Page images
PDF
EPUB

DIXIÈME PARTIE.

LA SUITE ET LA CHUTE

DU GOUVERNEMENT DIRECTORIAL.

(SEPTEMBRE 1796 NOVEMBRE 1799).

I. L'an cinq de la république.

L'an cinq est signalé par les approches et les effets de la grande crise de fructidor. Il y avait deux partis opposés dans le Corps législatif: les Conventionnels et les Clichiens.1 Ceux-là, c'étaient les républicains révolutionnaires et hardis; ceux-ci, c'étaient les républicains modérés et antirévolutionnaires, auxquels se joignaient les royalistes de toutes les nuances, tant absolutistes que constitutionnels et démocrates. Conformément à cette division, le directoire et le ministère, les administrations et le public étaient de même divisés. La majorité du directoire, Barras, Laréveillère-Lepaux et Reubell, s'appuyait sur les Conventionnels; la minorité, Carnot et Barthélemy, sur les Clichiens.

Jusqu'aux élections de germinal (mai 1797), les Conventionnels avaient le dessus dans les deux conseils; mais, par suite de ces élections, les majorités Conventionnelles des Cinq-cents et des Anciens cédèrent à des majorités Clichiennes. Une lutte sourde et acharnée s'engagea, aussitôt, entre les deux partis. C'est alors que le triumvirat directorial, plus vigilant et plus actif que ses adversaires, se mit à préparer un coup d'état militaire, pour terrasser le parti Clichien. Bonaparte, vainqueur en Italie, après avoir fomenté la discorde par ses dénonciations de complots royalistes, encouragea le triumvirat par une adresse vigoureuse de son armée, et par l'envoi du général Augereau. Enfin,

1 Ainsi nommés à cause de la réuniou de leurs chefs à Tivoli, près de la rue de Clichy.

le 18 fructidor (4 sept.), le coup d'état s'accomplit. Barras, Laréveillère et Reubell, dans le cabinet de ce dernier, dirigèrent les opérations, ensemble avec Talleyrand, Merlin et François de Neufchâteau, les ministres des affaires étrangères, de la justice, et de l'intérieur.1 Augereau commanda les troupes, entrées nuitamment dans Paris, et exécuta avec ardeur tous les ordres qu'il reçut. La terreur fut victorieuse. Les deux conseils, mutilés et représentés surtout par les deux minorités, furent forcés de voter à la hâte les,,lois de fructidor." Celles-ci, sous le titre d'une grande conspiration découverte, condamnèrent à la déportation: les directeurs Carnot et Barthélemy; 53 membres du Corps législatif; Cochon, l'exministre de la police, et Dossonville, employé à la police; le journaliste Suard et beaucoup d'autres. En même temps le directoire qui, quelques jours après, fut complété par Merlin et François, obtint une espèce de dictature, notamment sur la presse périodique et les clubs.

3

La situation où se trouvait, aux approches de la crise, l'administration de la police en général, et le bureau central en particulier, était sans doute pénible et ambiguë; la scission régnait partout, à chaque pas on risquait de se compromettre, à chaque mot on craignait de dire trop.

C'est en se ressouvenant de cette situation, et de toutes les particularités que nous venons d'énoncer, qu'il faut peser les rapports qui suivent.

1 Benezech avait été remplacé à l'intérieur par François de Neufchâteau le 28 messidor an 5 (16 juillet 1797).

2 Cochon de Lapparent avait été remplacé à la police, le 28 messidor an 5 (16 juillet 1797), par Lenoir-Laroche; mais celui-ci ayant donné sa démission peu de jours après, le 8 thermidor, le directoire nomma Sotin de la Coindière, son commissaire près le département de la Seine, ministre de la police (26 juillet 1797-12 février 1798).

3 Voir le rapp. du 22 prairial an 4, note.

(N. 306) TABLEAU ANNUAIRE DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE.

>> L'administration centrale du département de la Seine au ministre de l'Intérieur.

Compte rendu par les administrateurs du dép. de la Seine de leur gestion pendant l'an V, en exécution de l'art. 200 de la constitution. 1

Première époque. Du 1er vendémiaire au 15 floréal an V [22 sept. 1796-4 mai 1797]. 2<<

P. 11 s. >> Le bureau central et le commandant temporaire nous ont secondés avec le plus grand zèle dans les mesures que nous avons prises pour la sûreté de cette grande commune ... et malgré les sinistres récits débités par la malveillance, augmentés par la peur, il est vrai de dire que presque jamais, sous la police si vantée de l'ancien régime, il ne s'est passé un hiver où l'on ait vu à Paris moins de vols et d'assassinats. <<

P. 53 s. Le compte-rendu rapporte que les écoles centrales ont été réouvertes avec beaucoup de succès; que l'on ne peut pas dire la même chose des écoles primaires; que la cause en est la concurrence des écoles particulières; que celles-ci, n'étant pas surveillées, »appellent par cela seul la confiance exclusive des personnes qui n'ont pas encore su apprécier les avantages des institutions républicaines; « et que, par la même raison, beaucoup de précepteurs des écoles primaires ont donné leur démission. Voilà pourquoi les administrateurs invitent les ministres de l'Intérieur et de la Police » d'appliquer aux écoles particulières les moyens de surveillance établis pour les écoles primaires. Nous jugions [poursuivent-ils] que, si ces établissements n'étaient sévèrement inspectés et surveillés, il existerait dans la république deux espèces d'écoles, deux sortes d'éducation; dans les écoles primaires nos enfants sont

1 Carton 21,,Seine F1 C. Ce compte annuaire et celui qui forme notre n. 309 sont des pièces imprimées; néanmoins nous en donnons quelques extraits, dans la persuasion que les exemplaires de ces pièces, s'il y en a plusieurs, sont extrêmement rares.

2 Les administrateurs de cette époque sont: Nicoleau, Faure, Joubert, Fournier, Arsandaux.

« PreviousContinue »