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183. QUATRIÈME QUESTION. Un homme a légué la somme de dix mille francs à sa veuve, et a déclaré, dans son testament, qu'il voulait que son héritier eût la faculté d'acquitter ce legs en délivrant à sa veuve un pré qu'il a désigné : quelle est la nature de l'action qui appartient à la légataire? Est-elle meuble, attendu que le testateur a d'abord exprimé un legs mobilier? Serait-elle plutôt immeuble, par la raison que l'héritier a le droit de s'acquitter en délivrant un immeuble?

L'objet auquel s'applique une action est toujours la chose qu'on est en droit de demander en vertu de cette action; or la légataire est incontestablement en droit de demander la somme de 10,000 fr., puisque cette somme lui a été léguée : donc son action s'applique à une chose mobilière; donc elle est mobilière elle-même.

La légataire ne pourrait pas également demander la délivrance du pré, parce qu'on lui répondrait que, le pré ne lui ayant pas été légué, elle est sans action pour en exiger la délivrance donc sa créance n'a rien d'immobilier.

:

Si l'immeuble désigné par le testateur peut être donné en payement du legs, ce n'est pas qu'il soit l'objet direct de la disposition envers la legataire : il n'est point in dispositione, puisqu'il n'est pas donné; il est seulement in facultate solvendi, parce qu'il est permis à l'héritier de se libérer en le livrant. Ce n'est point en faveur de sa legataire, c'est seulement à son héritier, que le testateur a légué le droit de s'acquitter de cette manière, en chargeant la légataire de l'ainsi souffrir, lors mème qu'elle y trouverait moins d'avantages (1).

Il résulte de là que, si la veuve vient à convoler en secondes noces, et qu'elle ait reçu auparavant l'im- | meuble en payement de son legs, il lui restera en propre, comme lui étant déjà acquis lors de son mariage; mais que si la délivrance lui en était faite seulement après ses secondes noces, le fonds tomberait en communauté comme reçu en payement d'une créance qui y était tombée elle-même, parce que, comme nous l'avons déjà expliqué plus haut, le payement ne doit appartenir qu'au maître de la créance (2).

libérer par la délivrance de la vigne. Si le legs avait été ainsi fait, il ne serait que mobilier comme le précédent, parce que la vigne ne serait point dans la disposition, qu'elle ne serait que dans la faculté de payer, réglée pour l'avantage seul de l'héritier; mais dans l'espèce alternative proposée, le cheval et la vigne seront également l'objet du legs; l'un et l'autre sont également dans l'obligation je ne pourrais pas demander l'un plutôt que l'autre; et si j'intente mon action contre l'héritier, je serai obligé de conclure à la délivrance du cheval ou de la vigne, en me conformant au texte de la disposition.

Il résulte de là que mon action ne peut être qualifiée que par le choix que fera l'héritier : elle sera mobilière s'il délivre le cheval, et immobilière s'il abandonne la vigne ; jusque-là la qualité de ma créance est conditionnelle : elle est en suspens, comme dépendant d'un événement futur (5).

Mais si le cheval venait à périr avant le payement du legs, mon action se trouverait alors purement immobilière, parce qu'elle n'aurait plus que la vigne pour objet (1193).

Si, au lieu de laisser l'option à son héritier, le teslaleur m'avait légué son cheval ou sa vigne à mon choix, alors il ne dépendrait que de moi de rendre mon legs mobilier ou immobilier, et de le faire tomber en communauté, ou de l'acquérir en propre en choisissant l'immeuble légué.

185. SIXIÈME QUESTION. J'ai nommé Paul mon fondé de pouvoirs à l'effet de terminer en mon nom une négociation que j'ai à Rome : je lui ai payé ou promis une somme de mille écus pour honoraires et frais de voyage; il s'est obligé à l'exécuter, faute de quoi nous sommes convenus que la vigne qu'il possède à côté de la mienne me demeurerait acquise. Quelle est la nature de ma créance envers lui?

L'obligation principale, qui a pour objet le voyage à faire et la négociation à terminer à Rome, ne peut être que mobilière; mais la clause pénale stipulée en cas d'inexécution du voyage, opérera une novation dans l'objet de la créance, et la rendra immobilière, en cas que la peine soit encourue, et que je veuille l'exiger, parce qu'en exigeant l'exécution de la clause 184. CINQUIÈME QUESTION. Titius, faisant son testa-pénale, je serai censé renoncer à celle de l'obligation ment, m'a légué son cheval ou sa vigne, au choix de principale (1228), dont l'objet se trouve converti dans son héritier : dans quelle classe doit-on ranger l'ac- la prestation de la peine. tion qui m'appartient pour obtenir la délivrance de mon legs de la part de cet héritier?

