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régné pendant toute la durée du spectacle, qui a fini à 10 h. et 1/2.

Aux Jeunes artistes trois couplets républicains ont été chantés; l'auteur a été demandé, et, sur la réponse faite qu'ils étaient parvenus sous enveloppe, on a applaudi; quelques voix ont crié bravo d'une manière ironique, et se sont permis de dire qu'ils venaient du grand magasin.

Au théâtre de la rue Martin, le refrain Tremblez tyrans a été applaudi à outrance par tous les individus.

Pour rapport

Les commissaires du bureau central.
Maisoncelle.<<

»29 pluviose an 4. Esprit public. Les détails affligeants que nous avons sans cesse à remettre sous les yeux du gouvernement, rendraient notre tâche de plus en plus pénible, si notre zèle pour le bien public ne soutenait notre courage, et ne nous prêtait chaque jour de nouvelles forces.

Paris reste toujours calme, mais les esprits éprouvent toujours une vive agitation. Ne pouvant répéter sur les subsistances et les agioteurs que ce que nous disions depuis longtemps, nous nous référons aux observations contenues dans nos feuilles précédentes, pour passer de suite à l'analyse des observations que présentent les rapports de la surveillance du jour.

Deux observateurs rapportent que les visites faites dans les maisons pour s'assurer, si les cordes à puits sont en bon état, donnent de vives inquiétudes aux citoyens, qui croient que cette mesure n'est commandée que pour se mettre en garde contre l'incendie dont on est menacé.

Plusieurs agents déclarent que l'espoir, où l'on est dans ce moment, d'une prolongation de distribution journalière de pain et de viande, tranquillise un peu les esprits. Voici d'ailleurs d'autres renseignements particuliers dont l'intérêt a fixé spécialement notre attention.

Un observateur rapporte que, malgré les efforts des bons citoyens, dont le but est de calmer les frayeurs du public, il se glisse dans les groupes, et même dans les maisons, une quantité de royalistes qui découragent les esprits crédules, et surtout les femmes.

Un second déclare que, dans la tabagie du spectacle de Nicolet, il a entendu dire hier à plusieurs particuliers, qu'ils avaient déjà une partie des ouvriers pour eux, et que bientôt ils espéraient

réunir la totalité. Il ajoute qu'il n'a pu connaître particulièrement leurs intentions, et quel était le véritable objet de cette réunion.

Un 3me dit que les royalistes comptent beaucoup sur une insurrection prochaine et il cite à cet égard une conversation dont il a été témoin hier au foyer du théâtre des Arts; on disait, entre autres choses, qu'il était certain que les habitants des faubourgs Marceau et Antoine devaient se soulever le lendemain de la décade, s'ils n'avaient pas de pain; qu'il était impossible au gouvernement de l'éviter, vu la cherté excessive de toutes choses; et qu'enfin le directoire et les deux conseils n'avaient aucun moyen de parer la banqueroute, dont nos ennemis extérieurs attendaient les plus heureux effets. L'agent observe que ces discours trouvaient beaucoup de partisans, malgré qu'on ne puisse pas en inférer, que la masse générale des citoyens partage cette opinion.

Le rapport suivant nous a paru trop intéressant, pour nous permettre d'y rien changer, même quant au style; le voici mot à mot:

,,Grand mécontentement du peuple contre le gouvernement sur la suppression des cartes du pain et de la viande, et bruit général d'une insurrection prochaine; plaintes de beaucoup d'ouvriers qui se trouvent taxés à l'emprunt forcé au delà de leurs facultés; ils disent pour leurs raisons, que c'est l'effet des royalistes qui occupent les premières places dans le département, qui trompent les intentions du directoire, et imposent ceux qui se trouvent dans l'impossibilité de payer, pour opérer un soulèvement, et de là, continue-t-il, l'inexécution de cette loi bienfaisante."

Du rapport d'un cinquième observateur résultent les faits suivants: On a dit qu'effectivement il est encore arrivé dans la nuit du 27 au 28 au moins 40 mille hommes; que beaucoup de gens sont fâchés du retour de Fréron et Reverchon; ils vont, dit-on, encore organiser une guerre civile à Paris, comme ils ont fait à Lyon et dans le midi. Il paraît enfin, que tous les partis sont mécontents.

Spectacles. Le bon ordre et la tranquillité ont régné généralement dans tous les spectacles de Paris; les applaudissements qui se font entendre, lorsqu'on chante les hymnes patriotiques, sont toujours les mêmes. Un observateur a remarqué que la confusion dont ils sont accompagnés est telle, qu'il est souvent difficile de distinguer les objets sur lesquels frappent les opinions.

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>30 pluviose an 4. Esprit public. Il paraît que la nouvelle de la prolongation des distributions journalières du pain, en ranimant l'espoir des malheureux, les attachera de plus en plus au gouvernement républicain, et contribuera à déjouer les projets de la malveillance.

On a remarqué que les marchands d'argent et autres brocanteurs commençaient à reparaître sous les galeries du palais Égalité. On voit toujours avec peine l'élévation du prix du numéraire.

L'on répand des bruits tellement exagérés, qu'ils nous paraissent hors de toute vraisemblance; nous croyons qu'ils ne peuvent être semés que par la folie et l'ineptie des ennemis du bien public. Ils impliquent d'ailleurs une telle contradiction, qu'il nous semble qu'on ne doit les regarder que comme l'ouvrage de l'artifice le plus ridicule. Nous les rapporterons néanmoins, pour satisfaire au devoir qui nous est imposé, de rendre compte de toutes les observations qui nous sont transmises.

