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à mazout se substituaient à la voile. Les navires, devenant plus rapides, avaient un plus grand rayon d'action; ils pouvaient aller plus loin rechercher des parages propices à la pêche.

En même temps leur tonnage augmentait; la fabrication de la glace étant devenue industrielle, les pêcheurs avaient toute facilité pour s'en procurer une grande quantité et à bon compte. Ils pouvaient dès lors affronter des voyages lointains (1) et après une longue absence rapporter à leur port d'attache de grosses quantités de poisson frais en bon état de conservation.

La pêche proprement dite voyait aussi sa technique se perfectionner en adoptant, avec le chalut, un outil remarquable à rendement intensif. On sait qu'il se compose d'un immense filet en forme de nasse que le bateau traîne sur le fond de la mer et dont l'entrée est maintenue ouverte par un cadre rigide. Un seul coup de chalut peut ramener des quantités considérables de poissons. Le navire qui en est armé porte le nom de chalutier. C'est le bateau de pêche vraiment moderne, l'instrument industriel par excellence dont la quantité en service augmente sans cesse; employé d'abord pour la pêche du poisson frais, le chalutier a été également adapté à la pêche à la morue et au hareng (2).

Le tonnage des chalutiers est très variable suivant le genre de pêche auquel ils sont destinés. Les plus petits sont de 50 tonneaux; les plus gros de 600. Ces derniers atteignent 52 m. hors tout et ont un tirant d'eau de 5 m. Ces tonnages augmenteront sans doute encore. Les dispositions qui sont employées actuellement pour la conservation du poisson frais sont en effet insuffisantes. Elles consistent à mettre le poisson

(1) C'est ainsi que la durée normale d'absence des chalutiers de Boulogne est de 20 à 25 jours. Les pêcheurs boulonnais se rendent même souvent sur les côtes de Mauritanie. La durée totale du voyage est alors environ de un mois et demi.

(2) Le développement de la pêche au chalut pour le hareng est très combattu. Les pêcheurs aux filets dérivants (mode habituel de pêche dans les bancs de harengs) prétendent que le chalut détruit les œufs en râclant le fond de la mer (voir Kerzoncuf, « La Pêche Maritime », pages 182-183).

directement au contact de glace concassée (1) sur des casiers à claire-voie installés dans la cale. De cette façon il y a toujours un certain pourcentage de poissons qui arrive avarié ; quelquefois même, si le chalutier a été retardé pendant son voyage de retour, la quantité de glace peut être insuffisante et toute la cargaison arrive en très mauvais état. Pour y remédier il faudrait utiliser des appareils frigorifiques permettant d'obtenir des chambres de réfrigération à température constante, analogues à celles qui sont établies sur les bateaux servant au transport de la viande frigorifiée. Ces appareils sont malheureusement très lourds et conduiraient sans doute à des tonnages excessifs pour la mobilité et la facilité de manoeuvre du chalutier.

Mais une solution du problème réside peut-être dans la construction de bateaux de gros tonnage, possédant des appareils de réfrigération et qui se rendraient sur les lieux de pêche pour y prendre le poisson dragué par les chalutiers (2). Un armateur aurait un de ces bateaux transporteurs-frigorifiques pour assurer le service d'un certain nombre de ses chalutiers. Ceux-ci n'étant plus obligés de quitter le fond de pêche auraient une bien meilleure utilisation car la longueur du voyage intervient dans une notable proportion pour diminuer leur rende

ment.

Quoi qu'il en soit, la production a augmenté de façon inouïe grâce au développement simultané des bateaux à vapeur ou à pétrole, du chalutage et des moyens de conservation du poisson frais; on arrivera sans doute à des captures encore plus importantes par de nouveaux perfectionnements en ces domaines. Mais il ne suffit pas pour que la pêche maritime prenne de l'essor qu'une grosse quantité de poissons soit capturée et amenée dans les ports, il faut, surtout en ce qui concerne le poisson frais, que

(1) Pour les poissons de grosse taille et d'espèces appréciées, on interpose cependant un papier spécial pour les protéger du contact direct de la glace.

(2) Ce système serait une adaptation au poisson frais de celui qui est employé pour la morue salée par les chalutiers qui opèrent à Terre-Neuve ou dans les mers d'Islande, et qui expédient leur pêche en France par des navires spéciaux.

celui-ci puisse être acheminé rapidement sur les lieux de consommation.

QUALITÉS QUE DOIT AVOIR UN PORT DE PÊCHE

Le port de pêche moderne doit donc être construit de façon à ce que l'on obtienne une extrême rapidité pour les opérations de déchargement, de manutention et d'expédition du poisson. Il doit aussi être relié à l'intérieur du pays et aux grands centres de consommation par des chemins de fer qui permettent de transporter économiquement et très rapidement toute la marchandise qui y est débarquée.