Ce legs est ce qu'on appelle une disposition alternative: il n'a point la nature du précédent; le testateur ne m'a pas simplement légué son cheval, en accordant seulement à son héritier la faculté de se

Mais dans le cas où il s'agirait d'une peine stipulée pour simple retard, alors, le créancier pouvant demander en même temps le principal et la peine (1229), il n'y aurait point de novation dans la créance principale et si la prestation de la peine consistait dans une chose immobilière, il y aurait dans la clause pé

(1) Op. conf. de CHAVOT, t. Ier, no 47.

(2) Op. conf. de DURANTON, no 98, où il cite POTHIER, Communauté, no 75, Obligat., no 244.

(3) Op. conf. de DURANTON, no 99, où il cite POTHIER, Communauté, no 74; de TOULLIER, t. VI, no 699, où il ajoute : . Supposons que le choix fût déféré au testateur mort avant d'avoir choisi. Par exemple, Titius me devait 10,000 fr. ou le fonds Cornélien, à mon choix ; je meurs sans avoir choisi, laissant un testament, dans lequel je donne tous mes mcubles à Primus. Le choix passe à mes héritiers, comme nous l'avons déjà dit. Ainsi, dans l'espèce proposée, il semble que les héritiers du sang pourront choisir l'immeuble.

■ Mais supposons que j'aie institué héritiers ou légataires universels Primus et Secundus, pour partager tous mes biens entre eux; savoir les meubles à Primus, les immeubles à Secundus. Alors, plus de raison pour donner le choix à l'un plutôt qu'à l'autre; il faut prendre le sort pour juge. (§ 23, Inst. de leg.; Voet, in tit. de Optione leg., no 4, 33, 5.)

PROUDHON.

Dans le même cas où Titius me doit 10,000 fr. ou le fonds Cornélien, je me marie sous le régime de la communauté. Ma créance y entrera si Titius se détermine à payer les 10,000 fr.; elle n'y entrera pas s'il donne le fonds Cornélien.

« Si le choix m'est déféré par la convention, je demeure le maître d'exclure la créance de la communauté ou de l'y faire entrer; mais si l'avantage qui en résulte pour ma femme, dans le dernier cas, excède la portion disponible, par exemple si j'ai des enfants d'un premier mariage, cet avantage est sujet à réduction.

« Supposons enfin que la créance alternative appartienne à une fille devenue femme, et que le choix lui soit accordé par le titre, le mari peut exercer les actions mobilières de son épouse; mais la nature de l'action est en suspens et ne sera déterminée que par le choix de la femme, qui ne peut choisir sans l'autorisation de son mari ; et comme il est personnellement intéressé dans le choix, la femme peut être autorisée de justice. »

nale une seconde obligation conditionnelle ajoutée à l'autre, et immeuble dans son objet.

186. SEPTIÈME QUESTION. Un homme s'est engagé à construire un édifice sur un certain fonds de Titius. Dans quelle classe doit-on ranger l'action qui appartient à celui-ci pour forcer l'entrepreneur à exécuter sa convention? Est-elle meuble ou immeuble dans le patrimoine du créancier Titius?

Pour soutenir que cette action est mobilière, on peut dire qu'il est impossible de revendiquer ce qui n'existe pas; qu'avant la construction exécutée, l'édifice, n'étant point encore in rerum naturâ, ne saurait être l'objet d'une action; que c'est ici une obligation de fait, comme le voyage à Rome dans la question précédente, laquelle se résout toujours en dommagesintérêts pécuniaires pour le cas d'inexécution (1142), et ne comporte rien de plus; que, conséquemment, l'action ne peut être immobilière, puisqu'elle n'a pour objet direct qu'un fait ; qu'elle ne tend à la revendication d'aucun immeuble, et ne peut forcément aboutir qu'à l'obtention de dommages-intérêts mobiliers; qu'enfin tel est le sentiment des auteurs les plus graves tels que Pothier, Cout. d'Orléans, art. 2, no 50; Merlin, Répertoire, vo Nantissement, t. vш, p. 462, et Toullier, t. 1, p. 22, no 20 (1).

Nonobstant ces raisonnements, nous estimons que l'action qui appartient à Titius contre son entrepreneur, pour forcer celui-ci à la construction de l'édifice dont il s'agit, est véritablement immobilière, et nous espérons le démontrer ici sans réplique.

