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l'établissement de la propriété foncière que nous de-
vons la naissance de la civilisation parmi les hommes,
ainsi que la plupart des douceurs dont nous jouissons
dans le règne moral sous lequel nous vivons.
Nous disons donc que la propriété foncière fut
comme la mère de la civilisation des hommes.

C'est par elle, en effet, qu'attachés au sol de la même région, ils se sont, sur les divers points du globe, trouvés rapprochés et mis à portée de s'unir et fraterniser ensemble d'une manière permanente.

C'est par elle qu'ainsi rapprochés les uns des autres, ils sont habituellement en communication, et contractent les relations d'attachement et d'union qui sont les attributs constitutifs de l'état social auquel ils sont appelés par la nature.

C'est pour mieux s'unir à cette mère nourricière, et pour satisfaire aux exigences de leurs besoins, que les hommes ont été obligés de recourir à la coopération et à l'assistance les uns des autres dans les travaux de construction de leurs habitations, et autres œuvres très-multipliées qui ne sauraient être opérées par le travail individuel des particuliers.

C'est par son influence que les mœurs s'adoucissent, et qu'on voit disparaître la barbarie, qui se trouve remplacée par un ordre régulier établi entre ceux qui sont habitants des mêmes contrées.

| cun d'eux; et voilà, comme on vient de le dire plus haut, l'origine de la civilisation des Romains, telle qu'elle nous a été indiquée par eux-mêmes : Civilia autem jura tunc esse cœperunt, cùm civitates condi, et magistratus creari, et leges scribi cœperunt.

70. L'ambition des Romains, dont les réunions s'étaient de jour en jour agrandies, ne leur permit pas de se contenter même de la possession de toute l'Italie: ils voulurent, dans la suite des siècles, étendre de toute part leurs conquêtes beaucoup plus loin : les Gaules, entre autres pays, furent par eux subjuguées, et ils y introduisirent leur civilisation et leurs lois; mais, quelque vastes que fussent les conquêtes de ce peuple belliqueux, il n'avait pu atteindre ni subjuguer, ni par conséquent civiliser les barbares du Nord, qui, plus de mille ans après la fondation de Rome, vinrent fondre successivement et durant plusieurs siècles sur les Gaulois devenus Romains.

C'est ici que nous trouvons encore plus tard, mais plus rapprochées de nous, les preuves démonstratives de la haute importance de la propriété foncière touchant la civilisation et la tranquillité publique des sociétés humaines.

C'est par suite de l'établissement de la propriété foncière, et le secours des règlements nécessaires pour la posséder en paix, que les hommes, unissant à cet effet leur aide et assistance mutuelles, se sont portés à construire des villages, bourgs et villes, dont l'exis-portance de la conquête et de leur appropriation ; mais tence proclame à tous les yeux l'établissement de la civilisation Civilia autem jura tunc esse cœperunt, cùm civitates condi, et magistratus creari, et leges scribi cœperunt (1).

71. Nous voyons en effet dans nos histoires, que quand les barbares du Nord ont fait, durant les premiers siècles de l'ère chrétienne, leurs invasions dans les Gaules, ils ne reconnaissaient encore, pour la plupart, que la propriété mobilière, et que le butin de guerre dont ils dépouillaient les vaincus ne fut d'abord que la seule chose à laquelle ils attachèrent l'imlorsque après plusieurs siècles de pillage ils résolurent enfin de s'emparer du pays pour s'établir en permanence sur le sol conquis, la propriété foncière fut reconnue par ces barbares, ainsi que le droit en avait déjà été établi par les Gallo-Romains; et la conséquence qui en résulta, fut que la civilisation s'introduisit parmi eux comme elle avait déjà été établic chez les Romains par la même voie.

