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crétiser, pour laquelle M. de Joly dut, sur des sollicitations que lui valait de toutes parts la renommée de sa compétence et de ses succès, partager son temps et ses forces; telle peut apparaître cette personnalité dont la brève carrière offre tant de beaux et utiles exemples aux plus jeunes générations.

Nous, qui ne pouvons nous autoriser, pour fixer ainsi le souvenir de M. de Joly, que d'une trop brève collaboration à ses travaux, nous souhaitons que nos sentiments et nos regrets personnels nous aient dicté, pour ceux qui l'ont connu et pour ses proches qui le pleurent, une image de son œuvre et de sa vie qui ne soit pas trop indigne d'une si grande figure.

Paris, le 28 décembre 1919.

N° 2

Influence de la capacité des bateaux

SUR LES FRAIS DE TRANSPORTS PAR CANAUX

Par M. GALLIOT,

Inspecteur général des Ponts et Chaussées.

Considérations générales

La capacité ou gabarit des bateaux employés en navigation intérieure a sûrement une influence sur le prix de revient des transports. On ne s'en préoccupait guère autrefois, à l'époque où le bateau n'avait à lutter économiquement que contre la voiture petit ou grand, il présentait sur elle des avantages incontestables et considérables. Mais, depuis l'invention des chemins de fer et surtout depuis quelques années, il a trouvé dans ceuxci un concurrent qui lui est au moins égal comme puissance de transport et qui travaille à des prix si voisins des siens qu'on discute encore sur la question de savoir lequel des deux modes de transport est le plus économique.

Il semble cependant admis de plus en plus que le bateau le plus généralement employé, la péniche de 300 tonnes, n'arrive plus à lutter avec le train moderne ou, du moins, n'y arrive que parce qu'il jouit d'un traitement de faveur de la part de l'État qui conserve à sa charge les frais de construction et d'entretien des voies au lieu de les faire payer aux usagers, comme c'est le cas pour les chemins de fer. Les mariniers sont les premiers à proclamer que, s'ils devaient supporter ces frais, ils ne pourraient pas continuer la lutte. C'est la conclusion à laquelle on est amené forcément quand on pense que, d'une part, les frais de transport par eau et par fer sont assez peu différents, dans

l'état actuel des choses, pour que le commerce hésite entre eux et, d'autre part, que les frais que l'État conserve à sa charge sont du même ordre de grandeur que ceux que le marinier fait payer à son client.

Il est généralement admis que la situation pourrait être complètement transformée si nos bateaux, au lieu de contenir seulement 300 tonnes, avaient une capacité beaucoup plus grande: de 600 tonnes par exemple ou, mieux encore, de 1.200.

L'équipage pourrait être conservé tel qu'on l'emploie aujourd'hui, en sorte que ses frais, comptés à la tonne transportée, seraient moitié moindres pour un bateau de capacité double et réduits au quart pour un bateau de capacité quadruple. On a dit aussi, mais c'est moins évident, que le gros bateau est plus économique, à la tonne transportée, tant comme frais de traction que comme frais d'intérêt, amortissement et entretien de la coque elle-même.

On donne d'ailleurs des exemples: sur nos canaux, le fret varie de 10 à 20 millimes par tonne kilométrique, tandis que les gros bateaux de 1.000 à 1.200 tonnes de la Seine transportent à 10 ou 12 millimes; que, sur le Rhin, les frets, avec des bateaux plus grands encore, tombent à 6 ou 7 millimes et, qu'en mer, les cargos de plusieurs milliers de tonnes transportent à 2 ou 3 millimes.

A ces faits, on peut, il est vrai, en opposer d'autres comme, par exemple, que les gros bateaux du Rhône ne vivent qu'en pratiquant des frets supérieurs à 20 millimes, tandis qu'à côté d'eux, les petits berrichons, de 80 tonnes seulement, se contentent ordinairement de moitié.