187. L'objet d'une obligation est bien certainement ce qui a été voulu par l'un et promis par l'autre: c'est donc l'édifice qui est ici cet objet, puisqu'il est la seule chose qui ait été stipulée d'un côté, et promise de l'autre l'obligation est donc immobilière, parce que l'édifice promis ne peut être qu'un im

meuble.

mais, comme nous l'avons remarqué dès le principe, on ne doit point examiner si une action est réelle ou personnelle, pour savoir si elle est mobilière ou immobilière: le défaut de revendication proprement dite est donc ici hors de la thèse. Voyez suprà, sous le no 172.

Ce qui détermine le droit de l'action, c'est la chose dans laquelle la créance doit être réalisée, ou, en d'autres termes, la chose que le créancier a droit d'espérer du débiteur fidèle à remplir ses engagements : c'est donc l'édifice qu'il faut considérer, et non les dommages-intérêts en cas d'inexécution, parce qu'on ne contracte point pour que le débiteur manque à sa promesse.

188. Il est vrai que l'obligation de faire se résout en dommages-intérêts contre le débiteur qui se refuse à procurer ce qu'il avait promis. Mais, d'une part, il ne s'agit point ici d'un fait simple, comme d'un voyage à faire à Rome, lequel, n'étant productif de rien, ne peut être suppléé ou remplacé dans l'intérêt du créancier que par une simple indemnité pécuniaire : il s'agit, au contraire, d'un travail essentiellement productif, d'un immeuble qui devra être livré en nature au créancier par son débiteur. D'ailleurs, et dans tous les cas, les dommages-intérêts à payer en cas d'inexċcution ne sont jamais dus que subsidiairement; ils ne viennent qu'à défaut de l'objet qui devait être procuré et livré; ils ne sont que la compensation de cet objet ; ils ne sont à payer que quand il y a eu novation dans l'objet de la créance; ils ne sont, en un mot, que le prix de la chose, et non pas la chose même : ils ne peuvent donc appartenir qu'à celui qui profiterait de la chose si elle avait eté faite et livrée, puisqu'ils en sont le prix.

189 Nous ajouterons que le sentiment contraire entrainerait les absurdités les plus choquantes.

Supposons, en effet, qu'après avoir arrêté son mar. ché, le créancier soit décédé, laissant deux légalaires à titre universel, l'un de tout son mobilier, et l'autre de tous ses immeubles : l'action à exercer contre l'en

Peu importe que cet édifice n'existe pas encore: il n'en est pas moins l'objet unique du traité, comme chose future et possible (1150), comme chose que le débiteur doit créer, et livrer à la possession du créan-trepreneur fera bien certainement partie de la succes.

cier.

S'il s'agissait de savoir si l'action qui appartient à Titius contre son entrepreneur est une action en revendication proprement dite, c'est-à-dire si c'est une action réelle qui ne s'exerce que sur les choses dont nous avons déjà le domaine, et dont nous sommes seulement privés de la possession, sans doute on ne pourrait pas dire qu'une telle action eút lieu à l'égard d'un édifice qui n'est point encore in rerum naturâ ;

(1) Et de CHAVOT, t. Ier, no 43, qui se fonde sur l'opinion de POTHIER, qu'il rappelle, et qu'a analysée PROUDHON, no 186

initio.

(2) TOULLIER et CHAVOT n'admettent pas cette conséquence; le dernier s'exprime ainsi (t. Ier, no 44) : « En règle générale, la transmission des créances se règle d'après leur nature; il faut cependant reconnaitre que quand elles consistent dans l'obtention d'un fait, il peut y avoir exception. J'ai fait marché avec un architecte pour me bâtir une maison ; je meurs avant que la construction ait été commencée, laissant un légataire de tous mes meubles et un légataire de tous mes immeubles: à quel légataire passera la créance résultant de ce marché? POTHIER (Traité des choses, § a) décide sans hésiter qu'elle passera au legataire des meubles. « La créance, dit-il, qui résulte à mon profit du marché que j'ai fait avec un architecte pour me bâtir une maison, étant la créance d'un fait, en suivant nos principes, est une créance mobilière. D'où il suit que, quoique le terrain, sur lequel cet architecte s'est obligé de construire cette maison, fût un propre de ligne auquel succède mon héritier au propre de cette ligne, néanmoins le droit que j'ai, résultant de ce marché contre l'architecte, passera à

sion, et appartiendra incontestablement à l'un ou à l'autre de ces légataires; mais si l'on suppose que cette action soit mobilière, par qui pourra-t-elle être exercée?

