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et trois Septembre, n'indiquent que trop un parti désespéré qui veut, à quelque prix que ce soit, vaincre ou périr.

Pour rapport

Les commissaires du bureau central

Houdeyer.<<

»4 nivose an 4. Un inspecteur déclare que Paris est toujours dans la même agitation, que les plaintes du public sont habituelles contre le gouvernement qui, dit-on, ne fait pas exécuter les lois contre les agioteurs et les marchands, dont la plupart refusent les assignats. Le même inspecteur nous annonce encore avoir entendu beaucoup de mauvais propos contre la légion de police, pour raison de quoi on se réjouissait de leur départ. Un second, en parlant de l'agitation des esprits, rapporte que l'on murmure trèsamèrement dans le public de l'inégalité de la répartition de pain. chez les boulangers. Dans quelques sections on en donne une livre par tête, et dans d'autres on est réduit toujours aux trois quarterons. Un troisième agent dit que le peuple voit avec la plus grande indignation, que le pain exposé et vendu en place publique à un prix énorme n'est autre chose que du pain de section. Un quatrième annonce avoir appris d'une personne qui mérite assez de confiance, que des Jacobins et Royalistes se rassemblent dans le fb. Antoine, à l'effet d'exciter, au premier moment, un soulèvement à la faveur duquel le peuple demandera un roi. Par un cinquième enfin il est dit que le bruit court, dans une petite partie du public, que nous touchions à l'instant d'un grand mouvement provoqué par les mécontents; il ajoute que des plaisants disaient hier, par gaîté de caractère, que,,si l'on voulait conserver la République, il était temps de la marier avec la Paix."

Cafés. La nouvelle de la victoire éclatante remportée par nos troupes sur les bords du Rhin contre les Autrichiens, circulait hier dans les cafés, s'accréditait beaucoup dans le public, et répandait la joie la plus vive dans le cœur des bons citoyens. Nous apprenons en même temps qu'elle a été contredite par les malveillants, qui cherchent à propager au contraire le bruit d'une défaite considérable de nos armées, et qui par dérision, lorsqu'on leur parle de la jonction de Jourdan et Pichegru, font la comparaison de Cartouche et Mandrin.

L'emprunt forcé faisait aussi le sujet des conversations. D'une part on applaudissait aux mesures vigoureuses prises par le gouvernement pour l'exécution de cette loi. De l'autre on disait qu'il eût

mieux valu hypothéquer les assignats sur les biens nationaux, et même sur les patrimoniaux; que de cette manière on aurait attaché les riches au succès de la révolution, au lieu que la voie de l'emprunt forcé les en éloignait de plus en plus.

Spectacles. Un inspecteur rapporte qu'au foyer du théâtre de la rue Feydeau il a remarqué huit jeunes gens qui prenaient des glaces, et leur a entendu dire: ,,Dépensons tous nos chiffons, aussi bien nous allons partir;" à quoi l'un dit: „,Oui, nous nous rendons à l'armée, mais savoir à laquelle;" et qu'un second ajouta:,,Avec nos amis de la Vendée, nous saurons là tout au moins, pour quelle cause nous combattons.<<

»4 nivose an 4.

Café Chrétien. On y a parlé de la nomination du ministre de Paris; 1 les uns ont assuré que ce serait Thuriot, les autres, un montagnard pris dans les 500; mais tous ont conclu que, si ce n'était pas un Patriote (à leur manière) on ferait encore une fausse démarche.

Plusieurs d'entr'eux se sont vantés d'avoir la confiance du Directoire, et de parvenir bientôt à faire remettre la terreur à l'ordre du jour. Le nommé Beaudrais, 2 surtout, a été cité comme y

ayant grand crédit.

Spectacles. Dans celui du Vaudeville [il s'est formé un] groupe au parquet, où l'on a jeté feu et flammes contre les terroristes, que l'on a dit être soutenus du Directoire, puisqu'il n'arrêtait pas leurs projets de sédition et de révolte qu'il ne pouvait ignorer. Dans celui des Italiens les fréquents éloges aux républicains [ont été] reçus très-froidement du public.