Les installations spéciales que nécessite la réalisation d'un tel programme ne sauraient être justifiées que si le trafic doit être suffisant pour pouvoir en amortir les frais. Elles ne peuvent donc être entreprises qu'en un petit nombre de points où le commerce du poisson est susceptible de se concentrer; elles doivent par les avantages qu'elles procurent aux pêcheurs, par les débouchés qu'elles offrent à leurs produits, attirer les chalutiers vers les ports qui en sont dotés; par contre-coup, elles nuiront à tous les petits ports mal installés qui seront destinés à disparaître par la force des choses.'

Deux types d'installations doivent être prévus suivant qu'il s'agit d'un port de poisson frais ou d'un port de hareng. Pour ce dernier, qui reçoit le hareng, salé, en barils de 100 kilogs, les opérations de déchargement, de vente, d'expédition sont plus commodes et les dispositions à adopter plus simples.

Nous commencerons par décrire le port de chalutage type (1). Avant tout, il faut qu'il soit indépendant du port de commerce qui pourrait exister dans la même localité et qu'il possède une autonomie complète, au point de vue du matériel et de l'administration. Son exploitation exige en effet, nous l'avons dit, une très grande rapidité des opérations qui pourraît être compromise par une dualité de direction.

(1) Des indications sur ce sujet ont été données dans une circulaire du Sous-Secrétaire d'État à la Marine marchande.

Cette exploitation demande beaucoup de souplesse car elle ne peut être régulière: elle doit faire face à une série d'à-coups qui dépendent du nombre plus ou moins grand des chalutiers arrivant en même temps.

Les navires pêcheurs devant pouvoir entrer à toute heure, il semble qu'il soit préférable d'adopter un bassin de marée. Cependant, en raison des avantages que procure au point de vue de la facilité de déchargement à quai un bassin à flot, on pourrait y recourir, mais il faudrait alors qu'il fût précédé d'une écluse à sas, à manœuvre rapide, dont le seuil fût assez bas pour permettre le passage à toute heure de marée (1).

La largeur du bassin doit être suffisante pour qu'un chalutier puisse évoluer au centre alors que d'autres chalutiers sont amarrés perpendiculairement aux deux rives. Ceci conduit à une largeur de 166 m. environ (3 × 52 + 10).

Sa longueur doit être telle qu'il puisse contenir une cinquantaine de navires au minimum; on l'augmente si le trafic du port l'exige, sans toutefois dépasser 1.500 m., car le mouvement des navires deviendrait trop intense à l'entrée pour la largeur du goulet; dans ce cas, il faudrait ouvrir un deuxième bassin.

Les grandes rives du bassin doivent être munies de quais permettant l'accostage des chalutiers. L'une d'elles sera réservée au déchargement du poisson et doit être, à cet effet, pourvue s'il est nécessaire, d'un outillage mécanique rapide. En arrière et le plus près possible, se trouveront, dans l'ordre où on les énumère les halles de vente, les magasins pour les caisses et les paniers, les entrepôts frigorifiques, les bureaux des mareyeurs et de l'administration du port, les locaux pour l'emballage; puis des voies ferrées avec quais de chargement au niveau des wagons, les bureaux de la gare; à proximité, un service postal, téléphonique et télégraphique pour faciliter les opérations commerciales; enfin des cantines et hôtelleries pour les marins qui doivent pouvoir trouver un peu de confort pendant les quelques jours qu'ils passeront à terre.

(1) 5 m. 50 à 6 m. au-dessous du niveau des basses mers.

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Un poste de télégraphie sans fil doit permettre de correspondre avec les chalutiers qui sont au large.

L'autre rive sera réservée à l'armement des navires. Ils doivent pouvoir s'y approvisionner en charbon ou en mazout, en glace, en vivres, en eau. Sur cette rive seront donc installés : un dépôt de charbon, un réservoir à mazout, des usines à glace, des magasins pour l'équipement.

Il faut que le port possède aussi des ateliers de réparation et des engins de carénage, soit dock flottant, soit forme de radoub, soit slip way, pour lesquels l'emplacement le plus convenable est la rive du fond du bassin.

Si le port prend de l'extension, on doit chercher à développer sur place toutes les industries annexes de la pêche: fabriques de filets, chantiers de construction de chalutiers, usines pour l'utilisation des poissons avariés, des détritus et déchets, etc.

Le port de hareng type aura le même schéma que celui que nous venons d'indiquer pour le port de poisson frais. Mais il est inutile de construire des salles d'emballage, des magasins pour les caisses et les paniers et des entrepôts frigorifiques. En arrière du quai de déchargement une simple halle de vente d'une trentaine de mètres de largeur sera suffisante.

On devra toutefois prévoir des entrepôts où l'on puisse accumuler les barils de harengs pour régulariser le marché en cas d'arrivages abondants. Ces entrepôts pourront, sans absorber de place, être construits au-dessus ou au-dessous de la salle de

vente.

Cette organisation rationnelle d'un port de pêche a été réalisée à l'étranger: en Angleterre dans les ports de Grimsby, d'Aberdeen pour ne citer que les plus remarquables; en Allemagne dans les ports de Geetsmünde, de Cuxhaven, de Nordenham; en Hollande enfin dans le port d'Ymuiden.

Nous avons visité ce dernier pendant un voyage de mission. d'études, en septembre 1919, et nous allons en décrire les installations.

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