Si elle est intentée par le légalaire des immeubles, on lui répondra qu'il est sans qualité et sans droit, puisque l'action, étant supposée mobilière, ne peut iui appartenir, et il sera infailliblement déclaré non recevable (2).

mon héritier au mobilier. Il arrive de là que ni mon héritier au mobilier ne pourra agir contre l'architecte, pour qu'il bâtisse la maison, parce qu'il n'y a aucun intérêt, n'ayant point succédé au terrain, ni mon héritier aux propres, puisqu'il ne succède pas à l'action qui résulte du marché, cette action étant mobilière. Mais, si l'architecte avait reçu de l'argent d'avance, comme il ne l'a reçu qu'à la charge de bâtir ce bâtiment, mon héritier mobilier a une action contre lui pour la répétition de cet argent, et il ne pourra éviter la condamnation qu'en construisant le bâtiment, suivant son obligation. » Cette doctrine a été réfutée victorieusement par TOULLIER. En effet, cet auteur, après avoir reconnu, au t. III, no 20, que les obligations qui ont un fait pour objet sont mobilières, s'exprime ainsi au t. VI, no 23 :

« L'acquéreur ou le successeur à titre singulier a le droit d'exercer tous les droits que son vendeur avait stipulés, ou qui lui étaient autrement acquis pour l'utilité de l'héritage vendu. C'est ce qu'on peut induire de l'art. 1122, qui dit qu'on est censé avoir stipulé pour soi et pour son ayant cause.»>

« Le jurisconsulte Paul établit en principe général, que le pacte réel profite à tous ceux auxquels if importe que l'obligation

Si c'est le légataire du mobilier qui se présente pour agir, on lui dira aussi, et avec la même force, qu'il est sans intérêt, et par conséquent sans action, soit pour demander la construction de l'édifice, soit pour obtenir un dédommagement en cas d'inexécution:

l'intérêt du créancier car l'ouvrage qu'elle a pour objet ne devant être appliqué qu'à la modification matérielle et physique d'un immeuble, ce n'est que dans la possession ou jouissance du fonds que le propriétaire peut en percevoir les avantages ou le profit.

Que si l'on admet que le propriétaire du fonds, qui est le créancier du travail promis par le laboureur, vienne à mourir, laissant deux légataires à titre uni

Pour demander la construction de l'édifice, parce qu'il n'agirait que dans l'intérêt de l'autre légataire, auquel seul l'édifice appartiendrait s'il était fait; Pour obtenir un dédommagement en cas d'inexécu-versel, l'un de ses immeubles, et l'autre de son motion, parce qu'il ne peut souffrir aucun dommage de la privation d'un édifice qui ne lui appartiendrait point s'il était construit.

L'action intentée contre l'entrepreneur pour qu'il eût à exécuter sa convention, tendrait à mettre obstacle à toute créance mobilière : car, l'édifice étant construit, il ne serait rien du de plus; ainsi le légataire du mobilier agirait vainement, puisqu'il ne pourrait rien demander pour lui-même, et par conséquent il serait non recevable.

bilier, il n'y aura que le légataire des immeubles qui devra profiter des travaux du cultivateur, et qui par conséquent pourra en exiger l'exécution tant qu'ils n'auront pas été entièrement faits, puisqu'ils ne devront avoir lieu que dans son intérêt et pour lui seul.

Voilà pourquoi l'action dont il s'agit, ne s'appliquant qu'à un immeuble et pour en modifier physiquement le matériel de la superficie, ne peut être elle-même qu'une action immobilière.

190. NEUVIÈME QUESTION. En nous plaçant toujours Concluons de là que cette action est nécessairement sous l'empire général qui préside aux questions précéimmobilière, et que, comme telle, elle ne peut appar-dentes, si l'on suppose que l'entrepreneur qui avait tenir qu'au légataire des immeubles, puisque c'est à marchandé la construction de l'édifice, ou le laboureur lui seul qu'elle peut profiter. qui devait quelques travaux de culture, aient accompli leurs obligations, et que le défunt ne leur ait pas, en son vivant, payé le prix de leurs travaux, à qui devront-ils s'adresser pour obtenir leur payement? Ne devront-ils intenter leur action que contre l'héritier des immeubles, pris égard à ce qu'il n'y a que cet héritier qui soit appelé à profiter de l'édifice ou du labourage exécutés? Ou l'héritier du mobilier devra-t-il aussi payer une partie de la somme due?

Mais si, avant son décès, Titius avait fait condamner l'entrepreneur à des dommages, faute par celui-ci d'avoir exécuté ses engagements, alors il y aurait eu novation dans l'objet de la créance, qui ne subsisterait plus que pour les adjugés pécuniaires, lesquels seraient en conséquence dévolus au légataire du mobilier (1). La solution qu'on vient de donner fait naître, sur cette partie de notre traité, plusieurs réflexions touchant à d'autres questions qui sont analogues au même principe, et que nous allons examiner encore, pour moins laisser à désirer sur cette matière.