69. Comme l'établissement d'une chose entraîne toujours celles qui doivent en être la conséquence, les habitations, groupées ensemble sur un même sol, durent former la communauté, dont l'unité de corporation devait naturellement avoir aussi ses droits par- Si, pour le moment, laissant à part toutes ces obticuliers et de là les règlements nécessaires pour dé-servations touchant les mérites bien reconnus de la finir ces droits, et ensuite la création des magistrats municipaux, pour ordonner envers chacun la conservation de ses droits, et réprimer les atteintes qu'on pourrait y porter: Quia, ut exposuimus, per eos qui juri dicundo præsunt, effectus rei accipitur. Quantum est enim jus in civitate esse, nisi sint qui jura regere possint (2)?

C'est ainsi que nous retrouvons toujours dans la propriété foncière la base de la civilisation et du bon ordre social.

Si nous voulions recourir aux leçons de l'histoire, nous y trouverions' bien patemment la confirmation des vérités que nous venons d'exposer.

propriété foncière, et sa supériorité sur la propriété
mobilière, nous en venons à des considérations pra-
tiques d'un ordre qui n'est pas moins élevé, nous
allons voir toute l'étendue et l'influence de l'empire
qu'elle exerce dans le règne de notre état civil et po-
|litique.

72. Tout le corps matériel de l'État repose sur la propriété foncière, comme base nécessaire à l'organisation civile et politique.

Ce sont les propriétés foncières soit communales, soit particulières, des habitants de la commune, qui composent son territoire; la réunion de plusieurs communes sous une justice de paix constitue le canEn remontant jusqu'à l'établissement de Rome, ton; celle de plusieurs cantons forme l'arrondissement nous voyons que, suivant la relation des historiens, de la sous-préfecture et du tribunal de première incette ville, qui devint dans la suite des temps la capi- stance; l'étendue de plusieurs arrondissements comtale du monde, ne fut d'abord fondée que par une pose le département, comme la réunion de plusieurs troupe de brigands; mais que ces barbares, rappro- départements compose les ressorts des cours d'appel, chés les uns des autres, et établis d'une manière per- ainsi que les divisions ecclésiastiques et militaires; et, manente sur le même sol, s'humanisèrent peu à peu en suivant jusqu'au bout cette gradation progressive par les fréquentations journalières que leurs habita- de juridiction toujours fondée sur le sol, nous arritions, groupées près les unes des autres, leur permi-vons aux bornes de l'empire, et nous les trouvons rent d'avoir entre eux ; et l'on voit aussi que l'appropriation des maisons ou cabanes particulières à chacun d'eux, les conduisit à reconnaître aussi la division et la patrimonialité des terres et la preuve de ces faits résulte de l'établissement des magistratures qu'ils créèrent pour veiller au maintien des droits de cha

(1) Inst., § 11, de divisione rerum,

plantées à l'extrémité du territoire de la dernière commune: en sorte que l'exercice de tous les pouvoirs civils, et la compétence de toutes les autorités dans l'accomplissement de leurs fonctions, reposent partout sur la distinction de la propriété foncière.

Les forces physiques et morales du corps politique

(2) L. a, St 3, D. de origine juris, lib. I, tit. II.

ont encore le même fondement. «Partout où il se trouve << une place où deux personnes puissent vivre com« modément, dit Montesquieu, il se fait un mariage. «La nature y porte assez lorsqu'elle n'est point arrê«tée par la difficulté de la subsistance. »>

73. « C'est par la propriété foncière que l'homme « tient le plus à sa patrie, parce qu'il ne peut trans<< porter ailleurs cette source de son bien-être. » Outre que les richesses mobilières, comme susceptibles d'être transportées partout, n'ont aucune assise où elles doivent exclusivement fixer leur maître, elles ne sont pas susceptibles du prix d'affection qui accompagne la propriété foncière. Une pièce d'or ne peut être préférable à une autre que par une plus grande valeur intrinsèque ; il n'en est pas de même du sol auquel l'homme aura attaché les habitudes de sa vie, et surtout de sa jeunesse : il n'oublie pas le champ qu'il a cultivé; il ne peut entièrement perdre de vue le fonds qu'il avait orné de quelques plantations; et ce souvenir, qu'il porte partout, serait le tourment de sa vieillesse dans une terre d'exil.

