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qui ne pussent pas être éludées, capables d'intimider les malveillants et de les forcer dans leurs derniers retranchements; il désirerait la peine de la déportation contre tous ceux qui jetteraient de la défaveur sur les mandats. Les propos perfides qu'on tient sur ce nouveau signe semblent justifier les alarmes du peuple. Entre les différents rapports, qui nous sont parvenus, nous croyons devoir transcrire celui du citoyen Guérin, l'un de nos préposés.

,,On applaudit beaucoup aux mesures fermes que le directoire se propose de prendre dans sa proclamation relative au nouveau papier-monnaie. Elles sont, dit-on, nécessaires; car les habitants des départements, et singulièrement ceux des campagnes, se sont déjà prononcés contre les mandats territoriaux, et il faudra des mesures vigoureuses pour les mettre en circulation. On dit même qu'il y a plusieurs départements qui sont sur le point de renvoyer les commissaires et agents du gouvernement et de ne conserver dans les autorités constituées que ceux qui leur conviennent, et ensuite de se gouverner eux-mêmes, et qu'ils trouveront des généraux et des troupes; que tout cela vient de ce qu'on se sert de gens ineptes, et que, si l'on ne remédie promptement aux maux qui, déjà, accablent le peuple, bientôt on verra des guerres départementales qui déchireront la république."

Les ennemis enfin de la république et du gouvernement actuel s'efforcent, par toute sorte de moyens, d'empêcher l'effet salutaire que doivent produire les nouveaux mandats.

liv.

Dans les cafés du Palais Égalité plusieurs individus assuraient, qu'avant le 10 de ce mois le louis serait à 8000 v.; qu'il était bien aise de voir, que cette baisse n'était que factice et occasionnée par les agents du gouvernement, pour donner la confiance aux mandats; que les Chouans faisaient des progrès rapides aux environs de Rouen, et que leur but était de s'emparer de la rivière et des routes, et d'empêcher les arrivages et toute communication avec Paris.

Tous ces divers objets nous ont paru dignes de l'attention du gouvernement.

Spectacles. Il est survenu au théâtre de la République une particularité, qui a tourné à la honte de la malveillance. On jouait la tragédie de Brutus; lorsque l'acteur a prononcé le vers du cinquième acte: Et qui sait conspirer, sait se taire et mourir, un individu du parterre a applaudi à toute outrance; mais il n'a pas eu d'imitateurs; les patriotes présents ont tourné sur lui des regards d'indignation.

A. SCHMIDT, Tableaux. III.

Pour rapport

Les membres du bureau central.

Astier.<<

9

»3 germ. an 4. Esprit public. Les mandats territoriaux sont toujours le principal objet des conversations qui ont lieu dans les cafés et dans les groupes; avec cette différence que, dans certains cafés, notamment dans ceux du palais Égalité, on tâche de persuader que ces mandats éprouveront le même sort que les assignats, et que l'on vient de faire faire banqueroute à la nation. Dans le café de Valois on ajoutait: „,Pichegru va demander sa démission, parce que son armée n'est pas en état de tenir la campagne, qu'elle est exténuée, et qu'elle manque de tout." Dans les groupes, au contraire, où l'esprit du peuple se montre avec franchise et bonne foi, on approuve généralement la création des nouveaux mandats. qu'on regarde comme la mesure la plus capable de rétablir nos finances. La seule crainte que l'on témoigne, c'est celle qu'on ne prenne pas des moyens d'exécution assez rigoureux contre ceux qui voudraient jeter de la défaveur sur ce nouveau signe. Les malveillants ne laissent pas, cependant, de s'insinuer dans les groupes et d'y répandre des nouvelles propres à entretenir les alarmes, telles, par exemple, que les projets des Chouans et l'insurrection du Berry; que le gouvernement n'a pas assez d'énergie, que les habitants des campagnes se sont prononcés contre les mandats, et que, si l'on veut les contraindre à les recevoir, ils n'enverront rien à Paris.