HUITIEME QUESTION. Si, au lieu d'avoir fait marché avec un entrepreneur de bâtiments pour construire une maison, le propriétaire d'un fonds était convenu avec un simple cultivateur que celui-ci donnerait un ou plusieurs coups de labour à son champ pour le semer, l'action acquise au propriétaire du sol contre le laboureur serait-elle encore immobilière, comme dans le cas de la précédente question?

Pour la négative, on peut dire ici que, dans l'intérêt du propriétaire du fonds, l'objet de l'action ne consiste point dans la production ou la création d'un édifice, comme dans le cas qui précède, mais seulement dans l'œuvre ou le travail du laboureur; qu'en conséquence ce travail, tout à fait mobilier par luimême, ne saurait être l'objet d'une action immobilière.

Nonobstant ce raisonnement, il faut décider encore que cette action ne peut être qu'immobilière dans

de celui qui s'est engagé soit exécutée : In rem pacta omnibus prosunt quorum obligationem dissolutam esse ejus qui paciscebatur interfuit (a).

C'est un principe avéré, tant dans le droit ancien que dans le droit nouveau, que les dettes de l'homme pèsent, sans distinction, sur la masse de tous ses biens, attendu que, comme le porte l'article 2092 du code civil, « quiconque s'est obligé personnellement, « est tenu de remplir son engagement sur tous ses << biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir; >> que la même chose était déjà décrétée par la loi romaine Sed et hic placuit nihil facere æris alieni nomen, cùm non loci sit œs alienum, sed universarum facultatum : œs enim alienum, patrimonium totum imminuere constituit, non certi loci facultates. (L. 50. D. lib. 5, t. I.)

et

Il résulte de là:

Que les deux héritiers sont passibles de l'action en payement que le constructeur et le laboureur ont chacun le droit d'intenter; que les deux successeurs aux biens sont l'un et l'autre passibles de cette action, puisque l'un et l'autre sont revêtus de la qualité d'héritier testamentaire, ou de successeur à titre universel du défunt (1010), et que l'un et l'autre sont

si je n'ai pas exprimé cette subrogation dans l'acte de vente, de donation, ou dans mon testament, elle s'y trouve facilemen comprise comme un accessoire de la chose vendue, donnée ou | léguée, dont la délivrance doit être faite avec ses accessoires

«Il en donne pour exemple le pacte fait par un vendeur, pactum convéntum cum venditore factum, si in rem constituatur... | (art. 1018). et emptori prodest ex hoc jure nos uti Pomponius scribit (b). Ainsi, le droit qui m'est aequis par la convention que j'ai faite avec un architecte que j'ai chargé de construire une maison sur le fonds Cornélien passe à l'acquéreur, au donataire, au légataire de ce fonds, et si ce fonds était grevé de substitution en faveur de mes enfants où de l'an d'eux, ce droit passerait à mes enfants ou à celui en faveur de qui est faite la substitution, quand même ils renonceraient à ma succession.

« Cette doctrine du droit romain est fondée en raison; car il est évident que je puis subroger mon acquéreur, mon donataire, ou mon légataire dans le marché que j'ai fait avec l'architecte, et

(a) L. 21, de pactis. 2, 14,

« La décision de POTHIER nous paraît évidemment contraire au principe raisonnable établi par le droit romain, que les pactes réels profitent à tous ceux qui ont intérêt que l'obligation soit exécutée, quorum interfuit dissolutam esse obligationem ejus qui paciscebatur. L'héritier aux immeubles a intérêt de contraindre l'architecte à exécuter son marché, et à ne pas laisser imparfaite la maison déjà peut-être commencée. Le droit de la faire achever ou bàtir passe donc en sa personne comme un accessoire du fonds. Il ne peut passer à l'héritier aux meubles, parce qu'il n'y a aucun intérêt.» Voyez ce qui a été dit cî-dessus no 186. (1) Op. conf. de CHAVOT, t. Ier, no 45.

