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Dans sa première partie (1), il donnait libre cours à son amour de la mer qu'il sut inculquer à tant d'adeptes, et sa description des phénomènes généraux de la marée, des vents et des lames, laissera peu de lecteurs indifférents; il avait pénétré d'ailleurs les besoins profonds et véritables du marin, si difficiles souvent à bien exprimer et dégager, parce qu'il en connaissait le métier et en sentait la complexité qui échappe au profane: ce don si rare ajouta toujours à l'autorité de ses avis en matière d'établissements à la mer.

Il apporta notamment ses plus grands soins à l'exposé de la question qui est peut-être, en théorie et en pratique, la plus complexe de l'art de l'Ingénieur, celle de la propagation de la marée dans les fleuves et de l'amélioration des rivières maritimes; cet important chapitre est, à lui seul, un véritable traité sur la matière; les diverses études antérieures y sont magistralement rappelées et discutées, comme celles de Bourdelles et de Franzius; elles sont suivies d'une monographie assez détaillée des travaux de régularisation de nos grands estuaires : la Seine, la Loire et la Garonne que M. de Joly connaissait également bien.

Dans la seconde partie, consacrée aux ouvrages extérieurs des ports et à leurs accès, on remarque particulièrement le chapitre des digues où la multiplicité des types d'ouvrages réalisés dans le monde offrait à sa documentation un champ de développement et à son expérience une occasion de critique comparative dont les lecteurs du cours tireront ultérieurement le plus grand profit.

La troisième partie réunit tout ce qui est relatif aux ports proprement dits, à leurs ouvrages intérieurs, leur outillage, leur exploitation; à ces sujets, comme aux précédents, il a apporté les immenses ressources de ses connaissances encyclopédiques, les appuyant de renseignements numériques innombrables, qu'il possédait d'ailleurs à la mémoire presque aussi sûrement que dans ses fiches. La classification qu'il adopta, en cette matière

(1) La mer et la navigation maritime.

complexe et touffue, y fait très clairement ressortir des directives. générales et ajoute à l'intérêt de l'exposé, où la question de l'outillage des quais, celle des ponts du plus récent modèle ont reçu des développements particulièrement poussés.

Si cet aperçu succinct a pu donner une idée de l'immense labeur accompli par M. de Joly pour la constitution de cette œuvre, on sentira combien il eût été regrettable de la voir perdue pour le monde savant, faute de quelques parachèvements que devaient retarder et empêcher finalement le surcroît d'activité déployé par l'auteur pendant la guerre, la maladie qui en résulta et la disparition rapide de cette si large et si bienfaisante intelligence.

Heureusement, ce travail immense n'aura pas été préparé en pure perte, car il va recevoir les compléments qui en empêchaient la publication et il viendra doubler à son heure, en le rajeunissant, le cours de Quinette de Rochemont.

Ses fonctions professorales appelaient aussi M. de Joly au Conseil de perfectionnement de l'École, subsidiairement à la Commission des Annales des Ponts et Chaussées, auxquels il apportait, même en dehors de sa compétence spéciale, le concours d'un esprit tout empreint de clarté et de franche décision.

Il collabora largement de sa plume à notre publication professionnelle; on ne compte pas moins de seize articles signés de son nom dans les Annales. Diverses dispersions d'épaves, ses travaux de dragages à Saint-Nazaire, quelques notes sur l'éclairage des côtes et sur certains établissements remarquables (phares d'Eckmühl et de Chassiron), sur la vision des feux associés, les conditions de leur perception distincte, les phénomènes d'irradiation, avec la revision des règles de M. Léonce Raynaud et la substitution d'une formule pratique à des relations théoriques infirmées par l'expérience, la résistance des ciments, des notices sur les ports étrangers de Hambourg, d'Italie, de Russie, d'Amérique et des Grands Lacs (1), des articles biographiques

(1) Le Mémoire relatif à l'étude de quelques ports maritimes de la côte d'Atlantique et à la Navigation des Grands Lacs de l'Amérique du Nord,

sur ceux de ses anciens chefs dont le souvenir lui était le plus précieux, tels sont les sujets que traita 'tour à tour M. de Joly pour les lecteurs des Annales.

Il confia aussi à diverses autres publications spéciales des études sur les appareils du Service des Phares, notamment les feux permanents, les bouées lumineuses, la construction des tourelles à la mer, la stabilité des tours de phares de grande hauteur exposées au vent (notices pour les expositions universelles), sur la protection des phares contre les occultations par des constructions privées avec discussion juridique des questions de domanialité, sur les môles extérieurs des ports (Rapports ou communications à des Congrès de Navigation). Il laisse en outre des notes décelant qu'il se réservait de préparer ultérieurement d'autres publications.