Ce sont les propriétés foncières qui constituent la mesure du crédit le plus sûr. puisqu'elles font la seule base de nos hypothèques (2118): elles sont donc le véritable fondement de la tranquillité publique, puisqu'elles forment le gage le plus assuré de nos conven

tions.

C'est le propriétaire foncier qui garantit au trésor public les revenus les plus certains de l'État : car, tandis que l'homme riche par son portefeuille sait se soustraire à la plupart des impôts, le propriétaire foncier ne peut éviter aucun de ceux qui sont assis sur ses immeubles.

Sous le rapport de la richesse en général et du produit des terres, comparez le champ cultivé par son maître avec celui qui ne l'est que par un étranger, et voyez combien la main de l'un est plus heureuse que celle de l'autre ! Combien l'esprit de propriété rend l'homme ingénieux et habile pour fertiliser la terre !

La propriété foncière commande donc un respect tout particulier, puisqu'elle est la source de tant d'avantages; et les événements qui se sont passés sous nos yeux sont une preuve bien frappante des effets funestes qui peuvent être la suite de son avilisse

ment.

74. La prodigieuse quantité d'immeubles simultanément mis en vente sur tous les points de la république, dut nécessairement les avilir pour un temps, parce que, plus une chose est abondante dans le commerce, moins elle doit avoir de prix.

Nos discordes civiles, et la diversité des opinions politiques relativement à la stabilité des ventes de fonds nationaux, concouraient encore puissamment à en augmenter la dépréciation.

D'autre part, le numéraire se trouvait plus précieux que dans les circonstances ordinaires, soit parce qu'il pouvait être employé par un grand nombre de familles aux besoins des Français expatriés, soit surtout parce que, le gouvernement de la république n'offrant pas une garantie suffisante à la sécurité des fortunes, la richesse portative avait accidentellement un grand avantage sur l'avoir immobilier.

Les événements politiques avaient donc absolument rompu l'équilibre ordinaire entre la propriété foncière et le signe représentatif de sa valeur réelle. Le temps où toutes les passions sont exaltées est naturellement celui des plus grandes erreurs loin de rendre à la propriété foncière les justes hommages qui lui sont dus, la législation suivit la pente des événements qui avaient tout bouleversé dans l'ordre civil. Placés au milieu d'une immense cité où les ri

| chesses mobilières sont presque tout, nos législateurs ne surent pas se garantir de l'influence de tant de causes qui concouraient à égarer l'opinion.

75. C'est dans ces circonstances que fut porté un décret du 9 messidor an III, qui ne tendait à rien moins qu'à mobiliser toutes les fortunes au moyen de cédules hypothécaires que chaque possesseur de fonds aurait pu prendre sur lui-même, et les faire passer dans le commerce par un simple endossement. (Voyez au Bullet. 164, no des lois 963, première série.)

Cependant on ne tarda pas à s'apercevoir combien les suites d'une pareille loi seraient funestes, et l'exécution en fut promptement suspendue.

Survinrent après cela deux autres lois du 11 brumaire an vui, l'une sur le régime hypothécaire, et l'autre sur l'expropriation forcée. (Voy. au Bullet. 258, nos des lois 2157 et 2138, 2o série:) Ces dernières lois furent conçues dans des vues plus sages; mais le trajet du mal au bien s'opère rarement tout à coup. L'intérêt que doit inspirer le débiteur malheureux ne parut encore rien à côté de la faveur que le capitaliste avait conquise dans l'opinion des citadins. Le créancier n'avait pour ainsi dire qu'à paraître pour improviser une expropriation qui dépouillait promptement, et par conséquent à vil prix, le possesseur des fonds hypothéqués à la dette: c'est ainsi que l'immeuble n'avait encore légalement qu'une existence fugitive entre les mains de son maître; c'est ainsi qu'en perdant tout à la fois et sa stabilité et son véritable prix, la propriété foncière, dépouillée de sa dignité, restait privée de ses plus grands avantages.

