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déclara au nom du Roi que la session était ouverte, et la séance royale fut levée aux cris mille fois répétés de Vive le Roi! Vivent les Bourbons!

(1er février.) Dès sa première séance, la Chambre des pairs se constitua définitivement en nommant pour secrétaires à la majorité absolue des voix LL. SS. le marquis de Mortemart, le duc de Castries, le comte Claparède et le duc de Saint-Aignan.

Il ne paraît pas que la délibération ouverte quelques jours après, sur la rédaction de l'adresse à faire en réponse au discours du trône, y ait souffert de longs débats; elle ne fut pourtant votée que le 8 janvier et présentée le lendemain à S. M. Elle rappelle comme les précédentes chacun des paragraphes du discours du trône, avec les formules ordinaires du dévouement et de l'empressement de la Chambre à seconder les vues de S. M. Néanmoins les observateurs pointilleux qui se piquent d'y trouver les dispositions de la Chambre sur les projets qui doivent être soumis à sa délibération, crurent voir dans le paragraphe sur le projet de loi annoncé relativement aux successions, une opposition sérieuse dans ces expressions de la noble Chambre : « Nos attentions, nos scrupules mêmes seront mesurés sur la gravité des intérêts privés et publics qu'embrasse une question si vaste, si élevée et si difficile. » S. M. reçut cette adresse avec sa bienveillance ordinaire, et l'histoire doit retenir cette dernière partie de sa réponse :

« Je compte sur vous, Messieurs, comme vous devez compter a sur moi; croyez que je ne négligerai rien pour consolider le bon<< heur de la France, la gloire de notre monarchie et la liberté franche « et entière, suivant les lois, dont il me plaît de croire que le Français est digne, et dont je m'appliquerai à le faire jouir dans tout «< ce qui dépendra de moi. »

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La composition du bureau de la Chambre élective, toujours plus longue, occupa plusieurs séances, sous la présidence d'âge de M. Chilhaud de La Rigaudie. Le nombre des votans n'était encore à la seconde que de 221..., et sur ce nombre le dépouillement du scrutin pour l'élection des candidats à la présidence, donna au premier tour 172 voix à M. havez; 168 à M. Chilhaud de la Rigaudic;

155 à M. le prince de Montmorency; 141 à M. de Courtarvel; 110 à M. le baron de La Bouillerie; 53 à M. le comte de La Bourdonnaye; 39 à M. Hyde de Neuville; 32 à M. de Berthier, et 8 à M. Royer-Collard. On entre dans ces détails pour faire juger de la force des deux oppositions dans la Chambre. En résultat, les quatre premiers ayant seuls réuni la majorité des voix, on remit l'élection du cinquième candidat au lendemain, et ce fut M. de La Bouillerie qui réunit 174 voix.

La chambre nomma ensuite pour vice-présidens MM. de Martignac, de Vaublanc, Descordes, et Carrelet de Loisy;

Et pour secrétaires MM. Roland d'Erceville, de Margadel, de Curzay, et Fadatte de Saint-Georges.

Cette année encore, le choix de S. M. tomba sur M. Ravez pour présider la session...

9 février.) La discussion de l'adresse au Roi, que l'on peut regarder comme une reconnaissance de partis d'autant plus chaude que combattant hors des regards du public les acteurs croient avoir moins de ménagemens à garder, donna lieu à des débats vifs et animés qui roulèrent principalement, a-t-on dit, sur les paragraphes et l'adresse relatifs à l'émancipation de Saint-Domingue, à la loi projetée sur les substitutions et à la licence de la presse.

M. le général Sébastiani, nouveau député de Vervins, y marqua sa rentrée dans la carrière législative par un discours où il attaqua les ministres dans leur politique intérieure, comme ne se proposant qu'un but, « la ruine de nos institutions constitutionnelles; > et dans leur politique extérieure qui lui semblait « sans dignité, inhabile, imprévoyante, entièrement opposée aux intérêts de l'État... » L'honorable général donnait son adhésion entière à l'acte d'affranchissement de Saint-Domingue; mais abordant une question de droit public qui se présentait pour la première fois depuis l'existence de la France nouvelle, celle de savoir si le Roi a le droit de céder, sans le concours des autres branches du pouvoir législatif, une portion quelconque du territoire de la monarchie, l'honorable orateur n'hésitait pas à se prononcer pour la négative, et à dire que tous les traités. qui auraient stipulé ce douloureux sacrifice devaient être soumis à

l'examen des Chambres, et « qu'une accusation solennelle pourrait apprendre aux conseillers de la couronne que la Charte n'a pas en vain proclamé leur responsabilité... » Il regrettait d'ailleurs que par un ménagement mal entendu pour l'Espagne, les ministres n'eussent pas étendu les conséquences de cet acte aux nouvelles républiques de l'Amérique du sud, et qu'ils suivissent à l'égard des autres états une politique contraire aux intérêts et à l'opinion de la France...