On aurait une idée incomplète de l'immensité de la tâche accomplie par M. de Joly pendant cette période si féconde de sa vie (1895-1914), si nous omettions d'énumérer aussi brièvement que possible quelle part contributive il a prise aux travaux des nombreux Comités, Congrès et Commissions dont sont souvent appelés à faire partie les Ingénieurs résidant dans la capitale; c'étaient tantôt le Département des Travaux publics ou d'autres services français qui lui confiaient l'examen de questions scientifiques ou administratives, tantôt nos Colonies ou Protectorats qui faisaient appel à son concours, tantôt le Gouvernement qui le chargeait de le représenter dans les manifestations internationales.

Dans cet ordre d'affaires, son propre service aux Phares et Balises l'amena, naturellement, à prendre une part très active aux travaux de la Commission des Phares, d'abord à titre consultatif, puis comme secrétaire-adjoint; la clarté de sa rédaction et la rectitude de ses propositions donnaient à ses rapports une valeur appréciée des membres de cette Assemblée, et elle leur per

valut à son auteur, d'après les résultats des votes du Corps des Ponts et Chaussées sur les meilleurs mémoires publiés dans les Annales, une lettre de félicitations ministérielles (11 juillet 1917).

mettait des délibérations aisées et rapides dont ils attribuaient le principal mérite au rapporteur.

Après avoir été désigné comme secrétaire de la Commission chargée d'étudier un cahier des charges type applicable aux fournitures de ciment et de chaux hydraulique, M. de Joly devint secrétaire, puis membre de la Commission des Chaux et Ciments quand elle fut constituée à titre permanent à partir de 1902; il y marqua son passage par un travail personnel considérable.

Sa brève participation au Service de la Seine, l'expérience qu'il avait peu à peu acquise en matière de navigation, sa compétence générale en travaux maritimes, le firent successivement appeler dans les Commissions instituées pour les aménagements et le régime administratif ou financier du port de Paris par rapprochement avec les ports de mer (février 1911 et septembre 1917), pour les modalités d'application de la loi du 17 avril 1907 sur la sécurité de la navigation maritime (en novembre 1911), pour les modifications à la loi du 11 avril 1906 sur le remorquage (avril 1914), pour la préparation et le jugement du concours relatif aux travaux d'extension du port du Havre (loi du 11 février 1909 - Bassin de marée, forme de radoub) ainsi que pour l'instruction complémentaire des projets correspondants.

Sa parfaite indépendance de caractère le faisait désigner, d'autre part (septembre 1913), comme expert dans un litige né entre la ville de Cherbourg et une entreprise de travaux destinés à la Marine au sujet de la perception des droits d'octroi sur les matériaux incorporés dans les ouvrages; cette délicate et grave affaire d'espèce présentait une portée générale et intéressait tous les travaux publics; elle fut le principal point de départ d'une intervention de l'autorité administrative qui fit compléter la réglementation et modifier dans la suite les lois déclaratives d'utilité publique, ainsi que la forme des contrats, en vue d'éviter un renchérissement abusif des travaux au profit des villes.

Nos dépendances d'outre-mer, comme les administrations de la Métropole, soumettaient à la compétence de M. de Joly, soit l'éclairage de leurs côtes, soit l'aménagement de leurs ports.

le

Tandis que programme général des phares du littoral français était tracé dans son ensemble depuis un certain temps et attendait seulement des mesures de réalisation ou des compléments d'amélioration, aucun plan méthodique n'avait souvent présidé à la genèse des installations embryonnaires de nos possessions extra-européennes; il fallait pourvoir à cette lacune dont les inconvénients devenaient de plus en plus sensibles.

M. de Joly se signala tout particulièrement dans cette voie par sa mission et son mémoire (1) sur l'éclairage des côtes de l'Algérie (1902); cette étude fut suivie, en 1905, de celle de l'amélioration générale des côtes de Tunisie.

Le renforcement du phare du Cap Spartel, puis celui de son signal sonore, l'amenèrent à plusieurs reprises au Maroc où, malgré les difficultés inhérentes au régime international auquel était soumis ce phare depuis sa construction (1861-1864), il sut faire aboutir les mesures techniques adéquates à l'importance de cet établissement qui commande l'entrée du détroit de Gibraltar sur la côte africaine de l'Atlantique. Dans les dernières conférences de Tanger, il fut unanimement acclamé comme président par les délégués des onze puissances intéressées.

Le Service central des Phares faisait exécuter ensuite, sous la direction de M. de Joly, les appareils que réclamait l'éclairage de notre domaine d'outre-mer conformément aux avis arrêtés dans ces missions, et nos diverses colonies ou dépendances (Algérie, Tunisie, Maroc, golfe de Guinée, Congo, etc.) se placèrent ainsi peu à peu à la hauteur des exigences de la navigation moderne.

L'Algérie bénéficia encore de la collaboration de M. de Joly pour l'examen technique des extensions du port d'Alger (vers le Sud-Est), des ports d'Oran et de Bougie; il fut secrétaire de la Commission formée d'Inspecteurs généraux que l'on désigna à cet effet (9 décembre 1912).

L'Etranger rendait aussi hommage au prix de son concours en l'appelant dans ses conseils, comme le fit, en 1910, le port

(1) Imprimerie nationale.

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