Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

n'est pas dans cette classe qu'il faut chercher du raisonnement et de la patience; entendez-la converser: „C'est le gouvernement qui soutient, qui alimente l'agiotage, c'est lui qui discrédite son papier, c'est lui qui vend et qui achète le numéraire, il est indifférent sur le sort des malheureux, il ne fait pas exécuter les lois, et si l'on conspire, c'est qu'il gouverne mal."

Dans les cafés, on convient unanimement que la paix seule peut améliorer notre situation; que, sans cet état de calme, il est difficile de se tracer un plan d'économie; que ce n'est pas au milieu de la guerre et de ses dépenses forcées, que l'on peut devenir économe; que l'agiotage est un fléau terrible, mais qu'il est une suite presque nécessaire d'un état de guerre, et surtout de révolution. On se reporte sur les nations qui, comme nous, ont été en proie aux agitations orageuses des révolutions et de la guerre, et l'on attend tout du temps et de la prudence. Dans ces conversations calmes on admire la constance et la fermeté du gouvernement, et nous pouvons assurer, qu'il est entouré de l'estime et de la confiance des citoyens amis de l'ordre et de la prospérité de leur pays.

Il paraît constant, que les affidés des conjurés ne sont pas tous sous la main de la loi; les affiches du directoire sont déchirées, les patriotes en style de Babœuf forment des conciliabules, on prétend que leur but est d'arracher de leurs fers ceux qui y sont livrés. Cependant les fb. sont tranquilles, la majeure partie des ouvriers sont à leurs travaux, et la garde qui est imposante aux postes de la prison de l'Abbaye rendra infructueuses toutes les tentatives de la malveillance et de l'anarchie. La lettre imprimée de Drouet au corps législatif, et qui circule assez profusément, ne fait naître que cette réflexion, que ses idées républicaines ne sont pas puisées dans la constitution de 1795 (Marat et Robespierre avaient aussi leurs idées républicaines). On plaint ce représentant. mais on n'est pas généralement convaincu de son innocence.

Spectacles. Le théâtre de la rue Feydeau, où l'on représentait le Philinte de Molière, était rempli. Le plus grand calme y a régné, et les applaudissements se sont prolongés aux tirades contre l'égoisme et l'insensibilité. L'esprit qui régnait dans cette nombreuse assemblée était bon. A l'Opéra-comique rue Favart. où l'on donnait Rose et Colas, ces mots: „La méchanceté des hommes est si grande, que ça va de pis en pis" ont été très-applaudis. Partout les hymnes patriotiques ont été chantés et faiblement applaudis. L'ordre et la décence ont été partout observés.

Surveillance. Il existait hier un rassemblement considérable dans un oratoire particulier, anciennement dit le couvent de Ste. Marie, rue Antoine; les prêtres desservants cet oratoire ont

été arrêtés, au nombre de 8, par ordre du bureau central, comme contrevenants à l'article 16 de la loi du 7 vendémiaire, qui limite à dix le nombre des citoyens qui peuvent être reçus dans un oratoire particulier.

Pour rapport

Les membres du bureau central.
Bréon.<<

»30 flor. an 4. Esprit public. L'espérane se fortifie tous les jours, de voir la paix mettre un terme à la révolution française; la rapidité des victoires remportées en Italie, la situation critique de l'empereur qui voit envahis ses états dans ces contrées, la situation même des finances de l'Angleterre, tout annonce une paix non seulement prochaine, mais durable.

Il est beau, dit-on, de voir le directoire s'occuper tout à la fois de déjouer les complots de l'intérieur, et de dicter la paix aux puissances qui ont déclaré la guerre à la France. Les cœurs s'épanouissent, et ce n'est plus l'indifférence qui lit et récite les exploits des soldats de la république.

Hier on disait qu'à l'imprimerie du Postillon par Calais le bruit se répandait, que les cordonniers et les savetiers avaient le projet de s'armer de leurs outils tranchants pour un coup prêt à éclater; ce bruit faisait lever les épaules et n'interrompait pas la lecture du journal; cependant rien n'est à dédaigner, car l'anarchie sait profiter de tout.

On a remarqué qu'il se consommait beaucoup de vin au corps de garde de la maison d'arrêt du Plessis, on témoigne de la méfiance sur la garde, on craint quelques évasions. Ces faits sont à vérifier, et la surveillance des prisons ne doit pas se relâcher, surtout dans les circonstances où nous sommes.

On rapporte encore, que l'on a entendu des militaires buvant au cabaret de la Belle-image, rue neuve des Petits - champs, se plaindre de leur solde, et dire qu'ils étaient bien bêtes, tandis que les Jacobins leur tendent les bras, et leur offrent 30 sols par jour en numéraire. Ces militaires sont ceux qui font le service au domaine et à la trésorerie nationale. Dans les cafés, et même dans les groupes, on se plaint du relâchement de la discipline militaire, la trop grande familiarité de l'officier et du soldat, du vagabondage, et des dépenses faites par les soldats; on n'a pas grande confiance en eux, et l'on désire que le ministre de la guerre ne perde pas de vue la troupe qui est à Paris, surtout au milieu du libertinage qui y règne et qui assiége le soldat de toute part.

de

A l'égard des finances, et de ce qu'on appelle la bourse, les plaintes sont toujours les mêmes; la sévérité du gouvernement est appelée à grands cris sur les individus qui y trafiquent. On a remarqué cependant, que le peuple en général n'était pas indifférent au succès de nos victoires, et qu'il n'entrevoyait pas sans plaisir l'époque d'une paix prochaine; et ces mots,,il faut attendre" terminent ses doléances sur la situation pénible.

Le représentant Drouet n'excite plus un si vif intérêt depuis la publication de sa lettre, tout le monde est d'accord sur la folie de son projet; mais la curiosité est toujours en haleine sur l'issue de cette conjuration et le mode qui sera employé pour instruire le procès de tant de conjurés; on redoute le jury d'accusation, et l'on semble désirer que la surveillance de cette affaire ne lui soit pas renvoyée.

Spectacles. Au théâtre de la République on n'a pas chanté l'hymne patriotique; à ce sujet plusieurs personnes ont été entendues disant: „Aurait-on défendu de chanter? Ce ne serait pas mal." Il sera pris des mesures pour que cette omission ne se répète plus. Surveillance. Il y a eu beaucoup de groupes dans lesquels il n'était question que de l'agiotage qui se fait au palais Égalité. On se plaint généralement de la cherté excessive de toutes les denrées, et surtout du pain. Les conversations roulent sur la conjuration qui a été sur le point d'éclater, et sur ceux qui en sont les auteurs.

Pour rapport

Les commissaires du bureau central.

Limodin.<<

NEUVIÈME PARTIE.

LE GOUVERNEMENT DIRECTORIAL

DEPUIS LA CONJURATION DE BABŒUF

JUSQU'AU

COMPLOT DU CAMP DE GRENELLE

(MAI-SEPTEMBRE 1796).

« PreviousContinue »