Un autre moyen que l'on emploie pour sapper la confiance du gouvernement, c'est d'attaquer la bonne foi de ceux qui sont préposés pour échanger les petits assignats contre des pièces métalliques. On disait, entre autres choses. que plusieurs personnes avaient porté des petits billets à échanger, et qu'on en trouvait les trois quarts faux.

Au faubourg Antoine, section des Quinze-vingts, un rassemblement s'était formé autour d'une affiche en forme de chanson, commençant par ces mots: Mourant de faim, mourant de soif, peuple dépouillé de tous droits etc. Le juge de paix s'y est transporté, et le rassemblement s'est dissipé sans témoigner du mécontentement. Nous croyons, cependant, devoir observer d'après divers rapports, que nous pensons que la cherté excessive des denrées, auxquelles le peuple ne peut atteindre, et les discours perfides des malveillants, pourraient l'égarer et lui faire prendre une fausse direction.

Spectacles. Presque toujours la même tiédeur pour les hymnes patriotiques; dans quelques-uns, on les applaudit plus que de coutume.

Au théâtre du Vaudeville on a joué la pièce du Fermier et du propriétaire; notre observateur a remarqué que cette pièce,

faite dans un temps de réaction, a été fort applaudie, et peut fournir de nouveaux aliments à l'esprit de parti.

Pour rapport

Les membres du bureau central.
Astier.<<

»4 germ. an 4. Esprit public. Des plaintes sur la misère publique et sur la cherté des denrées, des imprécations contre ceux qui l'entretiennent, des murmures contre le gouvernement qui, au gré des malheureux, ne déploie pas assez d'énergie contre les sangsues du peuple, des vœux ardents pour la punition prompte et sévère de ceux qui discréditeront ou refuseront les mandats: voilà le cercle d'idées que l'esprit public parcourt depuis quelques jours.

Les agioteurs s'étaient rendus hier soir en foule au Palais Égalité. C'est, disait-on, cet infâme agiotage qui entretient la cherté des denrées; il n'y a que les peines les plus sévères qui puissent retirer la république de l'abîme profond où ses ennemis veulent la *précipiter.

La malveillance redouble toujours d'efforts pour diminuer la confiance des mandats; dans différents cafés l'on disait:,,Lorsqu'il a été question de créer les assignats, on a consulté les départements; mais aujourd'hui on n'agit pas de même pour la création des mandats. Le moyen qu'on employera pour les faire recevoir seront les bayonnettes." Au café Valois on se récriait sur l'article qui défend la vente de l'argent, et sur la faculté exclusive qu'aura le gouvernement pour s'en procurer. Dans ce même café l'on répandait le bruit absurde, que le ministre de la police était arrêté. Les royalistes en témoignaient un grand contentement.

Au café de la République, galerie de bois, des individus se sont permis de dire, que les gouvernants étaient de f...gueux, et qu'ils venaient de faire banqueroute. De bons citoyens, indignés de ces propos aussi injustes qu'indécents, ont réfuté ces injures grossières avec l'arme de la raison. L'inspecteur qui a fait ce rapport a été chargé de s'attacher à connaître ces individus.

Spectacles. Au théâtre des Italiens la chanson patriotique dont le refrain est mourir pour la patrie, a été un peu hué; mais c'est au peu d'habitude et de talent du chanteur que l'on doit attribuer cette improbation du public.

1 Probablement, ce fut ces jours-là que Merlin donna sa démission, qui, cependant, ne fut acceptée que le 14.

A l'Ambigu-Comique, dans un passage où il est dit: Il vient de recevoir 2000 écus, l'actrice ayant ajouté en numéraire, cette addition a occasionné des ris et des applaudissements réitérés. Nous avons écrit à ce sujet aux directeurs de ces deux spectacles.

Au théâtre de l'Emulation, un soldat de la légion de police s'est présenté sans cocarde. L'entrée lui a été refusée; il en a acheté une pour entrer, s'est allé placer au 1er rang, et a mis sa cocarde dans sa poche; l'inspecteur en a instruit l'officier de garde, qui lui a promis que ce militaire serait puni de son insolence. Pour rapport

Les membres du bureau central.
Maisoncelle.<<

»5 germ. an 4. Esprit public. Peu de variation dans le thermomètre de l'opinion. Continuité des plaintes.. des efforts de la malveillance.

