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le gouvernement. Ces précautions ont entretenu le calme, et tout, pour ce jour, annonce la plus grande tranquillité.

Pour rapport

Les commissaires du bureau central.

Maisoncelle.<<

»30 germ. an 4. Groupes. Depuis les nouvelles mesures du gouvernement, les groupes ne sont ni si nombreux ni si agités; on n'y entend plus ces diatribes amères, autant qu'injustes, contre le gouvernement; les turbulents orateurs n'y enflamment plus les esprits, et les entretiens ne roulent plus que sur les agioteurs et les mandats.

Rien de particulier au fb. Antoine, sinon que des ouvriers se plaignent de manquer d'ouvrage, et de ne pouvoir atteindre au prix des denrées; mais ils espèrent une amélioration prochaine dans leur état par l'exécution rigoureuse des lois concernant les mandats.

Rapport de Marie et de Duval. Les gens des marchés se plaignent de l'opiniâtreté des gens de campagne à refuser les mandats; on prétend que la loi demeurera sans effet, tant qu'on ne taxera pas les marchandises. Les propos suivants, que tiennent certains spéculateurs aux citoyens peu fortunés, sont bien propres à donner de l'inquiétude aux esprits crédules et faciles à égarer. „Ça vous est bien égal, leur disent-ils, à vous qui n'avez rien à perdre, de prendre du papier ou autre chose; mais le marchand qui calcule toutes les dépenses du gouvernement, qui excèdent de beaucoup ses revenues, pourra-t-il consentir à échanger ses marchandises contre du papier dont le remboursement lui paraîtra impossible?" C'est ainsi que raisonnent l'égoïsme et la perfidie.

La manière dont on a dissipé les groupes du Pont-au-change, a produit un très-mauvais effet, puisqu'elle a servi à aigrir davantage les esprits. Les cavaliers ont fondu au galop et le sabre nu sur le rassemblement; les individus fuyaient de toutes parts; les cavaliers, montant sur les trottoirs et allant toujours au galop, les ont poursuivis jusqu'à la moitié du pont, ce qui a occasionné des huées et des imprécations contre eux. Plusieurs ouvriers mécontents disaient que, si l'on continuait d'agir ainsi, ils apporteraient leurs outils tranchants et éventreraient les chevaux. L'on avait tellement outré ce que cette conduite pouvait avoir de repréhensible, que, suivant le rapport d'un de nos préposés, l'on disait dans la rue Jacques, que l'on sabrait au Pont-au-change.

On a remarqué que la ci-devant rue des Cordeliers porte le

nom de Marat, et que la petite place qui est devant la maison des ci-devant Cordeliers porte le nom de place de l'Ami du peuple. Le bureau central va écrire sur cet objet à la municipalité de cet arrondissement.

Pour rapport

Les commissaires du bureau central.
Maisoncelle.<<

V. Tableau de floréal an 4. Conjuration de Babœuf.

(N. 302) » BUREAU CENTRAL DU CANTON DE PARIS.

Rapports généraux de la Surveillance pendant le mois floréal an 4 de la république française [20 avril-19 mai 1796].<<

Extraits.

» 1er floréal an 4. Esprit public. On ne remarque plus de groupes dans les endroits où ils se formaient. La loi sur les rassemblements a neutralisé le sermon qui pouvait les rendre dangereux à la tranquillité publique.

La taxe du pain et de la viande excite des murmures et des plaintes, on la trouve excessive; la valeur des assignats étant à 30 capitaux pour un', la livre de pain, disait-on, ne devrait coûter que 4 liv. 10 s.

Pour cette fois, disait-on aussi, l'agence ou commission des subsistances ne peut nier qu'elle a fait manger au peuple du pain de féveroles, car on vend les restes aux 4-Nations; et cependant on s'est contenté de la supprimer. Le gouvernement est trop doux avec les fripons.