76. Mais qu'est-il résulté de tout cela?

Lorsque dans un État l'argent est tout, la soif de l'or prend une intensité proportionnelle au prix de ce métal: c'est alors qu'on a trouvé dans la circulation tant de pièces de monnaie sur lesquelles des mains criminelles avaient porté la lime; c'est alors qu'on a vu sur tous les points de l'empire les jeux de hasard introduits publiquement dans la société, comme une nouvelle branche de commerce; c'est alors qu'on a vu paraitre cette foule de prêteurs sur gages et d'usuriers comptant l'intérêt de l'argent à tant pour cent par mois!

Mais n'outrons point les conséquences: sans doute tous ces fléaux qui affligeaient les familles et désolaient l'État lorsque le grand Napoléon prit les rènes du gouvernement, provenaient aussi de la blessure profonde portée aux mœurs et à la probité par les désordres de tous genres qui accompagnent les grandes révolutions comme la nôtre; cependant, et toutes réflexions faites, il serait impossible de se dissimuler qu'une des causes principales qui avaient concouru à les produire ne fut l'avilissement de la propriété foncière.

77. Au reste, s'il nous fallait encore d'autres preuves de fait sur les avantages civils et politiques de la propriété foncière, quelle éclatante démonstration ne nous en fourniraient pas les lois sur la conscription militaire !

Il est avéré qu'elle a établi le meilleur mode de recrutement de nos armées, et qu'elle a principalement assuré leur triomphe. Mais pourquoi ?

C'est parce que le plus grand nombre des soldats qu'elle produit sont des propriétaires fonciers. C'est parce que l'homme le plus dévoué à la défensc de son pays est celui qui craint l'envahissement de ses propriétés foncières.

de

Pourquoi les soldats de la conscription sont-ils, tous, les plus constants sous leurs drapeaux ? C'est parce qu'ils laissent derrière eux un gage de leur fidélité dans leurs propriétés foncières, quelque

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modiques qu'elles soient; et c'est par cette raison que, lorsqu'il y a des déserteurs, ils appartiennent presque tous à la classe des prolétaires; et c'est là une vérité de fait que nous pouvons bien positivement attester. Les lois de la révolution, et principalement celle du 27 ventôse an vin (voy. au Bullet. 12, no des lois 89, tome Ier, 3e série), avaient établi des amendes contre les déserteurs et les conscrits réfractaires. Eh bien! il est résulté des nombreuses recherches que nous avons faites dans plusieurs départements sur le recouvrement de ces amendes, qu'il y avait, sur vingt condamnés, au moins dix-sept prolétaires qui étaient insolvables, ainsi que leurs pères et mères.

78. Les soldats de la conscription française ne se sont pas seulement montrés les plus fidèles à leurs drapeaux : ils se sont montrés encore les plus braves dans les combats, et les plus infatigables dans les marches des armées et les divers travaux de la guerre. Et pourquoi encore tout cela?

C'est qu'ils étaient armés des bras vigoureux de cultivateurs endurcis dans les travaux champêtres, et qu'ayant été, dès leur jeunesse, habitués aux marches nécessitées par la culture de leurs héritages ils devaient être les plus capables de supporter celles des mouvements des armées.

79. Nous n'avons pas seulement ici pour appui de notre thèse les armes du raisonnement; nous n'avons pas seulement à dire qu'une nation doit être regardée comme invincible dans la défense de son territoire, lorsque chacun de ses habitants se porte à la lutte politique pour mettre obstacle à l'envahissement de sa maison ou autre possession foncière : voyez ce qui s'est passé en France en 1792 et années suivantes, durant lesquelles toute l'Europe armée contre nous n'a servi qu'à rendre plus éclatante la gloire du peuple français, par les victoires qu'il a remportées sur les armées nombreuses des puissances coalisées contre lui !

SO. Enfin, pourquoi, dans la tentative de leur dernière révolution, les malheureux Polonais ont-ils si promptement succombé? C'est qu'il n'y avait principalement que les barons du pays qui fussent les instigateurs de l'insurrection, et qui soutinssent le corps des insurgés, tandis que la majorité de leurs troupes, n'étant composées que de leurs prolétaires et demi-serfs, ne pouvaient avoir l'énergie que donne le sentiment de la propriété dans l'homme qui combat pour la conservation et la jouissance de ce qui lui appartient, de sa maison, ou du sol qui est le sien.

