a fait la plus vive sensation et a été lue avec satisfaction; mais, dans une promenade très fréquentée, des individus se sont plûs à répandre les bruits les plus perfides sur les conscrits des départements; ils les peignaient comme disposés à se retirer dans les forêts, et à exercer le brigandage, plutôt qu'à se rendre sous les drapeaux de la patrie

D'autres attachaient à la prompte punition des voleurs et dilapidateurs le succès de la levée des conscrits.

On a vu le public s'occuper beaucoup des troubles qui se sont manifestés sur différents points de la République. On a été généralement effrayé de ces insurrections, que tout le monde a senti être provoquées et conduites par le royalisme. Ce que l'on a appris des brigandages et des assassinats qui se commettaient dans la Vendée, a affligé et indigné tout à la fois, et dans les groupes, comme dans les conversations, l'opinion s'est prononcée pour des lois énergiques et propres à rompre le cours de tous ces malheurs. Les royalistes ont eu deux manières de s'en féliciter; les uns ne dissimulaient pas leurs vœux pour que ces ravages augmentassent, parce qu'ils espéraient que les ennemis en auraient d'autant plus de facilité d'entrer en France et d'y rétablir la monarchie; les autres gardaient un silence remarquable par l'air de contentement et d'espoir, dont il était accompagné; à les entendre, tous les troubles étaient causés par la réouverture des sociétés politiques. ennemis implacables de tout système de gouvernement représentatif, de toute constitution à la tête de laquelle ne serait pas un roi, ont crié continuellement à la terreur, ont appliqué la qualification de Jacobin à quiconque ne pensait pas comme eux, et ont lancé une foule de pamphlets, sous divers titres, pour corrompre et égarer l'opinion, faire naître la haine contre la république, et ressusciter la royauté avec tous ses accessoires.

Ces

On a vu dans un de ces pamphlets, intitulé les Actes des Apôtres, des sarcasmes amers contre toutes les institutions de la république, la supposition infâme que les 99 de la France soupiraient après un roi, et la prédiction pour le retour de Louis XVIII avant la fin de ce siècle.

Un appel audacieux à la contrerévolution a été fait dans un autre, intitulé: „Adresse aux réquisitionnaires, conscrits et jeunes français en état de porter les armes.“ Après y avoir rapproché tous les malheurs de la révolution pour la rendre odieuse, on leur a dit: ,,Osez, et la France redevient heureuse avec son roi!"

On a témoigné des craintes, dans plusieurs entretiens, d'après ce qui s'y débitait de la détresse des troupes françaises en Italie.

La reddition de Mantoue a répandu aussi une alarme assez vive, et des inquiétudes réelles pour le succès de nos armes en Italie. Bien des personnes ont pensé que cette place ne s'était rendue que par l'effet d'une trahison.

Toutes ces craintes sur le sort de nos armées, et toutes les inquiétudes témoignées sur la situation politique de plusieurs départements où l'insurrection s'est manifestée, ont prouvé que l'esprit public, malgré les efforts du Royalisme, n'était point anéanti.

Une circonstance dont on a rendu compte, et que l'on va rappeler, a prouvé aussi que l'esprit du peuple triomphait toujours des menées du Royalisme. Les deux voleurs que l'on conduisait au supplice, le 16 thermidor, dirent dans leur trajet à la place de Grève: que si c'était leur tour aujourd'hui, ce serait bientôt celui des républicains; que les conscrits n'iraient pas aux armées, parce qu'ils y seraient assassinés. Ils crièrent ensuite: Vive le roi! Mais leur voix fut étouffée par des cris de Vive la République, qui se répétèrent à chaque fois que le glaive de la loi frappait un coupable. Chacun, dans la foule, augura bien de cette disposition du peuple; on disait que la république, malgré ses ennemis, serait encore une fois et toujours triomphante, et que, si ses ressources pour la campagne étaient assurées, on trouverait des hommes prêts à verser leur sang pour le salut de la patrie.

L'aspect des garnisons de Corfou et de Milan a fait une impression profonde sur ceux qui, en foule, se portaient sur le passage de ces troupes. Le dénuement extrême, dans lequel étaient ces défenseurs de la république, faisait naître mille imprécations contre les dilapidateurs qui, à la suite des armées, se sont enrichis aux dépens du soldat. Dans les arrondissements populeux en ouvriers, notamment le 12°, on s'est peu occupé de questions politiques; les cabarets, marchands de vin, limonadiers, tabagies, ont été peu fréquentés; on a vu les manufactures, grandes et petites, presque désertes, la maçonnerie surtout sans occupation, et les ouvriers se plaignant beaucoup. Cependant la tranquillité n'a été troublée sur aucun point de cette commune.

Spectacles. Il y a eu peu d'intérêt dans les spectacles et encore moins de bon esprit; les airs civiques n'ont attiré, en général, l'attention et les applaudissements que d'un très-petit nombre de citoyens.

Cependant au théâtre de la République, et à celui „,de la République et des Arts," on a remarqué que les spectateurs qui fréquentent d'habitude le parterre et l'amphithéâtre étaient ordinairement animés de l'esprit républicain; que, si les airs civiques n'y étaient pas toujours accueillis avec chaleur, il était rare du moins

qu'ils ne fussent pas suivis de quelques applaudissements, de même que les passages qui caractérisent la haine de la royauté et l'amour de la république.

Depuis la reprise de Tarrare [Tarare, opéra de Beaumarchais], au théâtre de la République et des Arts, il a été fait des applications dans un sens réellement patriotique lors de chaque représentation de cette pièce, et l'attention de l'auteur à faire ressortir les passages favorables à l'opinion publique a été très-sensible.

Il a été observé que les airs civiques étaient à peine écoutés au théâtre Favart et à celui du Vaudeville, et qu'on y apercevait rarement les traces de quelque esprit public.

Les sectateurs au théâtre Favart ont paru, par des applaudissements affectés, et même en le faisant répéter, vouloir faire une application de ce passage d'une ariette d'Adèle et Dorsan [?]: ,,Puissions-nous vivre tous assez

Pour voir tous les brigands chassés!"

Le royalisme le moins équivoque présidait aux applaudissements qu'a obtenus au même théâtre cet autre passage:

,,Oui, la bonne vieille assez vivra

,,Pour voir le bonheur de la France!"

On a remis au théâtre de la Cité la pièce de Montony [?]. On a observé que cette pièce, qui contient quelques tableaux de brigandage et d'empoisonnement, avait été suspendue sous ce rapport d'immoralité. Le cruel Montony, séditieux, chef de brigands et despote, ne périt que par la trahison d'un autre scélérat comme lui; mais, surtout, il meurt content. On eût pu intituler cette pièce: le

triomphe de la vengeance.

Journaux. Sur l'emprunt. Plusieurs journaux se sont élevés contre des dispositions de la résolution sur l'emprunt. Quelques articles de progression, surtout celui concernant l'ascendant d'émigré ex-noble, ont éprouvé des contradictions de la part du Surveillant.

Suivant une lettre du C. J. B. D., insérée le 5 thermidor, dans l'Observateur, ce mode d'emprunt laissait percer le système: renversement de toutes les fortunes un peu considérables. Toutes les exploitations commerciales et agricoles devaient s'en ressentir; un doublement pur et simple, et par forme de prêt, de la contribution somptuaire et mobiliaire aurait produit, sans aucun délai et sans embarras de perception, une somme de 120 millions; et ce projet d'exécution facile aurait rassuré promptement sur les justes craintes que l'on concevait d'après les principes de nivellement et d'expropriation mis en avant. Telles ont été les idées émises dans l'Observateur.

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