Que nos ministres jettent les yeux autour d'eux, disait-il en résumant son discours, ils ne verront que les malheureux qu'ils ont faits ou qu'ils se proposent de faire. Les rentiers, ils les ont sacrifiés dans cette fatale réduction de la rente; les agriculteurs, les industriels, les commerçans, en leur fermant les débouchés de l'Amérique du sud; les femmes, les cadets, par leurs projets de masculinité et de primogéniture. Enfin, et les projets accomplis et les projets qu'ils nous annoncent menacent tellement le pays et ses plus chères institutions, qu'une chambre libre, une chambre attachée aux véritables intérêts du trône, voterait aujourd'hui même, au lieu d'une simple adresse, leur acte d'accusation. »

Après une première séance où l'on entendit encore MM. Agier, Hyde de Neuville, de Kergariou, de La Bourdonnaye, Bertin de Vaux, Benjamin Constant, Dudon et Bacot de Romans, qui attaquèrent plus ou moins vivement les mesures et le système du ministère, que défendit M. le président du conseil, plusieurs des paragraphes du projet d'adresse furent renvoyés à la commission. Le lendemain (10 février) la commission persistant à maintenir sa rédaction, la discussion reprit avec plus de chaleur. Les écrivains de l'opposition ont prétendu que le passage sur Saint-Domingue, et celui du dernier paragraphe qui signale la licence effrénée de la presse, n'avaient passé qu'à une faible majorité. MM. Mestadier, Royer-Collard, Bacot de Romans et Ferdinand de Berthier demandaient, dit-on, la suppression de cette partie du paragraphe qui ne fut adoptée qu'à une seconde épreuve... M. Bertin de Vaux proposait une autre adresse: M. Benjamin Constant un paragraphe additionnel dans lequel on aurait supplié S. M. d'aviser dans sa sagesse au moyen de sauver les malheureux chrétiens de la Grèce de la fureur de leurs barbares ennemis. Aucune de ces propositions ne fut accueillie.

On voit par les discours de l'opposition que leurs auteurs ont

fait imprimer, que les objections faites contre la rédaction du projet roulaient sur l'émancipation de Saint-Domingue, sur la neutralité de la France dans la guerre des Grecs, sur nos rapports politiques avec l'Espagne, et sur les projets de loi annoncés dans la séance royale. Nous passons à regret sur ces discours, dont l'analyse n'offrirait, séparément des réponses qui leur ont été faites, qu'une idée infidèle de cette discussion. Mais ces graves questions ne tarderont pas à se reproduire, et les séances publiques manifesteront au grand jour les vérités que le comité secret nous a dérobées.

L'adresse, adoptée le 10, fut présentée dans la même soirée au Roi, dont la réponse semblait repousser le vœu émis par la Chambre d'ajouter pour le moment aux dispositions des lois repressives des abus de la presse...

• Croyez, Messieurs, dit S. M., que je sais apprécier vos sentimens, et que je veille, comme je vous l'ai dit, à tous vos intérêts. Ayez en moi cette confiance, j'ose le dire, que j'ai en vous. Si je pensais que quelque inconvénient, que quelque malheur public pût nous menacer, soyez persuadés, Messieurs, que je m'adresserais à vous avec confiance pour en obtenir tous les moyens d'arrêter ce qui pourrait être contraire au maintien de notre repos. Mais, en attendant, soyez sûrs que j'ai l'œil toujours ouvert sur tout ce qui se passe, et que si je ne vous demande rien, c'est que je sens en moi assez de forces pour pouvoir réprimer ceux qui s'opposent au bonheur public. Commencez vos travaux avec cette confiance de l'homme de bien qui ne veut que le bonheur de son pays, et croyez que ce sera avec satisfaction que je vous verrai approfondir les lois qui vous seront proposées, et qui toutes doivent concourir, du moins dans mon espérance, à assurer la prospérité de mes peuples. »

(10, 11, 14 février.) Dès que les deux Chambres eurent porté ce tribut de leurs sentimens et de leurs hommages au pied du trône, les ministres de S. M. leur présentèrent divers projets de loi élaborés dans l'intervalle des deux sessions. Nous les rapporterons dans l'ordre où ils furent discutés, autant que nous pourrons le faire sans confusion.

CHAPITRE II.

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Arrêt de la Cour des pairs dans l'affaire des marchés de Bayonne. Traduction à la barre de la Chambre des députés et condamnation de l'éditeur du Journal du Commerce. DisPropositions faites à la même Chambre. cussion à celle des pairs du projet de loi pour la répression des crimes et délits de piraterie et de baraterie dans les mers du Levant.-Pétitions.

PENDANT qu'on s'occupait dans le secret des bureaux et des commissions de l'examen préparatoire des divers projets de lois déja présentés aux deux Chambres, elles eurent à délibérer sur des affaires ou propositions particulières dont l'histoire doit recueillir les détails les plus importans.

La première, portée devant la Chambre des pairs, constituée en Cour des pairs, était celle vulgairement appelée marchés Ouvrard ou de Bayonne. Il faut se rappeler à cet égard le texte de l'arrêt de la Cour royale de Paris, du 19 décembre dernier (voyez Ann. hist. pour 1825, page 261 de l'Appendice), laquelle, « considérant que de l'instruction faite par la Cour, il résultait qu'il était important d'examiner et d'approfondir par les voies judiciaires des faits qui concernaient les lieutenans-généraux Guilleminot et Bordesoulle, pairs de France, » se déclarait incompétente pour faire cet examen; et attendu que ces faits ayant une évidente connexité avec ceux imputés à d'autres individus justiciables de la Cour, il y avait lieu de joindre le tout, elle ordonnait qu'à la diligence du procureur-général du roi les pièces et la procédure seraient renvoyées devant qui de droit, etc. » C'est sur cette déclaration d'incompétence que la cause avait été portée devant la Cour des pairs (Ordonnance du 21 décembre), à laquelle M. le procureur-général près la Cour royale de Paris (M. Bellart) présenta son réquisitoire dans son audience du 15 février.

Après une délibération dont les détails sont restés secrets, la Cour des pairs a rendu un arrêt portant:

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