DEUXIÈME PARTIE.

TRANSITION.

NOTIONS GÉNÉRALES SUR LA DISTINCTION DES BIENS, D'APRÈS LES RÈGLES POSITIVES ÉTABLIES PAR

NOTRE CODE CIVIL.

81. Transition.

81. En traitant de la propriété et du domaine, dans les chapitres qui précèdent, nous n'avons envisagé les biens que sous les points de vue les plus généraux: il nous reste à les considérer chacun dans leurs espèces particulières.

Les lois statuent différemment suivant la diversité des objets soumis à leur action, attendu que le principe de cette action repose soit sur la nature propre de chaque chose, soit sur la nature spéciale des fonctions que les diverses propriétés remplissent dans le commerce, soit enfin sur la diversité des rapports qu'elles ont avec ceux qui les possèdent: et de là la nécessité de connaître le caractère particulier de chaque espèce de biens.

CHAPITRE V.

De la division générale des biens. 89. Distinction en meubles et immeubles. Caractère général.

(1) « La division de nos biens en meubles et en immeubles, quand elle s'applique aux objets corporels, dérive de la nature même de ces objets. En effet, ces mots meubles et immeubles ne sont pas une création de la loi, elle n'a fait que les appliquer aux choses

PROUDHON.

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82. La première distinction des biens est celle des meubles et des immeubles : cette distinction est aussi la principale, puisque la loi (516) veut que tous les biens soient rangés dans l'une ou l'autre de ces deux classes (1).

Les immeubles sont les objets privés de toute mobilité.

Les meubles, au contraire, consistent dans les choses mobiles et transportables d'un lieu en un autre lieu.

Il y a des choses qui sont immeubles par leur nature propre, comme les fonds de terre, sur la qualité desquels il n'est pas possible de se méprendre; mais il y a aussi beaucoup d'objets qui, sans être immeubles

qui formaient son objet. Le code civil ne s'occupe que des choses sur lesquelles nous avons des droits, ou autrement dit, de nos biens, et il les divise en meubles et en immeubles. Mais par la raison qu'il ne s'occupe pas de la classification des choses non

par leur nature propre, sont néanmoins, d'après les règles du droit positif, réputés immeubles dans beaucoup de circonstances qui seront développées plus bas. 83. Quoi qu'il en soit, la division générale des biens en meubles et immeubles n'est point une simple nomenclature à laquelle on ne doive s'attacher que comme à une diversité de mots. Partout les lois, qui règlent différemment la manière d'acquérir, de posséder et de transmettre la propriété, sont fondées sur cette grande distinction.

C'est ainsi que le domaine des choses mobilières s'acquiert par la tradition (1141), et celui des immeubles par le seul titre translatif de propriété (1140, 1585); que la donation d'effets mobiliers est soumise à certaines formes (948), et que celle des immeubles en exige d'autres (939);

Que le vendeur lésé des sept douzièmes du juste prix peut obtenir la rescision de son contrat, si c'est un immeuble qu'il a vendu (4674); tandis que la loi, attachant moins d'importance aux propriétés mobilières n'accorde pas la même faveur à celui qui n'a aliéné que des meubles (1);

Que les propriétés foncières et leurs accessoires réputés immeubles sont seuls susceptibles d'être hypothéqués pour la garantie de nos conventions (2118); tandis que l'existence fugitive des meubles ne permet pas de les assujettir à la même suite par hypothèque (2119);

84. Qu'en matière d'expropriation, la saisie et la vente des objets simplement mobiliers sont soumises à des formes moins longues et plus simples (tit. VIII, liv. V, c. proc.) que celles qui doivent être employées à l'égard des fonds et de leurs accessoires réputés immeubles (tit. XII, liv. V, c. proc.).