L'affiche de la trésorerie relative au remboursement des petits assignats attire beaucoup de monde.

Au café Conti, on disait que les Anglais avaient fait une descente à Port-Malo.

Au café Coratza, l'on assurait que les anciens membres du comité de sûreté générale avaient dirigé les groupes ces jours derniers; on nommait Vadier.

Dans la nuit du 28 au 29 germinal, on s'est aperçu vers les six heures du matin, qu'on avait voulu couper l'arbre de la liberté, et qu'on en avait détaché des morceaux, lesquels on avait ensuite rattachés au corps de l'arbre avec un ruban noir. Ce délit a été

commis sur la section Fontaine de Grenelle, tout près du corps de garde, où se trouve l'arbre de la liberté. Le commissaire de police de cette section s'y est transporté et a dressé un procès-verbal, dont il a envoyé copie au juge de paix. Nous allons lui écrire pour stimuler son zèle relativement à cette affaire, dont nous avons déjà informé le ministre de la police générale.

Au Pont-au-change quelques groupes s'étaient formés dans le courant de la journée. C'étaient principalement des ouvriers, attirés par les chanteurs et les baladins; on s'y entretenait de la taxe du pain et de la viande, on s'y plaignait aussi de manquer d'ouvrage.

Vers les huit heures du soir ces groupes étaient peu nombreux; ils ont été dissipés, comme la veille, par une patrouille à cheval, qui a monté encore sur les trottoirs et s'est mise à poursuivre les citoyens. Plusieurs marchandes de pommes ont été renversées. Cette conduite des cavaliers a soulevé l'indignation des esprits et l'on a crié à la tyrannie, à l'oppression. Le bureau central va écrire relativement à cet objet au commandant temporaire de la place de Paris.

Pour rapport

Les commissaires du bureau central.
Maisoncelle.<<

» 2 floréal an 4. Esprit public. Les groupes n'existant plus, le rapport sur l'opinion publique se compose de faits et de quelques propos recueillis dans les halles, marchés, places publiques et cafés.

Il paraît, en général, qu'on se plaint de la taxe du pain et de la viande, qu'on trouve excessive. Les ouvriers qui se plaignent de manquer d'ouvrage disent: Nous n'avons plus rien à vendre, comment pourrons-nous vivre? Les assignats étant à 30 capitaux pour un, le pain se trouve porté à plus de vingt sols en promesses de mandats, et la viande à quatre francs la livre. Les agioteurs et les marchands discréditent tous les mandats, leur font perdre déjà 90 pour cent, et on les laisse tranquilles; si l'on ne sévit pas rigoureusement contre les premiers, et si l'on ne met pas une taxe pour arrêter la cupidité des seconds, jamais les mandats ne prendront bien. Tel est à peu près le résultat de presque toutes les conversations sur cet objet.

Tout paraît dans la plus grande tranquillité dans le fb. Antoine. On débitait hier au café Valois,' que dans la ci-devant province de Lorraine on avait arboré la cocarde blanche et foulé aux pieds la tricolore.

A. SCHMIDT, Tableaux. III.

11

Rapport de Favrot. Au café Coratza plusieurs personnes ont dit que les soldats du camp de la plaine de Grenelle s'étaient battus, parce qu'on ne veut pas les laisser communiquer avec leurs frères de Paris. D'autres personnes ont demandé, quel jour cela était arrivé. Le jour de la décade, a-t-il été répondu. Le bruit s'est répandu dans Paris. L'on se plaint de la cavalerie, l'on dit que c'est elle qui a commencé à attaquer et que, quand ce seraient des Autrichiens, ils n'agiraient pas avec plus de brutalité.

Dans les groupes formés à la place de Grève pour l'échange des petits assignats, on disait que les nouveaux sols étaient bien reçus, que des marchands de vin donnaient une pinte de vin pour 5 sols, que les boulangers les recevaient aussi.