Éléments du problème

Ces exemples ne prouvent donc rien et ce n'est pas non plus par des considérations générales et vagues sur la proportion qui peut exister entre la capacité du bateau et ses frais de conduite, de traction et d'entretien qu'on peut se faire une idée exacte du problème; une analyse détaillée et complète est nécessaire. Et,

dans cette analyse, il faut faire entrer tous les éléments et, en particulier, ne pas négliger, comme on le fait à tort, le plus souvent, les frais d'intérêt, d'amortissement et d'entretien de la voie; il s'en faut de beaucoup qu'ils soient négligeables: souvent, ils dépassent ceux du marinier. Sur un canal ayant coûté de premier établissement, 500.000 fr. au kilomètre, l'intérêt à 5% et l'entretien à 1% représentent une charge annuelle de 30.000 francs par kilomètre; s'il y passe 2 millions de tonnes par an, c'est une charge, par tonne kilométrique de 30.000 fr. 0 fr. 015, égale au fret moyen payé sur nos voies 2.000.000

navigables.

Dans la comparaison entre les avantages et les inconvénients des bateaux de capacité différente, on aurait grand tort de ne pas tenir compte de cet élément qui varie considérablement avec la taille des bateaux.

En ce qui concerne les frais du bateau lui-même, on est également porté à ne considérer que la période de marche et on arrive ainsi à des conclusions absolument fausses. On calcule, par exemple, qu'une péniche portant 300 tonnes paie une traction d'environ 3 millimes par tonne et par kilomètre; que ses frais d'équipage sont d'environ 10 francs par jour, sa location de 5 francs à peu près, ce qui, pour un cheminement journalier de 15 kilomètres donnerait encore, par tonne kilométrique, une 10+ 5 dépense de 0 fr. 0033, ou 3 millimes 1/3; la tonne 15 × 300 kilométrique coûterait ainsi 6 millimes 1/3, tandis qu'en réalité le marinier en demande 15. La différence vient de ce que les frais de route ne constituent qu'une fraction des frais totaux et que ceux faits pendant les arrêts en forment la partie la plus importante.

Une péniche, par exemple, qui apporte 300 tonnes de houille du Nord à Paris et s'en retourne à vide et qui, en outre, met 90 jours à faire le voyage aller et retour, a, comme frais, en nombres approximatifs: traction à charge, 340 francs; à vide, 170 francs; équipage et location à 15 francs par jour,

15 fr.

90 = 1.350 francs; en tout: 1.860 francs. Comme

elle a porté 300 tonnes à 340 kilomètres, la tonne kilométrique

1.860 fr. revient à 300 × 340 pleine marche.

0 fr. 0182, soit trois fois le prix de

On remarquera que, sur ce fret de 18 millimes, la traction entre pour 5 millimes, l'équipage pour 9 millimes et le bateau pour 4 millimes, soit, centièmes, 27,5 %, 48,5 % et 24%.

Si le bateau avait eu la chance de trouver un fret de retour, il aurait fait le double de tonnes kilométriques avec les mêmes dépenses, sauf l'augmentation de la traction à plein au lieu d'à vide au retour; son fret se serait abaissé à 0 fr. 010 et la proportion entre les divers éléments de dépense aurait été : 33,5 % pour traction, 44,5 pour équipage et 22 pour location du

bateau.

Cet exemple, tout approximatifs que soient les chiffres adoptés, donne une idée de l'ordre de grandeur des différents facteurs du fret et il fait aussi ressortir combien varient ces éléments suivant les conditions dans lesquelles se font les voyages.

Divergences d'appréciation

Quand, à un prix correspondant à l'emploi de péniches, on veut comparer ceux qui s'appliqueraient à des bateaux de capacité différente, les erreurs d'appréciation et les écarts peuvent prendre des valeurs extrêmement importantes, suivant qu'on estime d'une façon ou d'une autre la variation, avec la capacité du bateau, des frais de traction, ainsi que des frais de location et d'équipage, voire même la durée du voyage qui, elle aussi, est fonction de la capacité du bateau. En réalité, il n'y a guère qu'un point sur lequel tout le monde soit à peu près d'accord, c'est que, dans les limites des bateaux acceptables en navigation intérieure, le même équipage peut à la rigueur convenir à tous; mais les appréciations divergent sur tous les autres sujets : frais de traction, valeur de location de la coque et, plus encore peutêtre, sur les frais d'intérêt et d'entretien de la voie.

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