Que la vente du mobilier des mineurs peut être faite par le tuteur seul en présence du subrogé tuteur, sans autres formalités que celle de l'apposition des affiches qui doivent précéder (452), tandis que pour la vente de leurs immeubles il faut le concours de l'autorité des tribunaux.

soumises à nos droits, des choses qui ne font pas partie de nos biens, on ne saurait en conclure qu'on ne peut légitimement appliquer la même division à ces dernières choses. Les objets corporels seront toujours, en vertu de leur propre nature et indépendamment de toute considération sous le rapport du droit ou de leur possession, mobiles ou immobiles, ou, par contraction de ces mots, meubles ou immeubles, suivant qu'ils peuvent ou non changer de place, suivant qu'ils peuvent ou non être transportés d'un lieu dans un autre. C'est dans cette acception générale que nous devions prendre les mots meubles ou immeubles, choses mobilières ou immobilières, suivant que les choses qui étaient ou qui seulement pouvaient devenir l'objet de nos droits étaient d'une nature mobile ou immobile. Le traité d'une propriété quelconque ne doit pas se borner aux choses qui font déjà l'objet de ce droit, mais il doit encore s'étendre aux choses qui peuvent le devenir. Nous ne nous sommes donc pas arrêté à l'explication des diverses espèces de meubles classifiés par le code et soumis à nos droits; nous avons encore expliqué quels sont ceux qui sont hors de notre droit de propriété. Aussi avons-nous traité spécialement des modes d'acquisition des choses meubles de leur nature n'appartenant à personne, mais pouvant devenir l'objet d'une propriété privée. (CHAVOT, p. 6.)

On voit par là combien il est essentiel d'avoir des idées justes sur cette première division des biens, puisque les lois disposent si différemment à l'égard de l'une et de l'autre classe des choses qui s'y rapportent.

85. La même distinction est souvent nécessaire pour apprécier l'étendue des droits qui résultent d'un contrat, et connaître les choses qui font l'objet d'une disposition.

Un homme, par exemple, peut léguer ses immeubles à une personne, et son mobilier à une autre : la connaissance exacte de cette double classe de biens sera nécessaire pour fixer l'étendue de l'un et l'autre legs.

La vente, l'échange, le legs, la donation d'une maison, d'un domaine, d'une usine, ne se bornent pas aux objets physiquement incorporés à ces immeu. bles; les choses qui y ont été placées à perpétuelle demeure, pour en être les accessoires, font aussi partie de l'objet principal vendu, échangé, ou donné : il faudra donc avoir de justes notions des règles sur lesquelles repose cette accession, pour connaître les droits du propriétaire qui succède à l'autre propriétaire.

86. Lorsque deux personnes se marient sans déroger par un traité nuptial à la règle du droit commun, il se forme tacitement entre elles une association d'intérêts en vertu de laquelle tous leurs meubles présents et futurs se trouvent confondus dans une masse commune (1401); mais les immeubles qui appartiennent aux époux lors de leur mariage, ou qui leur échoient par la suite, n'entrent point dans cette confusion de patrimoines (1404): ils restent propres à chacun d'eux.

Les bases de la liquidation de la communauté légale entre époux reposent donc aussi sur la distinction des meubles et immeubles (2).

87. Tous les biens sont donc ou meubles ou immeubles; mais, outre cette première division, qui est la plus générale et la plus importante, on doit distinguer encore les genres subalternes de biens cor

des propres, qui étaient des immeubles; et d'ailleurs, les lois sur les successions étant différentes, suivant les différentes coutumes, il fallait encore distinguer les meubles des immeubles, parce que la succession des premiers était toujours régie par la coutume du domicile du défunt, quelque part qu'ils se trouvasscnt, tandis que la succession des seconds était régie par la loi du lieu de la situation. Actuellement que la loi est unique, et n'a aucun égard à la nature ni à la situation des biens, ces motifs de distinction n'existent plus. »

Même observation par TOULLIER, t. III, no 10; par DUranton, no 10, à la note. Quant à cette distinction, Savoye-Rollin, orateur du tribunat, la caractérisait en disant : « Le code réduit la distinction des biens à celle des biens meubles ou immeubles. Toutes les espèces de choses, quelque nombreuses qu'elles soient, doivent se confondre dans l'une ou l'autre de ces dénominations.

