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XXe siècle (1901-1921): 3 m. 72 (juin 1917) avec cinq crues d'un niveau supérieur à 2 m. 50.

Le niveau des grandes crues du Mississipi a subi une progression beaucoup plus rapide, le renforcement des digues n'ayant été entrepris que depuis une trentaine d'années et mené avec grande activité que depuis le début du siècle. En outre, des surfaces importantes de terrains ont été soustraites à l'inondation par l'établissement de digues nouvelles (1).

C'est ainsi que les plus grandes hauteurs ont été enregistrées : En amont de Cairo (confluent de l'Ohio) en 1903, puis en 1913 et 1916;

Entre Cairo et Helena (confluent du Saint-Francis) en 1884, puis en 1912 et 1913;

Entre Helena et la mer en 1912, puis en 1913, en 1916 et enfin en 1922.

A Cairo, le maximum des crues a été relevé de o m. 91, de 1882 à 1913, et on a estimé à 2 m. 40 le relèvement du niveau des crues entre Cairo et Memphis, dû à la progression de l'endiguement de 1882 à 1912.

La crue d'avril 1922 a dépassé celle de 1916 de o m. 12 à o m. 60 entre le White River et la mer, soit sur plus de 1.000 km. Cette augmentation semble due à l'endiguement effectué en 1920 et 1921 entre Arkansas City et la rive droite de l'Arkansas.

Malgré ces surélévations considérables du maximum des crues, les ruptures de digues dans les parties renforcées et bien surveillées se font de plus en plus rares. En Italie les ruptures sur le Pô étaient très fréquentes avant le renforcement entrepris dès la constitution de l'État italien; dans la première moitié du XIXe siècle on compte une dizaine de crues ayant déterminé des inondations importantes; dans la seconde moitié de ce siècle, de 1857 à 1879, quatre crues ont rompu les digues, causant de très graves dégâts. Depuis 1879, soit depuis plus de quarante ans, la vallée du Pô n'a plus souffert d'inondations importantes

(1) La superficie inondable en 1912 était de 45.000 km2, soit 59 % de la superficie sujette à inondation avant 1897.

par ruptures de digues, bien qu'il y ait eu des crues-records en 1907 puis en 1917.

Sur le Mississipi, les ruptures se chiffraient, avant 1880, par dizaines pour des crues qui aujourd'hui passent inaperçues; en 1916 il n'y a eu en amont de la Nouvelle-Orléans qu'une rupture; de même en avril 1922. Voici du reste le tableau des ruptures et des surfaces inondées dans différentes années :

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Les résultats donnés par l'endiguement insubmersible ont paru assez concluants pour que le Congrès ait accordé en février 1923 un crédit annuel de 10 millions de dollars pendant six ans, pour la continuation du renforcement. En vertu de l'acte de 1917 sur la protection contre les crues du Mississipi, les intérêts locaux doivent en outre participer aux dépenses pour un chiffre égal à 50 o% du crédit accordé par le budget fédéral.

L'INFLUENCE DE L'ENDIGUEMENT LONGITUDINAL SUR LE LIT

L'efficacité du système de l'endiguement longitudinal insubmersible ne saurait donc être mise en doute, et en fait il a prévalu partout où les ingénieurs se sont trouvés en présence d'un ancien réseau de digue.

Ce n'est pas sans d'ardentes controverses, au Tonkin comme ailleurs.

Parmi les objections faites à ce système, il en est une que l'on retrouve dans tous les pays et qui a trouvé partout et même en France un singulier crédit : l'endiguement insubmersible aurait pour conséquence l'exhaussement du fond du lit et aboutirait

même à faire couler le fleuve qu'il enserre dans un lit surélevé au-dessus du niveau des campagnes environnantes.

Cette idée semble avoir été lancée en France par de Prony, après un voyage en Italie où il avait vu le Pô en crue, coulant au-dessus du niveau des toits de certaines maisons de Pontelagoscuro. Le père Huc n'a pas peu contribué à propager l'idée que le Fleuve Jaune, en Chine, avait tellement exhaussé son lit, en raison de l'endiguement de ses rives, que le fond du fleuve était au-dessus de la région voisine, et il attribuait à ce fait le grand désastre de 1853. Aux Etats-Unis, en Allemagne, mêm croyance très répandue en ce qui concerne le lit du Mississipi ou du Rhin.

Si cette opinion est aussi générale, c'est qu'elle constitue une interprétation, fausse à la vérité, du fait incontestable, rappelé ci-dessus, que le niveau apparent des plus grandes crues des cours d'eau endigués s'élève par suite de la concentration de tout le débit entre les digues renforcées.

Il est néanmoins intéressant de rechercher si l'endiguement n'a pas une influence quelconque sur le lit et je crois bon de signaler ici les études, assez peu connues, poursuivies à l'étranger sur ce sujet.

