Page images
PDF
EPUB

en avant, aucun de ces principes ne fut combattu pour obtenir du Sénat - Conservateur et de l'Officialité, le divorce, la violation des lois françaises et des lois ecclésiastiques. On ne voulut que satisfaire aux scrupules de la cour de Vienne et abuser le peuple imbu d'anciennes idées sur la nature du lien matrimonial.

La sentence de l'Officialité de Paris n'a pu délier les deux conjoints de leur serment, moins encore autoriser chacun d'eux à former d'autres liens; et le Sénatus-Consulte le pouvait tout aussi peu, parce qu'un article du Code civil interdit le divorce à toute femme âgée de quarante-cinq ans, et que Joséphine Tascher de la Pagerie, femme Buonaparte, avait plus que cet âge, étant née en 1761, mariée en premières noces en 1779; parce qu'ensuite un décret constitutionnel défendait le divorce dans la famille soi-disant impériale, et que cet article et ce décret auraient dû être abrogés constitutionnellement avant l'émission du SénatusConsulte. Nous n'avons que faire d'opposer à Buonaparte, à ses fauteurs, l'autorité de l'Evangile qui condamne expressément le divorce. Les chrétiens Grecs y mettent la seule excep

tion du cas d'adultère; mais ce cas fut soigneusement écarté dans toutes les procédures illégales dont l'examen nous occupe.

Rien n'est plus étrange que la conduite de

tous les

personnages qui figurèrent dans cet imbroglio, burlesque à ne voir que son origine, et sacrilège au-delà du scandale quant aux résultats; un oncle cardinal, grand – aumônier, et qui se suppose pasteur de droit des conjoints, leur donne la bénédiction nuptiale conditionnelle, comme si ces deux époux avaient vécu jusque-là dans l'état de concubinage public; un vénérable Pontife, sans aucun acte formel de la célébration et sur le témoignage des parties intéressées, cesse de révoquer en doute la validité de leur union antérieure et les croit légitimement unis; l'Officialité d'une métropole frappe de nullité un mariage, sans alléguer aucune raison, en vertu d'une compétence contestée, illégalement reconnue par des commissaires qui n'avaient pas le droit d'en juger; le cardinal Fesch (1), le même prélat qui, de l'ordre du Pape, avait validé le premier mariage de Buonaparte, n'hésite pas,

(1) Moniteur du 10 avril 1810.

sur la foi d'une pareille sentence, de bénir le second mariage; enfin des cardinaux assistent à l'union civile de l'époux non-délié et refusent d'assister à la bénédiction de ce second lien parce qu'il n'y a point de dispenses de Rome.

En pensant à ce tissu de scélératesses si mal ourdies par les plus habiles imposteurs du monde et du plus éclairé des siècles, on trouve quelque soulagement dans la réflexion qu'une sage Providence fit de leur perversité même, l'obstacle à d'affreux succès plus généralisés. Comme Henri VIII, ils auraient pu vouloir briser le joug de la religion au lieu de feindre de le porter sans y croire. Mais il eût fallu remplacer celle qu'ils brûlaient de détruire en n'osant que la profaner, et à cet égard un homme d'état qui les étudia tous de près, nous révèle d'étranges mystères : « Si la philosophie « du dix-huitième siècle n'avait tourné à la fois <«<< en ridicule toutes les religions possibles, il <<< est incontestable que pendant la révolution << la France eût changé de religion; on l'a es«sayé deux fois; mais la crainte du ridicule << a fait reculer ceux qui étaient puissans alors, << parce que, dans les idées du parti dominant, «c'était un ridicule d'avoir des opinions reli

«gieuses quelconques. Il n'en sera pas de même « de nos jours, les partisans des principes ré<«<volutionnaires.... savent fort bien que tout << changement de religion amènerait un chan«gement dans le gouvernement, et ils mar<«< cheront droit à ce but, entraînant à leur << suite une nation sottement philosophe qui « scra encore une fois étonnée....(1)» M. Fiévée trouvera bon que, le croyant quant au passé, nous repoussions sa prophétie.

Au nombre des rôles hétéroclites qui formèrent ce Dolus malus solemnis, dont les annales d'aucun peuple n'offrent le modèle et qui fait le sujet de cette dissertation, nous nous garderons bien d'oublier le rapport que nous avons publié (voyez page 39) et qu'entreprit de faire M. de Lacépède au Sénat pour y justifier le divorce de Buonaparte par ceux de Charlemagne, de Philippe-Auguste, de Louis XII et de Henri IV.

L'âge où nous avons le malheur de vivre, pouvait seul produire de pareils sophismes,

(1) Correspondance politique et administrative, commencée au mois de mai 1814, dédiée à M. le comte de Blacas d'Aulps; par M. Fiévée, partie II, page 31.

d'aussi absurdes rapprochemens, des assertions, des conclusions si dépourvues de toute pudeur historique, logique, française, législative, morale et religieuse. Mettons en défaut l'érudition du naturaliste déplaçé, fourvoyé, qui ne s'étant occupé, toute sa vie, que de poissons et de reptiles, métamorphosé subitement en homme d'état, déraisonna sur les actions des monarques à l'égard desquels sa politique devait se borner à la défense de leur successeur légitime; et prouvons que les quatre exemples n'autorisaient en rien la dissolution du mariage de Buonaparte avec Joséphine Tascher de la Pagerie.

L'indécence des rapprochemens annonce d'abord que les conclusions seront absurdes. Peut-on avoir lu, médité le chapitre du livre de l'Esprit des Lois, intitulé: Charlemagne, et comparer cet Empereur à Napoléon? Tout << fut uni par la force de son génie, dit Mon<<< tesquieu ;..... l'Empire se maintint par la << grandeur du chef; le prince était grand, << l'homme l'était davantage..... On voit dans « les lois de ce prince un esprit de prévoyance « qui comprend tout; ..... Ce prince prodi« gieux était extrêmement modéré. Son carac

[ocr errors]
« PreviousContinue »