A la suite d'un repas donné rue Cérutti, l'on a chanté le réveil du peuple. Le bureau central a pris des mesures convenables pour obtenir des renseignements ultérieurs.

Spectacles. L'on a remarqué au théâtre de la Cité beaucoup de femmes sans cocarde. Au spectacle de la rue Feydeau l'on a applaudi avec transport aux mots Tremblez tyrans.

Pour rapport

Les commissaires du bureau central.

Maisoncelle.» 1

»3 flor. an 4. Esprit public. Des plaintes et des murmures sur la taxe du pain et de la viande que l'on trouve excessive, des inquiétudes sur le sort des mandats, des imprécations contre les agioteurs, des sentiments de joie à la nouvelle victoire remportée par l'armée d'Italie, tel est le tableau de l'opinion publique que présentent les divers rapports de ce jour.

Dans les groupes qui eurent lieu au Pont-au-change jusque vers les sept heures du soir, des ouvriers, qui se disaient manquer d'ouvrage, se plaignaient amèrement de la taxe du pain et de la viande. Pourquoi, disaient-ils, les assignats étant à 30 capitaux pour un, nous fait-on payer le pain à raison de 23 sols en mandats, et la viande pareillement à plus de quatre francs?" Dans les halles, marchés et places publiques les mêmes plaintes et les mêmes réflexions à cet égard.

1 Voilà le dernier rapport signé par Maisoncelle Dès le jour suivant, les membres du bureau central sont: Bréon et Limodin; le troisième, Cousin, nommé peut-être un peu plus tard, ne reparaît dans nos actes que le 18 messidor.

La répugnance excessive que témoignent les habitants des campagnes pour les mandats inspire aux habitants de Paris de la défiance et des inquiétudes pour le papier-monnaie.

Dans la rue Antoine deux voituriers de la Brie, qui venaient d'être payés en mandats par l'administration, vomissaient des imprécations contre la république et ajoutaient, qu'ils feraient 20000 liv. ce qui leur auraient coûté 150 francs.

Dans la même rue, un marchand de pain exigeait six petites nouvelles pièces de cuivre pour une livre de pain, qu'il, vendait pour trois sols ancienne monnaie. Cette conduite a fait beaucoup murmurer contre la cupidité du marchand, et contre le gouvernement qui, dit-on, n'est pas assez sévère pour réprimer de pareils abus.

La foule était hier immense à la place de Grève pour le remboursement des petits assignats; une femme y eut, dit-on, un bras cassé; les agioteurs se tiennent aux environs pour accaparer cette nouvelle monnaie.

La nouvelle de la victoire remportée à l'armée d'Italie porte la joie dans tous les cœurs. Dans le jardin national l'on disait: Le directoire est bien éloigné de rendre tous les pays conquis, comme le supposait la malveillance.

Spectacles. Au théâtre de la République plusieurs élèves de l'école polytechnique, placés dans les balcons avec des filles du palais Égalité, faisaient des efforts pour troubler le bon ordre. Un de nos inspecteurs a été obligé de leur faire des représentations à cet égard. Lorsqu'on a chanté le hymne des Marseillais, ces petits messieurs se sont permis de le tourner en ridicule et de claquer avec indécence, non dans la main, mais dessus.

Pour rapport

Les commissaires du bureau central.
Bréon.<<

»4 flor. an 4. Esprit public. Hier sur les deux heures de l'après-midi, plusieurs ouvriers étaient rassemblés auprès de la porte du citoyen Grenu orfèvre, qui ne voulait point livrer des boucles d'oreilles en or à un militaire qui lui offrait en payement une rescription. L'orfèvre, traité de fripon et de coquin, voyant les têtes tres-échauffées, a livré sa marchandise.

On se plaint beaucoup des marchands qui refusent les sols républicains, et disent qu'ils n'ont pas la même valeur que ceux de l'ancien régime. Le public paraît content de ce qu'on a suspendu

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