(b) L. 17. § 5. de pactis,

participants du patrimoine qui en est affecté, et qui ne leur a été délaissé qu'indistinctement grevé de cette charge;

ponsables; si, après la cessation de l'usufruit ou la fin du bail, le propriétaire du fonds vient à l'aliéner sans qu'il soit fait aucune mention ni réserve touchant les actions en indemnité ou en réparation des dégradations de l'immeuble, est-ce à l'ancien propriétaire que reste l'exercice de ces actions? ou sont-elles trans

Qu'en considérant ces deux codébiteurs vis-à-vis l'un de l'autre, ils devront contribuer entre eux au payement des deux dettes, non pas chacun également, mais chacun dans la proportion des valeurs compara-mises au nouvel acquéreur? tives de leurs cotes héréditaires, puisque c'est sur la masse des biens pris indistinctement que pèsent les delles, et que c'est ainsi que le veut l'article 870 du code civil;

Mais qu'en considérant, au contraire, les deux héritiers comparativement avec l'entrepreneur et le laboureur qui répètent le payement de leurs créances, il faut dire que, par application de l'article 873, chacun d'eux devra être condamné à leur payer sa portion virile, ou la moitié de la dette, sauf aux deux débiteurs à compter ensuite entre eux pour savoir ce que l'un pourra redevoir à l'autre, pris égard à l'excédant de valeur de sa part de biens sur celle de l'autre. La raison de cela, c'est que, le créancier ayant deux débiteurs entre lesquels il n'est point chargé d'arranger le compte, ni de vérifier si l'un doit plus que l'autre, il faut bien qu'il ait le droit de les assigner en payement de leurs portions viriles de la dette, sauf à eux à s'arranger ensuite sur le partage de leur charge. 191. DIXIÈME QUESTION. Si, au lieu d'avoir légué ses immeubles à l'un et son mobilier à un autre, comme dans le cas de la question précédente, le testateur qui | avait fait marché avec un entrepreneur pour lui construire un édifice, s'est borné à léguer à quelqu'un le fonds sur lequel il a voulu que l'édifice fût construit, ce légataire particulier aura-t-il aussi une action pour forcer l'entrepreneur à l'exécution de l'ouvrage dont il a été chargé? et le payement de la somme qui lui a été promise pèsera-t-il encore sur l'héritier ? Pour bien faire sentir la juste solution de cette question, nous observerons en préalable,

1o Que les effets de nos conventions ne s'éteignent pas par le décès de ceux qui les ont contractées, puisqu'ils se transmettent à leurs successeurs, et que c'est là une maxime invariable dans le droit ;

2o Qu'on doit regarder l'action dont il s'agit ici comme étant immobilière, puisqu'elle s'applique à la production d'une chose qui doit être un immeuble, ainsi que nous l'avons déjà dit dans nos réponses aux questions précédentes;

3° Que cette action pour forcer l'entrepreneur à remplir son engagement, devant avoir pour résultat la construction d'un édifice sur le fonds dont le testateur a disposé par un legs particulier, c'est dans l'intérêt seul de ce successeur, quoique à titre singulier, que l'exécution du marché devra avoir lieu, puisque, par l'effet de cette exécution, l'édifice viendra s'identifier avec ce fonds.

Il faut donc dire que l'action destinée à forcer l'exécution du marché conclu avec l'entrepreneur, appartient nécessairement au légataire particulier du fonds, puisque l'effet ne doit en profiter qu'à lui seul, et que celte action doit être considérée comme une partie accessoire de son legs.

Quant au payement qui pourra être dû à l'entrepreneur, il doit, comme dette du défunt, rester à la charge des héritiers, puisque les légataires particuliers n'en sont point tenus; et si, pour faire avancer l'ouvrage, le légataire du fonds avait payé en tout ou en partie la somme due à l'entrepreneur, il aurait son recours contre les successeurs à titre universel (874). 192. OnZIÈME QUESTION.-Lorsque, durant l'exercice d'un droit d'usufruit ou d'un bail, l'usufruitier ou le fermier ont commis dans le fonds des dégradations plus ou moins considérables, mais dont ils sont res

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Pour soutenir que c'est à l'ancien propriétaire, et non à l'acquéreur de l'immeuble dégradé, qu'appartient l'action en indemnité, on dira que c'est envers cet ancien propriétaire que l'usufruitier ou le fermier s'étaient obligés à bien entretenir le fonds ou à payer le prix des dégradations qu'ils pourraient y causer; qu'on ne voit pas comment le droit acquis par cette obligation personnelle aurait pu changer de maître lorsqu'il n'y a eu aucune cession expressément faite à un autre ; que c'est l'ancien propriétaire qui a lui seul souffert, et qui souffre encore tout le dommage, attendu que si son fonds n'avait pas été dégradé, il l'aurait vendu d'autant plus cher; qu'ainsi, lui seul se trouvant en souffrance par la faute d'autrui, c'est aussi à lui seul qu'on doit l'indemnité du dommage qu'il éprouve.

Nonobstant ces raisonnements, nous croyons qu'on doit tenir pour constant que c'est à l'acquéreur qu'appartiennent les actions en réparation ou en indemnité dont il s'agit, attendu qu'on doit considérer ces actions comme faisant une partie accessoire du fonds qui lui a été vendu.

