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La deuxième couche peut n'être répandue et cylindrée que plusieurs mois après la première ; ce délai permet aux tassements de se produire, et à la plate-forme de s'asseoir; elle doit être exécutée en matériaux de bonne qualité.

On n'a exécuté quelquefois qu'une seule couche d'empierrement; mais sur les routes à circulation un peu importante, les tassements et désagrégations rendent un rechargement général nécessaire au bout de peu de mois, ce qui revient à exécuter la 2e couche que l'on avait voulu économiser.

Les divers matériaux rencontrés au Maroc ont été utilisés : les matériaux tendres, calcaires tendres ou schistes, n'ont été employés qu'en couche inférieure, faute de mieux; des quartzites primaires analogues à ceux de Normandie- ont donné des chaussées résistantes, mais facilement désagrégées par la sécheresse et la circulation automobile; les calcaires durs, de la période jurassique, ou les calcaires marmoréens de l'époque primaire sont les matériaux qui ont donné les meilleurs résultats sous ces climats. Cylindrages. Les cylindrages ont été exécutés par les procédés habituels; l'administration disposait, soit en régie, soit à l'entreprise, d'une quarantaine de rouleaux mécaniques de 6 à 16 tonnes, à essence (Laffly de 6 tonnes), à pétrole lampant (Barford de 8 à 9 tonnes, Austin de 15 à 16 tonnes) et à vapeur. Les rouleaux à pétrole lampant présentent de grands avantages comme simplicité de marche et facilité de ravitaillement et sont particulièrement à recommander. Les rouleaux à essence sont de bonnes machines mais l'essence est coûteuse, son transport occasionne beaucoup de pertes dans les climats chauds, et son emmagasinement est dangereux. Les rouleaux à vapeur sont difficiles à alimenter en eau et en charbon; on a dû quelquefois les chauffer au bois.

Les difficultés croissantes d'importation des combustibles pendant la guerre (le Maroc n'a actuellement aucune exploitation de charbon ni de pétrole et a très peu de bois) ont fait aussi recourir aux rouleaux à traction animale; ces rouleaux n'ont qu'un faible rendement, car, pesant au plus 5 tonnes en charge, ils ne

développent guère que 100 à 120 tonnes kilométriques par jour, contre 300 à 350 pour un rouleau mécanique de 12 tonnes; ils étaient cependant économiques, surtout dans la région Sud du Maroc, où l'on pouvait se procurer des attelages de chameaux à 5 ou 6 francs par animal et par jour, conducteur compris. Le prix de location des mulets était au moins le double. — Un rouleau de 5 tonnes attelé de 8 chameaux produisait donc la tonne kilométrique aux environs de 0 fr. 40, tandis que les rouleaux à pétrole la produisaient à 0 fr. 60 ou 0 fr. 70. Le dressage des chameaux à ce travail de cylindrage, et aussi l'apprentissage des indigènes ont donné lieu à des difficultés assez sérieuses qui ont été résolues grâce à la persévérance des ingénieurs, et notamment de M. Bonnet, Ingénieur en chef de la Région Sud. Des équipes de cylindrage entièrement indigènes, conduisant leurs chameaux, et dirigées par un surveillant indigène sont arrivées à très bien fonctionner sans surveillance européenne permanente.

Ouvrages d'Art. - Pour la construction des ouvrages d'art, en raison de la rareté et de la cherté des matériaux importés, il convient d'utiliser surtout les matériaux du pays.

L'emploi de la charpente métallique a été complètement écarté, car toutes les usines de construction en Europe étaient accaparées par les travaux de guerre; au Maroc, il n'existait encore aucun atelier de construction outillé pour faire de grands ouvrages et les tôles et profilés étaient introuvables. Une exception a été faite pour deux ponts suspendus, sur la route de Casablanca à Rabat, dont les marchés avaient été passés avant la guerre, et que le constructeur avait assuré pouvoir exécuter malgré la guerre. On n'a pas eu à se louer de lui avoir fait confiance, car il n'a pu tenir parole, et, en 1920, les pylônes de ces ponts suspendus attendent toujours les câbles et les tabliers.

On aurait pu, à la rigueur, construire de petits ouvrages en fer, usinés au Maroc, mais cette solution eût été coûteuse et mauvaise, car les petits ouvrages en métal isolés dans le bled sont toujours mal entretenus.

Le ciment armé a été employé pour quelques ouvrages: dalles pour petits aqueducs; tablier de 1 à 4 m. qu'il eût peut-être été

plus simple de remplacer par des voûtes en maçonnerie; tabliers en poutres droites de 10 m. de portée, qui ont été très utiles. pour franchir les petits cours d'eau de la plaine du Sebou dans une région dépourvue de moellons de construction. Nous signalerons un ouvrage important, composé de 3 arches de 35 mètres de portée, sur l'Oued Bou-Regreg, entre Rabat et Salé, construit par le service des chemins de fer militaires, et portant une route et une voie ferrée de 0,60. Les fondations faites sous plus de 5. mètres d'eau par dragage dans des caissons en béton armé, ne présentaient pas une sécurité suffisante pour établir des voûtes en maçonnerie; il était impossible d'obtenir une charpente métallique. Le ciment armé était donc tout indiqué, car on pouvait encore se procurer au Maroc des fers ronds pour armatures, et, bien qu'en quantité insuffisante, du ciment de bonne qualité, grâce à une usine qui avait été installée à Casablanca juste avant la guerre, avec un outillage très moderne.

