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Nous voilà donc bien établis sur cette base savoir que l'art. 379 est conçu dans le sens d'un abandon signifié.

Et cependant, malgré cette signification, et en sus de cette signification, l'article ordonne une déclaration.

:

L'article va plus loin : il prévoit le cas où cette déclaration ne serait pas faite, et il prononce qu'il n'y a pas de prorogation du délai établi pour former l'action en délaissement n'est-ce pas dire bien clairement que l'abandon signifié ne ferme pas le cours du délai et ne l'empêche pas de devenir fatal, si la déclaration des assurances n'est pas faite en temps opportun?

Et, qu'on y prenne garde, s'il était admis que l'abandon et la déclaration peuvent être séparés par des intervalles plus ou moins considérables la porte serait ouverte à de graves abus. On verrait des assurés reculer leur déclaration jusques à la cinquième année, certains qu'ils seraient de l'impuissance des assureurs à vérifier son exactitude.

JUGEMENT.

<< Attendu que l'assurance de 4500 piastres fortes faite à Gênes, le 16 août 1825, pour le compte du sieur Heredia, et de laquelle les assureurs excipent pour soutenir que la déclaration du sieur Guerrero est inexacte, désigne, d'une manière spéciale, les facultés qui doivent lui servir d'aliment; qu'il est stipulé, en effet, que là où il serait chargé du sucre ou du café, l'avarie serait réglée par séries, de dix en dix caisses, en commençant par le n° 1 et les suivans; d'où il résulte que l'assurance de Gênes, antérieure à celle de Marseille, porte, jusqu'à concurrence de 4500 1 re p.

VIII.

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piastres fortes, sur les premières séries de caisses; ce qui permettrait, au besoin, d'établir, pour cette assurance, un compte de sauvetage distinct et séparé, bien que l'aliment des deux risques, de Gênes et de Marseille, se trouve sur la même facture;

» Attendu que l'assurance faite à Marseille ne contient, au contraire, que la désignation générale des facultés en denrées coloniales, et qu'elle trouve son aliment nécessaire 'et forcé dans les caisses sucre comprises dans la facture de 12,171 piastres fortes produite au procès, déduction faite de l'aliment de la police de Gênes, qui porte sur les pre

miers numéro.

» Que, dès lors, aucune confusion n'existe dans l'aliment des deux polices, et que le sieur Guerrero. arempli le vœu de la loi, en déclarant à ses assureurs que, sur les facultés par eux assurées, il n'y avait pas d'autre assu'rance; car, en l'état de cette déclaration, la découverte du moindre risque portant sur les 6500 piastres fortes assurées à Marseille, aurait pour résultat de priver l'assuré des effets de l'assurance, conformément à l'art. 380 du code de commerce;

>> En supposant incomplète la déclaration faite au nom du sieur Guerrero,

» Attendu que la seule 'peine attachée par l'article 379 du code de commerce à l'inexactitude de la déclaration que l'assuré est tenu de faire à ses assureurs est (le cas de fraude excepté la suspension du délai stipulé pour le paiement ; que ce délai, dans ce cas, ne doit commencer à courir que du jour où cette déclaration aura été notifiée;

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Que la disposition finale dudit article ne doit être entendue qu'en ce sens que l'assuré ne peut, sous prétexte qu'il n'a pas les documens suffisans pour notifier sa déclaration, se dispenser de former son action de délaissement dans les délais voulus par l'article 373 du même code;

» Que, dès-lors, le délaissement régulier, suivi de

l'assignation en justice, dans le délai de la loi, conserve l'action de l'assuré; que l'exercice de cette action est seulement suspendu jusqu'à ce que la déclaration voulue par T'article 379 ait été signifiée; que cet article enfin se borne à prescrire une simple déclaration, mais non point un nouveau délaissement;

» Que ce n'est donc qu'en créant une nullité repoussée par le texte même de la loi que les assureurs voudraient faire déclarer le sieur Guerrero non-recevable dans sa demande; mais qu'une pareille prétention est trop contraire aux principes les plus élémentaires du droit maritime pour que les assureurs aient pu se flatter qu'elle fit un moment impression sur le tribunal;

» Attendu que le délaissement n'est assujéti par la loi à aucune forme spéciale; que le sieur Guerrero ayant exercé son action dans le délai voulu par l'article 373, 2 alinéa, du code de commerce, la prescription prononcée par l'article 431 du même code ne peut sérieusement être invoquée contre lui;

>> Attendu qu'il s'agit, dans l'espèce, d'un échouement avec bris donnant lieu au délaissement des objets assurés (article 369 du code de commerce), et que l'existence du sinistre n'est pas contestée par les assureurs;

» LE TRIBUNAL, sans s'arrêter ni avoir égard à la fin de non-recevoir et à la prescription proposées par les assureurs dont il les déboute, déclare valable et valide, comme tel, le délaissement fait par le sieur Guerrero des facultés assurées; condamne, en conséquence, les assureurs au paiement de la perte, etc. (1) »

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Du 11 août 1826. Prés. M. Paul AUTRAN. Plaid. MM. NEGRE pour Guerrero, ROUVIÈRE

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pour

(1) Les assureurs avaient émis appel envers ce jugement; mais ils s'en sont désistés d'une manière pure et simple.

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Un négociant est-il en faillite dès le moment où des commissaires sont amiablement institués pour administrer ses affaires ou pour surveiller ses opérations? (Rés. aff.)

Les commissaires ainsi institués ont-ils capacité suffisante, avant l'ouverture judiciaire de la faillite, pour vendre les facultés mobilières du failli? (Rés. nég. )

Une telle vente est-elle frauduleuse et nulle, de plein droit, à l'égard du failli? ( Rés. aff.) Est-elle également frauduleuse et nulle, à l'égard de l'acheteur, par cela seul qu'il a traité avec les commissaires? ( Rés. aff. )

( Maisonnave contre les syndics de Cabanellas et Cie et Roux.)

L'HABITUDE est contractée, du moins sur la place de Marseille aussitôt qu'un négociant doit suspendre ses paiemens, il convoque ses créanciers et les créanciers réunis nomment ordinairement des commissaires. Ces commissaires sont investis de pouvoirs plus ou moins étendus: tantôt ils sont réduits à une surveillance sur les opérations de la liquidation: tantôt une administration active leur est déférée.

La source de cette habitude vient incontestablement de ce que, de part et d'autre, on appréhende l'ouverture judiciaire de la faillite. Et pourquoi cette appréhension? Chacun le devine, c'est parce que le débiteur et les créanciers n'y voient qu'un surcroît de malheur.

Inutile de rechercher si les reproches qu'on adresse à la législation actuellement existante sur les faillites sont fondés, c'est-à-dire, si cette législation est vicieuse par un excès de fiscalité, et plus encore par un excès de complication dans les formes, dans les délais, dans les rouages de l'administration.

Inutile encore de rechercher si ces vices, en les supposant réels, sont la cause de la répugnance du débiteur et des créanciers pour la faillite judiciaire.

Ce qu'il y a de certain, c'est que l'idée d'une faillite judiciaire les épouvante également, et les porte violemment vers le désir de l'éviter.

Le débiteur et les créanciers visent à ce but, en instituant des commissaires; mais ils se trompent sur le moyen de l'atteindre. En effet, l'institation de commissaires est illégale, puisqu'elle tend à soustraire les faillites à l'empire de la loi, Si elle est illégale, elle est nulle. Et si elle est nulle, il n'y a de vie pour aucun des actes auxquels les commissaires pourraient se livrer.

Bien plus : la convocation des créanciers et l'institution des commissaires est un des signes les

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