Cette solution n'est que la conséquence nécessaire de ce que l'action directe en réparation de l'héritage, est une action immobilière par l'objet auquel elle s'applique, puisque tout son effet ne doit consister qu'à opérer ou à procurer la réhabilitation ou la réintégration de l'état matériel du fonds; et que ce résultat ne peut profiter qu'au nouveau propriétaire de l'héritage.

Voudrait-on plus de développements là-dessus?

Supposons d'abord que l'ancien propriétaire actionne son fermier pour qu'il ait à procurer les réparations qui sont à faire dans le fonds actuellement possédé par le tiers acquéreur. Le fermier répondra victorieusement qu'il est non recevable, comme étant sans intérêt dans l'objet de sa demande, attendu que, le fonds dégradé ne lui appartenant plus, les réparations qui sont à y faire ne pourront jamais lui pro

fiter.

Supposons, en second lieu, que l'ancien propriétaire, au lieu d'intenter contre le fermier l'action directe et principale en réparation, lui demande seulement une indemnité pécuniaire pour dommages par lui soufferts comme suite de dégradations causées dans le fonds: il devra être également déclaré non recevable à proposer cette action subsidiaire, allendu que le fermier pourra victorieusement repousser la demande soit en exécutant les réparations, soit même en objectant que l'indemnité ne peut être due qu'à celui qui profiterait des réparations elles-mêmes si elles étaient exécutées; que par conséquent ce n'est que le possesseur actuel du fonds qui peut avoir droit à l'indemnité, comme ce n'est jamais que celui qui devrait profiter de la chose si elle était fournie en nature, qui puisse avoir le droit d'en exiger le prix.

En un mot, le fermier peut toujours dire qu'il ne doit que les réparations, et qu'en les procurant, il ne fera rien dans l'intérêt de l'ancien propriétaire : pourquoi celui-ci est non recevable à intenter, à cet égard, aucune action contre lui.

La question ne changerait pas de nature et devrait recevoir une identique décision lors même qu'au lieu de vendre son héritage, le propriétaire primitif en aurait fait l'objet d'une donation ou d'un legs; car il

Il est incontestable que le prix de la vente ne peut

serait toujours vrai de dire que l'action en réparation, qui est toujours l'action principale, aurait été trans-être dù ni exigé qu'autant que le contrat d'aliénation mise au donataire ou au légataire comme faisant accessoirement partie de la donation ou du legs. 193. DOUZIÈME QUESTION. La vente d'un fonds a été faite à crédit, mais sous la condition expresse qu'elle sera résolue si l'acquéreur n'en paye pas le prix dans un délai déterminé; au terme fixé, le prix de la vente n'est pas payé, et le vendeur vient à mourir dans cet état de choses, mais après avoir légué tous ses immeubles à une personne, et tout son mobilier à une autre : auquel des deux légataires doivent appartenir les actions qui peuvent être à intenter contre cet acquéreur de fonds?

Aux termes de l'article 1139 du code civil, « le dé« biteur est constitué en demeure, soit par une som<<mation ou par autre acle équivalent, soit par l'effet <de la convention, lorsqu'elle porte que, sans qu'il « soit besoin d'acte, et par la seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure. »

Il s'agit ici d'une clause pénale comportant la résolution de la vente en cas de non-payement dans le délai fixé; or, suivant l'article 1230 du même code, soit que l'obligation primitive contienne soit qu'elle « ne contienne pas un terme dans lequel elle doive « être accomplie, la peine n'est encourue que lorsque ⚫ celui qui s'est obligé soit à livrer, soit à prendre, « soit à faire, est en demeure. »

Ainsi, à supposer que le vendeur soit mort sans avoir mis l'acquéreur en demeure par les moyens indiqués dans l'art. 1139 ci-dessus, il n'y aura eu, de son vivant, aucune novation dans le contrat, ni aucune résolution de vente, et le prix non payé ne devra revenir qu'au légataire de son mobilier.

Si au contraire l'acquéreur avait été mis en demeure par le vendeur encore vivant, il faudrait dire que, la résolution de la vente ayant été opérée de droit, et devant, dans son exécution, remonter jusqu'à l'époque de celte constitution en demeure, c'est le légataire des immeubles qui devrait avoir l'action en revendication du fonds.

est reconnu ou jugé valable: c'est donc l'action intentée par l'héritier des immeubles qui doit marcher la première; et alors de deux choses l'une: ou cet héritier parviendra à faire déclarer nul l'acte de vente, et dans ce cas il obtiendra l'adjudication de l'immeuble, qui, pris égard à la nullité de l'aliénation, se sera trouvé encore dans la succession du défunt; ou, au contraire, cet héritier aura échoué dans son action en nullité de la vente et revendication du fonds, et, dans ce cas, la vente ayant lieu, ce sera au légalaire du mobilier à en exiger le prix.