α

Il est vrai qu'on ne les force à s'y ranger qu'en recourant à des règles qui ne sont proprement que des fictions; mais elles ont l'utilité de simplifier la nomenclature des biens, et de les classer de la manière la plus avantageuse aux intérêts du propriétaire. Cette dernière considération est surtout décisive, si l'on observe que dans beaucoup d'espèces il est impossible d'arriver à des démarcations fixes entre les meubles et les immeubles. » (LOCRÉ, t. IV, p. 38, no 2.)

(2) L'importance de la distinction entre meubles et immeubles a été signalée avec plus de détails par M. Konigswater (Revue des

(1) « La plupart de ces différences, dit DEMANTE, no 514, paraissent au surplus se rattacher à un principe commun: savoir, que la propriété des immeubles, plus stable, et sous ce rapport plus avantageuse que celle des meubles, doit être plus spéciale-Revues du Droit, t. IV, p. 95.) Dans le même Recueil, t. III, p. 145, ment protégée. »

Cette distinction, ajoute DELVINCOURT, t. II, p. 286, était néanmoins encore bien plus importante anciennement, parce que les coutumes reconnaissaient des héritiers des meubles, et des héritiers

on lira avec beaucoup d'intérêt un article de M. Rossi, qui, examinant le système du code civil dans ses rapports avec l'état écono mique de la société, appelle l'attention sur les modifications introduites dans la valeur mobilière.

porels et incorporels, de biens ou choses fongibles et [ 95. non fongibles, et même des biens considérés par rapport à la diversité de leurs maîtres; parce que, comme nous le verrons dans la suite, les uns sont, 96. en diverses circonstances, soumis à des règles différentes de celles qui s'appliquent aux autres.

96

Quid dans le concours d'une saisie-brandon et d'une saisie immobilière postérieure? (Art. 689, code de proc. civ.)

Application aux bois des principes ci-dessus. (Art. 521, code civil.)

20 Observation sur la rédaction de l'art. 521.

non mises en coupes réglées. Différence entre les futaies.

Ainsi nous avons à traiter successivement des im- 96 30 Pourquoi l'art. 521 ne s'occupe pàs des futaies meubles, des biens et effets mobiliers, des biens corporels et incorporels, des biens ou choses fongibles et non fongibles, et des biens considérés par rapport à ceux qui les possèdent, tels que les biens nationaux, ceux des princes, ceux des communes et des établissements publics.

97.
98.

Ensuite viendra une autre partie de ce traité, dans laquelle nous examinerons quelles sont les différentes 99. manières légitimes d'acquérir et transmettre à d'autres la propriété des choses.

CHAPITRE VI.

Des immeubles.

88. Qu'entend-on par immeubles ? (Art. 517 du code civil.) 89. Qu'entend-on par immeubles par leur nature? Quand les constructions sont-elles immeubles? De la perpétuelle demeure. Quand les moulins sont-ils immeubles? Ce principe s'applique-t-il aux moulins placés sur les rivières ? Quid des moulins non fixés sur piliers. Rappel de l'opinion erronée de Rousseau de Lacombe. Les fruits des récoltes et des arbres, non coupés, sont immeubles,

90. Conséquence, dans la vente ou le legs d'un fonds relativement aux fruits pendants par racines.

91. Dans le cas de la revendication d'un fonds.

100.

La vente d'une coupe de bois est vente mobilière. Différence entre les bois et les récoltes ordinaires. Les bois ne peuvent être saisis mobilièrement sur le propriétaire du fonds.

Quid si la saisie mobilière était pratiquée sur l'acquéreur de la coupe.

Le créancier hypothécaire sur une forêt peut-il empêcher la coupe?

100 20 Quid à l'égard des fleurs et arbustes, et aux

arbres des pépinières ?

101. Les produits des mines en exploitation réglée sont assimilés aux fruits.

immobilis, ce qui est immobile, ce qui ne peut chan88. L'expression immeuble dérive du mot latin ger ni être changé de place.