...

Jeunes gens.. ils paraissent s'obstiner à ne vouloir point partir.... La classe indigente murmure de ce que beaucoup de j. g. riches obtiennent des dispenses, conservent leurs places dans les différentes administrations, et cela par la protection des députés sollicités par des femmes.

Bruit au fbg. Marceau, que les Autrichiens étaient à Metz, et que les Chouans avançaient à grands pas. Les cit. peu éclairés qui composent la masse de ce fbg. croient tout perdu; ils se rappellent le temps de Robespierre, où la république était triomphante, et où l'on vivait à un prix modéré. ... Mais, si l'on donnait une plus forte

1 C'est-à-dire, d'un ministre de la police. V. le rapp. du 7.
2 Ancien administrateur de police à la municipalité de Paris.

ration de pain à ce peuple vraiment malheureux, les bénédictions succéderaient aux murmures.

Des cit. venant de Marseille, et autres villes du midi, se plaignent amèrement des horreurs commises dernièrement sur les patriotes de ces contrées, et en accusaient Cadroy et ChaudronRousseau

L'on est scandalisé en traversant les Tuileries le soir, du côté de l'eau, du libertinage et de la licence qui y règnent entre les soldats et les filles publiques.

Tous les soirs grand rassemblement d'agioteurs au café Va celet, rue Montmartre; les propos les plus séditieux, les intentions les plus contrerévolutionnaires.

Le ministre Charles Delacroix est devenu, dit-on, un royaliste outré; on va le destituer pour mettre à sa place un terroriste.

Le Louis, ce matin 4,200 liv, est ce soir à 5,400.

Le nommé Boquillon1 est un des 12 commissaires que le pouvoir exécutif a nommés pour surveiller Paris; il est chargé des sections du Roule, des Champs-Elysées, des Tuileries et des Gardesfrançaises. Beauvallon, ancien garde-du-corps, qui jadis a été arrêté par le Comité de sûr. gén. pour fait de royalisme et pour l'avoir prêché ouvertement dans les cafés, est son secrétaire.

Bruit que les jeues gens se rassemblent dans la vallée de Montmorency; personne n'y veut croire.<<

Extrait d'un rapport du même jour. »Cette nuit 2 les patrouilles très-fréquentes, des rondes de police multipliées; aucune église n'a été ouverte; quelques femmes se sont présentées dans divers endroits aux portes des églises, croyant qu'on y célébrerait la messe de minuit; la plupart se retiraient paisiblement, voyant les portes fermées; on n'a remarqué de rassemblement et de mécontentement qu'à la porte de l'église Ste. Marguerite, où les femmes se plaignaient qu'on empêchât l'exercice de leur culte.

Houdeyer.<<

Extrait d'un rapport du même jour. >> On crie beaucoup contre les fournisseurs; on leur reproche des dépenses scandaleuses,

1 V. ci-dessus le rapp. du 16 frimaire.

2 La veille de Noël.

notamment au juif Mayer qui, dit-on, donne souvent à manger à des députés et à des ministres. On dit qu'un repas donné par lui à dix personnes, il y a quelques jours, a coûté 300,000 liv..

Houdeyer.<<

» Paris le 5 nivose l'an 4 de la république française.

Esprit public. Pendant la journée d'hier, la tranquillité de Paris n'a été troublée par aucun évènement digne de remarque. Les rapports de la surveillance de ce jour nous donnent à connaître que l'esprit public s'attiédit.

Les causes que tout homme raisonnable peut assigner à cette oscillation populaire, sont toujours les mêmes que celles consignées depuis longtemps dans notre rapport journalier, telles que: Les promesses toujours illusoires d'un soulagement prochain, la durée d'une guerre sanglante et interminable, la prolongation d'une misère qui n'a point d'exemple, le renchérissement excessif de toutes choses, la presque nullité du papier-monnaie, la cupidité mercantile, et enfin le brigandage des affameurs du peuple connus sous le nom d'agioteurs, qui jouent d'une manière aussi scandaleuse qu'indécente, à la hausse et à la baisse, la fortune et la vie même de leurs semblables.