Au reste on voit que l'issue d'une telle action intéressant nécessairement le légataire du mobilier, il doit avoir le droit d'intervenir dans la discussion de la cause.

195. QUATORZIÈME QUESTION. Quelle est, dans les ventes de fonds, la nature de l'action en rescision pour cause de lésion de plus des sept douzièmes du prix !

Pour soutenir que cette action est mobilière, on peut dire que, de son côté, l'acquéreur est en droit de retenir le fonds en payant le supplément de l'estimation, sous la déduction du dixième du prix total (1681); que, d'autre part, le vendeur serait sans action et n'aurait rien à répéter s'il avait reçu un prix équivalent au fonds qu'il a vendu; qu'il ne lui manque par conséquent que le supplément du prix, et que c'est là tout l'objet de son action (1).

Nous croyons néanmoins que l'action en rescision pour cause de lésion est, dans son état primitif, essentiellement immeuble: car rescinder un contrat ou l'anéantir, c'est rétablir les choses comme elles étaient auparavant : c'est par conséquent reporter le domaine de la chose vendue sur la tête du vendeur, comme il y était avant la vente. L'objet matériel et mème unique de l'action par laquelle on poursuit cette restitution en entier, est donc entièrement dans l'immeuble qui avait été vendu : donc elle est immeuble elle-même. Cette action est tellement attachée au fonds, que le demandeur peut poursuivre la restitution de son Nous ajouterons encore qu'au cas où il serait re-immeuble, même entre les mains des tiers acquéconnu, d'après les principes et les règles qu'on vient reurs (1681). d'expliquer, que c'est le légataire du mobilier qui devait emporter dans son lot la créance du prix de l'aliénation, si, en actionnant l'acquéreur en payement, celui-ci ne satisfaisait pas à son engagement, le légataire créancier du prix de la vente pourrait aussi demander à son profit la résolution du contrat d'aliénation, et devenir, par ce moyen, l'adjudicataire de l'immeuble qui ne se serait point trouvé en nature dans la succession, et qu'il n'aurait obtenu que par la novation opérée dans l'objet de sa créance.

Il est vrai que l'acquéreur peut retenir le fonds en suppléant le juste prix: mais que résulte-t-il de là? Rien autre chose, sinon que, quand il prend ce parti, le vendeur se trouve forcé d'aliéner une seconde fois en confirmant la première vente, au moyen du nouveau prix qu'il reçoit pour cela.

Si, quand la vente est rescindée, l'acquéreur peut offrir le supplément du prix au lieu de relâcher l'immeuble, ce droit n'est pour lui que in facultate liberandi; c'est une faculté qui lui est personnelle, et qui est entièrement étrangère à l'action du demandeur : car il n'appartient point à celui-ci d'exiger le supplément d'estimation; d'où il faut conclure qu'il n'est pas l'objet de son action, puisqu'il ne pourrait pas même le demander (2).

On doit donc regarder cette action comme immeu

194. TREIZIÈME QUESTION. Le vendeur d'un immeuble qui n'en a point touché le prix, est mort, laissant deux légataires à titre universel, l'un de son mobilier, et l'autre de ses immeubles : le légataire du mobilier, comme créancier du prix non payé, actionne l'acquéreur en payement de sa créance mobilière; mais le légataire des immeubles paraît en même temps, et in-ble; et de là il résulte, tente contre l'acquéreur une action en revendication de l'immeuble, pour cause de dol ou de violence dont il soutient que le contrat de vente fut affecté de manière à le rendre absolument nul: quid juris?

(1) La cour de cassation de France le décidait ainsi par son arrêt du 23 prairial an x11. (SIREY, t. IV, p. 370.)

Même décision le 14 mai 1806 (SIREY, t. VI, p. 331), par la section des requêtes. Il s'agissait de savoir si une action en rescision, pourlésion, était susceptible d'expropriation.

Mais cette jurisprudence a depuis été abandonnée. Le 25 jan

1° Que, dans le cas où le vendeur aurait légué ses effets mobiliers à une personne, et ses immeubles à une autre, l'action en rescision n'appartiendrait qu'au légalaire des immeubles;

vier 1832 la cour de Bourges reconnaissait à cette action le caractère immobilier. (SIREY, 1831, 2, 557.) Op. conf. de DELVINCOURT, t. II, p. 302, in-8°..

(2) Op. conf. de DURANTON, no 97 ; de GRENIER, Donations, no 164; de POTHIER, Cont. de vente, uo• 331, 371.

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