La maçonnerie restait le mode de construction le plus général, parce qu'elle utilisait surtout les matériaux du pays. Pour les petits ouvrages, on s'est attaché à employer les matériaux pris. sur place, moellons, et chaux grasse, en évitant les tailles d'appareil ou de parements nécessitant une main-d'œuvre spécialisée, et assez onéreuse. Les petits ouvrages devaient donc être rustiques et massifs.

Mais, dès que l'on arrivait aux ouvrages importants, les conditions du problème changeaient. En raison de l'insuffisance de l'outillage des chantiers, les fondations à l'Air comprimé étaient impossibles; la construction et l'épuisement de batardeaux, ou bien le fonçage, par dragage ou havage, de puits ou caissons, étaient difficiles et coûteux. Il convenait donc d'éviter les fondations difficiles en rivière, ou d'en réduire le nombre; donc, d'adopter des voûtes, de grande ouverture. Ces voûtes doivent être exécutées en matériaux de choix, qui sont coûteux; parconséquent, il faut les faire aussi légères que possible pour diminuer la quantité des matériaux employés, les frais de cintre, et utiliser au maximum la résistance de ces matériaux. C'est ainsi que M. Malégarie, Ingénieur à Fès, a été conduit à exécuter

des ouvrages d'une légèreté et d'une hardiesse remarquables. Nous citerons le pont de Mesdoura sur l'Oued Sebou, près de Fès, comportant 3 arches de 30, 35 et 30 mètres d'ouverture, chaque arche étant constituée par trois arceaux parallèles, réunis par des plaques en ciment armé; et le pont sur l'Oued Beth, entre Salé et Meknès comportant une arche unique de 41 m. 60 de portée, constituée par deux arceaux jumeaux (voir Annales des Ponts et Chaussées, VI, 1916). Cette conception d'ouvrages très légers et très hardis, dans des régions dépourvues de ressources, peut sembler au premier abord paradoxale. On reconnaîtra cependant qu'elle est très logique; du moment que l'on ne peut plus franchir l'obstacle par un ouvrage rustique, construit en matériaux médiocres, et que l'on doit employer des matériaux de choix, il est certain que ceux-ci doivent être employés avec une méthode d'autant plus scientifique qu'ils sont plus rares et plus chers.

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Un détail est à signaler dans la construction des ouvrages: les garde-corps métalliques sont à éviter absolument en rase campagne, en raison de la difficulté de les entretenir et même de les conserver. Avec les hauts prix du métal, Ies Indigènes n'hésitaient pas à démonter et à voler les garde-corps; ceux de toute une série d'ouvrages voisins de Marrakech disparaissaient rapidement, il fallut en rentrer les derniers restes en magasin pour éviter leur disparition totale.

Enfin, signalons que sur certains points, la difficulté de construire des ouvrages définitifs a dû faire conserver des solutions provisoires: pont en charpente ou pont métallique démontable établi généralement par l'Armée lors de la création de la première piste militaire; bacs constitués par des pontons ou mieux par des portières de deux ou trois barques.

Prix de Revient. En 1913, les salaires courants payés au Maroc étaient les suivants :

Manœuvre indigène, salaire journalier suivant les régions, 2 francs à 4 francs.

Maçon ou charpentier, généralement Italien, Espagnol ou Grec; mécanicien ou surveillant de chantier, le plus souvent Français, 12 francs à 15 francs.

Le ciment et le charbon valaient à peu près 70 francs la tonne, le pétrole 0 fr. 40 le litre, l'essence 0 fr. 70.

Les manœuvres étaient donc très bon marché, les ouvriers spécialisés et la force mécanique relativement chers.

Au cours de la guerre, ces prix ont augmenté assez lentement jusqu'en 1919; la main-d'œuvre indigène ne dépassait pas 5 francs, la main-d'oeuvre spécialisée 16 ou 18 francs; seuls les prix du charbon et du ciment quadruplaient et quintuplaient, ceux du pétrole et de l'essence doublaient.

A la fin de l'année 1919, la baisse du franc amena une profonde perturbation dans les marchés et il devint impossible de fixer des prix de revient. Ceux qui sont indiqués ici se rapportent à la période moyenne de la guerre.

Le coût d'un mètre linéaire de route à chaussée de 5 m. et plate-forme de 10 m. peut varier dans les limites suivantes :

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Fourniture de matériaux...5 m2 à 3 fr.: 15 fr. 5 m2 à 5 fr.: 25 fr.

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En fait, les dépenses minima ou maxima en terrassements, ouvrages et empierrements ne se rencontraient pas ensemble: les routes à gros terrassements et ouvrages nombreux se trouvent dans les régions montagneuses où la pierre est abondante et peu coûteuse; la pierre est chère dans les régions de plaine, où les terrassements ou ouvrages sont presque nuls. — La plupart des sections de routes coûtaient entre 30 et 40.000 francs et le prix moyen s'établit aux environs de 35.000 francs. Des sections de routes secondaires, à chaussée de 3 m., n'ont coûté que 15 à

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