,,La malveillance, dit un premier observateur, s'agite en tous sens, pour opérer un soulèvement; le bruit court, que le corps législatif a fait prêter serment à tous les administrateurs des nouvelles municipalités du canton de Paris, de le défendre en cas d'insurrection, parce que, dit-on, le directoire veut étendre la tyrannie sur les deux conseils."

Un second observateur expose que l'on débite dans le public, que le directoire, dans la crainte de n'être pas assez en sûreté au Luxembourg, est dans l'intention de se joindre avec les législateurs au Palais national.

Un troisième rapporte que le peuple est satisfait de la continuation des distributions; que les gens des faubourgs avaient déclaré, que l'on avait bien fait, à cet égard, pour les empêcher de s'assembler et de se porter sur les deux conseils, et surtout au directoire, ainsi qu'ils y étaient déterminés. Le même observateur ajoute, qu'il doit se porter un grand coup, qu'il n'est que retardé.

Un quatrième agent rapporte les faits suivants qui nous paraissent mériter une attention particulière. Il dit, d'après les différents propos qu'il a entendu tenir à plusieurs soldats de la légion de police, qu'il est entré dans ce corps beaucoup de jeunes gens de première réquisition, qui cherchent à égarer les anciens et corrompre leurs bons principes. Cet observateur s'appuie sur la conversation qu'il a eue avec plusieurs qu'il avait ci-devant connus à l'armée, dont les sentiments lui ont paru totalement changés, et les dispositions peu favorables, en ce que leurs services soient jugés nécessaires, pour s'opposer à une insurrection.

D'autres agents nous disent encore, que la cupidité des mar

chands est toujours vue de très-mauvais oeil par la classe indigente, et qu'on est en général très-mécontent des propriétaires et principaux locataires de maisons.

Spectacles. Le public y a joui de la plus grande tranquillité, à quelques nuances près, qui n'ont produit que de trèslégers incidents sans suite. Mais il faut excepter le théâtre de la rue Favart, où l'on a remarqué un grand tumulte occasionné par le chant l'hymne du serment, qui a été couvert de sifflets, de huées et de hurlements affreux; alors on a baissé la toile, le calme s'y est rétabli; l'instant d'après, un artiste s'est présenté et a demandé la permission de chanter une chanson patriotique par ordre du directoire; le public ayant accédé à cette demande, on a recommencé l'hymne du serment, qui a été entendu avec moins de défaveur que la première fois. L'observateur présent rapporte, que les uns ont applaudi, et les autres ri malicieusement.

Pour rapport

Les membres du bureau central.
Maisoncelle.<<

III. Tableau de ventose an 4.

(N. 300) »BUREAU CENTRAL DU CANTON DE PARIS.

Rapports généraux de la Surveillance pendant le mois ventose an 4 de la rép. fr. [20 févr. 20 mars 1796].«

Extraits.

»1 ventose an 4ème de la rép. fr., une et indivisible.

Les rapports de ce jour s'accordent à présenter le mécontentement de beaucoup de citoyens; mais presque tous s'accordent aussi que l'affiche annonçant que la distribution du pain serait encore continuée, a calmé beaucoup les esprits, et a fait espérer que la livre de pain allait être distribuée à chaque citoyen.

La taxe de la viande à 145 francs et la cessation de la distribution ordinaire excitent beaucoup de murmure, et surtout des craintes sur l'augmentation des autres denrées.

Agiotage. Il fait toujours des progrès rapides, et les habits même de hazard se vendent au taux de l'argent.

Le café de Chartres a été cerné hier.

Ordre public. Différents rapports sembleraient annoncer qu'il est prêt à être troublé par l'explosion d'un mécontentement que fomentent les combinaisons et les discours de la malveillance.

J'ai remarqué, dit Vannier, que chez beaucoup d'armuriers, notamment ceux du palais Égalité, ces Messieurs achetaient tous les pistolets qui se trouvaient dans leurs boutiques, à tel prix que ce soit, et sans marchander.

Finances. Le brisement de la planche aux assignats 1 a naturellement amené la conversation sur les assignats eux-mêmes; chacun s'accordait à désirer qu'ils reprennent leur crédit.

L'établissement d'une nouvelle banque est discuté dans les cafés; elle trouve des antagonistes et des partisans; ses détracteurs prétendent que les avantages tourneront au profit seulement des administrateurs.

Spectacles. Le passage de l'hymne des Marseillais,,L'étendard sanglant est levé; tremblez, tyrans!" donne [toujours encore] lieu à des applaudissements affectés.

Une ceinture et des rubans verts portés par une artiste du théâtre de Molière ont excité hier une diversité d'opinions parmi les spectateurs.. Le citoyen qui avait demandé la disparition de ces couleurs a été entendu par le commissaire de police et l'adjudant de garde; cette artiste ayant ôté ses rubans, l'affaire est restée sans suite.

Pour rapport

Les commissaires du bureau central.
Maisoncelle. Guermeur. 2«

» 2 ventose an 4. De violents murmures, des injures et des menaces contre le gouvernement: tel est, suivant presque tous les rapports, l'effet qu'a produit dans le public l'affiche qui annonce la taxe du pain à 40 liv. et de la viande à 145 francs la livre; presque tous les citoyens semblaient attendre de cette taxe plutôt de la diminution que de l'augmentation.

Deux rapports méritent d'être cités. Sur la brune, dit Dufres

1 Exécuté le 30 pluviose.

2 Royou-Guermeur, au commencement de la république Commissaire du Conseil exécutif et de la Commune de Paris dans le Finistère. Sa signature, comme membre du bureau central, se trouve déjà dans le Moniteur du 29 pluviose.

A. SCHMIDT, Tableaux. III.

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