En Allemagne, Hague a étudié avec soin, et en s'aidant du calcul des probabilités, les observations faites à Cologne de 1846 à 1879 et à Dusseldorf de 1800 à 1879, afin de déterminer les modifications qui auraient pu se produire dans le niveau des hautes et des basses eaux du Rhin (fleuve endigué depuis longtemps). Il a trouvé que, à Dusseldorf :

1o Il y avait un abaissement annuel très probable du niveau des hautes eaux d'environ 7 mm. ;

2o Le niveau moyen ne changeait pas ;

3o Le niveau moyen des basses eaux s'élevait probablement de

2 mm.

Pour Cologne, il a trouvé que, avec une grande probabilité, le niveau des hautes eaux s'était abaissé et celui des basses eaux élevé d'à peu près les mêmes quantités qu'à Dusseldorf.

L'élévation du lit (à supposer que le débit d'étiage ne varie pas) serait donc de l'ordre de 20 cm. par siècle.

Sur le Mississipi, l'endiguement n'a guère été poussé qu'à partir de 1880, et d'autre part les observations de hauteurs d'eau ne s'étendent pas sur une période de temps suffisante pour qu'on puisse en tirer une conclusion sur le sujet qui nous intéresse. Toutefois, ces observations n'indiquent nullement, jusqu'à ce jour, que le lit ait tendance à s'exhausser; elles sembleraient plutôt indiquer le contraire.

Mais les ingénieurs américains ont un autre moyen de recherches; la Commission du Mississipi a fait en 1881-1883 un levé très détaillé du fleuve entre Cairo et la tête du delta, sur 1.700 km. de long, en levant environ un profil en travers tous les 400 mètres et 75 points sur chaque profil. Puis de nouveaux levés ont été faits de 1894 à 1896 sur la section du fleuve où le système d'endiguement avait pris le plus grand développement, entre l'embouchure de la White River et Donaldsonville, sur 800 km. environ; de nouveaux levés sont en cours entre Cairo et l'Arkansas et il est décidé que dans l'avenir on recommencera ces levés à des intervalles de temps convenables pour suivre les modifications éventuelles du lit du fleuve.

L'ingénieur qui a comparé les levés de 1881, de 1894 et les levés actuels (Maj. S. A. Ockerson) a fait au Congrès de Dayton de l'American Society of Civil Engineers (1922) la déclaration suivante: «Des recherches étendues ont établi qu'il n'y a pas élévation du lit de la rivière par suite de la construction de digues. Au contraire, les dernières comparaisons montrent qu'il y a une tendance bien marquée vers un profil en travers de plus grande valeur comportant un abaissement du lit. »

Je citerai enfin cette opinion du colonel Townsend, ancien président de la Commission du Mississipi, au sujet du prétendu exhaussement du lit par les digues (1) :

« Cette opinion est maintenant considérée comme erronée pour les principales rivières de tous les pays civilisés qu'on a pu étudier, mais on soutient encore qu'elle est fondée en ce qui con

(1) « Floods and levees of the Mississipi River », page 108. Washington, Government printing Office, 1914.

cerne les fleuves de Chine et du Japon. J'ai visité récemment le Japon et j'ai eu l'occasion d'étudier la question. Sur les grands fleuves, comme l'Osaka, il n'y a aucun indice d'une telle action des digues....

<< Mon opinion sur cette action est que les digues tendent à faire disparaître les irrégularités et à rendre la pente plus uniforme. Il est possible aussi qu'elles tendent à élargir le lit mineur, mais si lentement que seuls les habitants de la vallée au xxve s. pourront s'en apercevoir » (Memphis, 26 septembre 1912).

En Italie, la question a pu être étudiée de plus près, grâce au grand nombre d'observations de hauteurs d'eau, s'étendant sur une période de plus d'un siècle, dont on dispose pour le Pô.

Les premières études sérieuses de cette question ont été faites par Lombardini. Dans deux traités publiés en 1840 et 1843, Lombardini établit qu'on ne peut conclure, de façon certaine, soit à un exhaussement du lit, soit à un exhaussement du niveau de l'étiage. Reprenant la question en 1832, il conclut qu'à Ostiglio (à 183 km. de l'embouchure) le lit semble s'être élevé de quelques décimètres en un siècle, tandis qu'à Governolo, à 15 km. à l'amont, il semble être resté stationnaire depuis quatre siècles. A Pontelagoscuro (92 km. de l'embouchure) les observations de 1807 à 1851 ne révèlent aucune modification du lit ou du niveau de l'étiage. Lombardini étudia à nouveau cette question en 1869, dans son mémoire sur l'«Estuaire adriatique », en considérant les six périodes décennales, 1807-1866, d'observations de hauteurs d'eau à Ostiglia, Sermide, Quatrelle et Pontelagoscuro. Il trouva que le niveau moyen de l'étiage s'était élevé dans les trente dernières années de o m. 16 environ par rapport au niveau moyen des trente premières. Il considérait d'ailleurs ce relèvement comme la résultante des deux actions contraires : un relèvement du fond du lit et une diminution du débit d'étiage tenant au déboisement.

D'après l'ingénieur Fantoli, qui a étudié de près les observations faites à Pontelagoscuro de 1807 à 1907, les conclusions cidessus de Lombardini sont viciées par des erreurs notables de copie des observations utilisées. Reprenant l'examen de ces mêmes observations en 1872, et prenant des moyennes sur des périodes de

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