On entend donc en général par immeuble les choses qui ne peuvent être transportées d'un lieu en un autre, tels que les fonds de terre.

En droit, on donne aussi la qualité d'immeuble aux choses corporelles et mobilières qui sont destinées à étre les accessoires des fonds, et aux droits incorporels qui s'appliquent à des immeubles.

Il y a donc des biens qui sont immeubles par leur nature, d'autres qui sont immeubles par leur destination, et d'autres, enfin, qui sont aussi réputés tels

92. Quant à l'hypothèque assise sur le fonds. Les fruits par l'objet auquel ils s'appliquent (517).

sont seulement les accessoires naturels du fonds.
Conséquence quant à la vente de récoltes. Consé-
quence quant aux officiers ministériels chargés
de ces ventes. Quid des bâtiments destinés à être
démolis?

93. Conséquence de ce dernier principe, relativement à la
saisie-brandon.

94. La saisie-brandon n'est que l'exercice d'une action personnelle. Conséquence en cas de vente du fonds emplanté de fruits.

(1) « Mais, dit HENNEQUIN, t. 1, p. 5, les fonds de terre sont les seuls immeubles qui tiennent leur immutabilité de leur nature même. Les édifices ne deviennent et ne demeurent immeubles que par incorporation au sol; et encore faut-il que l'incorporation ait eu lieu à perpétuelle demeure. S'il résulte des circonstances, ou s'il est établi, par une stipulation contractuelle, que, dans la pensée, dans l'intention du constructeur, l'union ne doit être que temporaire, les matériaux employés dans la bâtisse restent chose mobilière.

« C'est ainsi que des baraques construites pour un jour, ou pour un temps de fête, ne sont point censées faire partie de l'emplacement où l'autorité municipale a permis de les installer; c'est encore ainsi qu'il a été jugé que des constructions faites par un fermier, avec la réserve, consentie par le propriétaire, de démolir à l'expiration du bail, ne produisent aucun des effets de l'immobilisation. Dans cette espèce, les constructions destinées à disparaitre n'avaient eu lieu qu'en planches et en gypse; mais ce n'est (a) Syndics Coste contre Feydel, 2 janvier 1827, Grenoble; -S., 27, 2, 78; - D. P., 27, 2, 78. Voir aussi Scriziat et Rambaud contre Charvet, Lyon, 14 janvier 1832;- 8., 33, 2, 190.-P., 2, 1833, 179,

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SECTION PREMIÈRE.

DES IMMEUBLES PAR LEUR NATURE.

89. Les immeubles par leur nature sont les fonds de terre, les bâtiments, les murs de clôture (318), et généralement toute construction adhérente au sol et placée à perpétuelle demeure (1).

pas dans cette circonstance, c'est dans l'autorité de la réserve que se trouve le véritable et seul motif de l'arrêt (a). Cette distinction entre le sol et les constructions, évidente par elle-même, et qui n'est point sans utilité dans la pratique, n'a point été consacrée par la loi, qui déclare également immeubles PAR LEUR NATUKE et le fonds et les bâtiments (518). Toutefois nous accepterons le langage du code civil; une expression peut toujours être employée quand on a constaté sa valeur. »

MAILHER DE CHASSAT, Dict. de ROLLAND DE VILLARGUES vo Meubles, § 2, no 36, dit ici. « Les bâtiments sont ainsi assimilés aux fonds de terre, soit en vertu du principe quod solo inædificatum est, solo cedit, soit par application des principes relatifs aux droits d'accession ou d'incorporation : la distinction à cet égard est sans objet. »

« Les bâtiments font en quelque sorte partie du fonds, ajoute DURANTON, no 18; c'est ce qui a fait établir la règle quod solo inædificatur, solo cedit, § 29, Inst., de rerum divisione; mais il est peu exact de dire que le bâtiment, ouvrage de l'art et non de la nature, est immeuble par accession. »

A perpétuelle demeure. La perpétuelle demeure est donc

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