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La clause: RETOUR SANS FRAIS, écrite par le tireur sur une lettre de change, est-elle illicite et nulle, en ce sens que le porteur puisse et doive, nonobstant cette clause, faire constater le défaut de paiement par un protét? (Rés. aff.)

Cette clause a-t-elle néanmoins l'effet d'interdire

au porteur les frais de retraite, tels que ceux de rechange et commission? ( Rés. aff.)

En conséquence, dans le cas d'une pareille clause, les frais de protêt, d'amende et de timbre doivent-ils demeurer au compte du tireur, et ceux de retraite, tels que rechange et commission, doivent-ils demeurer au compte du porteur ? (Rés. aff.)

(Richaud contre Mazzitelli.)

Le 9 avril 1827, le sieur Michel Mazzitelli

tire de Marseille, à son ordre, sur le sieur Briard, parfumeur à Paris, une lettre de change de 635 fr., payable le 30 juin suivant.

L'effet est écrit sur papier non timbré : il porte la clause: retour sans frais, et il est successivement

VIII. Ire P.

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passé à l'ordre des sieurs Gustave Clément, J. J. Richaud et d'autres preneurs.

A l'échéance, protêt faute de paiement et compte de retour sur le sieur Richaud.

Celui-ci rembourse le porteur : ensuite il assigne le sieur Mazzitelli devant le tribunal de commerce de Marseille il demande paiement de la somme de 701 fr. 25 c., montant du compte de retour, compris les frais de protèt, de timbre, d'amende, de rechange et de commission.

Toutefois et par des conclusions nouvelles, il consent à déduire 16 fr. 77 c. relatifs aux frais de rechange et de commission.

Le sieur Mazzitelli offre de rembourser la somme de 635 fr., capital de la traite : il refuse de aucuns frais.

payer

Il soutient que la clause: retour sans frais, écrite sur la lettre de change, faisait un devoir au porteur de s'abstenir de tous frais, mêine de protét, de timbre et d'amende, et, à plus forte raison de ceux de retraite, tels que rechange et commission.

Le porteur, dit-il, a bien pu conțrevenir à la prohibition qui lui était imposée; mais les suites de la contravention demeurent exclusivement à sa charge il ne peut donc répéter les frais auxquels il s'est volontairement exposé.

:

S'il en était autrement, il arriverait que la violation d'une convention, d'un devoir deviendrait

la source d'une action judiciaire, idée qui répugne ét qui ne saurait trouver accueil devant un tribunal

de justice.

Qu'on ne dise pas que la clause: retour sans frais, n'a point d'effet obligatoire, vis-à-vis du tiers porteur; car, insérée dans le titre lui-même, elle lie tous ceux qui le prennent, parce qu'ils ne peuvent en méconnaitre l'existence. La clause modifie le titre et celui qui reçoit le titre ainsi modifié consent évidemment à subir les effets de la modification.

Qu'on ne dise pas, non plus, que la clause est illicite, et, par conséquent, frappée de nullité 1° en ce qu'elle tend à dispenser du protêt, qui est une obligation imposée au porteur par la loi; 2o en ce qu'elle a pour but de frustrer les droits du fisc.

Le protêt n'est nécessaire, d'après la loi ellemême, que pour conserver le recours du porteur envers les endosseurs et le tireur. Or, qu'a d'illicité la dispense du protèt, si le recours n'en ressent aucune atteinte? Et le recours n'en reçoit aucune atteinte; car, la clause est réciproquement obligatoire de même qu'elle fait un devoir au porteur de s'abstenir du protêt, de mème elle fait un devoir aux endosseurs et au tireur de rembourser, en absence de tout protêt.

D'un autre côté, le fisc ne saurait être fondé à se plaindre d'une convention qui tend à ne pas faire tel ou tel acte. Il peut bien percevoir les

droits sur les actes qui ont une existence démontrée à ses yeux; mais il ne s'est jamais arrogé le droit étrange de forcer la création d'un acte, quel qu'il soit. La dispense du protêt n'a donc rien d'illicite, même à l'égard du fisc.

JUGEMENT.

«Attendu que, d'après la loi, le protêt est nécessaire pour constater le refus de paiement;

» Que la clause : retour sans frais, énoncée dans la lettre de change dont il s'agit, ne pouvait être obligatoire pour le porteur. puisqu'elle est illicite, comme tendante à éluder les disposition de la loi sur le timbre et l'enregistrement;

» Que tout le bénéfice que le sieur Mazzitelli peut retirer de cette clause c'est d'être affranchi des frais de rechange et commission;

» Qu'en conséquence, en offrant purement et simplement le montant de la lettre de change, le sieur Mazzitelli a fait une offre qui n'était pas satisfactoire ;

» LE TRIBUNAL condamne le sieur Mazzitelli au remboursement de la somme de 684 fr. 43 c., montant de la lettre de change et des frais de protêt, avec dépens (1). »

Du 23 juillet 1827.-Prés. M. Alexis ROSTAND, chevalier de l'ordre royal de la légion d'honneur.— Plaid. MM. ODDO pour Richaud, BERTHOU pour Mazzitelli.

(1) M. Pardessus, Cours de droit commercial, nouv. édit., t. II., no 425, fournit, sur ce point, la théorie suivante: » Si le tireur, ou quelqu'un des signataires de la lettre, avait ajouté à sa signature une invitation de ne point pro

Vente.—Terme.-Livraison.-Résolution.

Dans le commerce, les ventes de marchandises sont-elles résolubles, à la volonté de l'acheteur, faute de livraison, de la part du vendeur, au terme convenu? (Rés. nég.)

La résolution, pour défaut de livraison au terme convenu, n'est-elle facultative à l'acheteur, au

tester, ce qui s'exprime par ces mots : retour sans protêt ou sans frais, le preneur, quand cette clause a été insérée dans la lettre, ou celui qui en est devenu propriétaire en vertu d'un endossement qui la contiendrait, est sans doute astreint à faire connaître amiablement et sans frais le défaut de paiement, et les déchéances dont nous parlerons ne peuvent lui être opposées par celui qui a mis cette clause. Mais il ne nous paraît pas qu'on puisse l'invoquer contre les endosseurs subsequens, ni qu'ils puissent s'en prévaloir les uns à l'égard des autres. C'est une restriction au droit commun qui ne peut s'étendre à d'autres personnes qu'à celles qui s'y sont soumises. >>

On voit que M. Pardessus n'hésite pas à reconnaître la validité de la clause, du moins entre le preneur et son cédant; tandis que le tribunal de commerce de Marseille la déclare indistinctement illicite. La jurisprudence décidera quelle est la meilleure de ces doctrines sur ce point culminant. Mais voici des nuances accessoires dignes de fixer l'attention.

Le tribunal de Marseille établit une distinction entre les frais de protêt, de timbre, d'amende, et les frais de la

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