Continuité

Trois rapports annoncent que les agioteurs disent, que le gouvernement a passé, il y a trois jours, des marchés payables en mandats à 70 pour cent de perte.

Deux inspecteurs annoncent, l'un, que le quatre on a trouvé au Palais Egalité une inscription portant,,Vive Louis 17"; l'autre, qu'on a trouvé dans le jardin national un portrait de ce prétendu Louis 17. Ils n'en parlent point de visu, et il leur a été recommandé de s'assurer des faits.

On disait hier au café de la République, que les jeunes gens de la réquisition de Bordeaux ont pris la cocarde blanche et chassé tous les patriotes de leur commune.

L'avenue de l'ambassadeur d'Espagne, son séjour à Londres avant de venir en France, suggèrent aux patriotes des conjectures favorables pour la paix.

On répand aussi des bruits, sans doute absurdes, sur Fréron. On dit qu'il s'est mis à la tête de 30, d'autres disent de 60,000 hommes dans le midi. Des patrouilles fréquentes dissipaient hier les groupes.

D'après les ordres du ministre de la police, le bureau central a fait saisir ce matin un portrait de Philippe d'Orléans, exposé publiquement en vente au Louvre.

Spectacles. Le bureau central avait hier pris des mesures pour l'exécution de l'arrêté du département du 1er nivose, relatif à la répression de l'agiotage des billets d'entrée qui a lieu au théâtre des Arts. Plusieurs de ces vendeurs de billets ont été traduits

devant le juge de paix. Les intentions du ministre de la police et du bureau central ont été bien secondées par l'administration de ce théâtre, et par la force armée, si l'on en excepte quelques individus de la légion de police, qui ont paru eux-mêmes faire ou favoriser l'agiotage. Le bureau central en a écrit au commandant de la place, et nous avons lieu d'espérer, qu'avec le temps et des soins on obtiendra des résultats encore plus satisfaisants.

Pour rapport

Les commissaires du bureau central.

Astier.<<

»6 germ. an 4. Esprit public. Presque partout les voeux de la classe indigente appellent la fixation des denrées de 1ère nécessité.

1

La malveillance continue d'aigrir les esprits des hommes simples et faciles, en leur disant que déjà les promesses de mandats 1 perdent 50 pour cent, et que ce nouveau papier éprouvera le sort de l'assignat. Les ouï-dire désignent les marchands et les habitants de la campagne comme résolus à ne pas recevoir ce nouveau papier-monnaie. Cependant le fait suivant, s'il est vrai, dépose en faveur de ce nouveau signe. On nous assure qu'une foule de soumissionnaires s'est déjà présentée au département, pour se faire adjuger des domaines nationaux à 30 capitaux pour un. 2

Le rapport du citoyen Marie nous a paru propre à éclairer le gouvernement sur l'esprit du fb. Antoine; nous le transcrivons.

,,Dans les groupes du faubourg Antoine on disait hier, qu'il ne fallait pas être étonné, si les choses allaient si mal pour eux; que les plus énergiques n'existaient plus, les uns ayant péri de misère aux frontières, pour avoir défendu la cause du peuple; qu'il restait bien encore quelques patriotes intrépides, mais que leur nombre était si petit, qu'ils n'osaient élever la voix. Voilà, concluait-on, la cause pour laquelle le gouvernement exerce sur les petits un empire si dur et si despotique."

On annonçait ce matin la prise de Charette à Angers; 3 cette nouvelle réjouissait beaucoup les citoyens.

Dans le café Valois on disait que plusieurs jeunes gens de la

En attendant la fabrication des mandats, la trésorerie nationale fut autorisée, le 29 ventose. à donner des promesses de mandats, qui auraient cours comme les mandats. 3 Il fut jugé et fusillé à Nantes, le 9 germ. 2 V. le rapp. du 12 germ.

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