Tous ces fléaux accumulés fatiguent le peuple à l'excès, lui font perdre tout à la fois patience, courage et confiance, et provoquent 1 sespla intes, ainsi que ses murmures.

En ajoutant à des circonstances aussi difficiles les intentions perfides des malveillants de toute espèce, toujours habiles à profiter des occasions favorables à leur système désorganisateur, on aura la juste mesure du mal présent, et du remède efficace et prompt, nécessité par l'urgence des conjonctures.

Du pain, plus d'aisance: voilà les moyens qu'il faut mettre en œuvre pour consolider la république, contribuer au bonheur du peuple, ressusciter ses heureuses dispositions, et les seuls propres à anéantir sans retour tout projet liberticide.

Jobaymé trouve beaucoup de partisans; on dit que le conseil des 500 se conduit, on ne peut plus mal, envers le nouveau tiers qui ne tardera pas à être mis dans les fers. On s'attend toujours

à une secousse.

Un Nantois assurait, au café Italien, que c'était Santerre

1 Autre rapport: » sans relâche.<<

qui avait fait passer des armes aux rebelles de la Vendée, et que l'on ne concevait pas, dans ce pays, comment on avait pu remettre cet homme en liberté.

On espère les plus heureux effets de l'emprunt forcé; mais, après son recouvrement, on voudrait, que l'on rapportât le décret qui déclare l'argent marchandise, et qu'on ne laissât en circulation que les assignats de 25 jusqu'à 500 liv. Ce sont surtout les ferl'on voudrait voir fortement imposés.

miers que

Le bruit court, que le général Pichegru est dans ce moment à Paris incognito, et qu'il y est venu demander au directoire cinquante mille hommes et cent millions en numéraire.

L'on prétend que les agioteurs de Paris ont envoyé dans les principales villes de commerce, des hommes pour y faire monter le louis à 10000 liv..

Le louis s'est couché à 5600liv.. Les vols se multiplient d'une manière effrayante; la maison du ministre des Etats-unis, à la barrière de Clichy, vient d'être pillée.

Malgré les recherches des agents chargés de reconnaître les jeunes gens, il en échappe beaucoup à leur surveillance. Plusieurs d'entre eux se procurent des assignats des Chouans, à tout prix, pour se jeter chez eux, lorsqu'ils sortiront de Paris. Quelques-uns se trouvant à l'opéra, où il est survenu une dispute, et croyant que ce spectacle était cerné, ont employé tout leur courage à chercher les moyens de se cacher sous les banquettes et dans les loges. On dit que leur départ occasionne beaucoup de fermentation dans la séance, et que l'on y force de partir jusqu'à des hommes mariés de 35 à 40 ans.

Culte catholique. Hier (Fête de Noël) il y a eu grande affluence de monde dans les édifices déstinés au culte, dont les cérémonies se sont faites avec décence; il ne s'y est rien passé de contraire aux principes adoptés par le gouvernement.

Un inspecteur rapporte que beaucoup de jeunes gens cherchent à se soustraire à la réquisition et persistent à ne point partir.

Un autre déclare que l'opinion royaliste gagne dans les halles et marchés jusqu'aux femmes, qui ne ménagent pas les épithètes les plus sanglantes contre le gouvernement actuel, en affectant de le confondre avec celui de la Convention.

Un troisième expose qu'il lui arrive de rencontrer très-fréquemment une assez grande quantité d'hommes, dont les principes politiques lui ont toujours paru suspects; couverts d'une houppelande sur les épaules, à laquelle se trouve un petit liséré blanc. Il ajoute qu'il ne fait cette observation que parce que, jusqu'alors, il n'en a encore vu qu'à ces sortes d'individus.

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