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Cette solution reviendrait à aménager les digues actuelles de façon à être submergées par les crues supérieures à (10,36) à Hanoï; elle ne différerait que par la cote de la crue maximum à obtenir, de la solution des déversoirs indiqués précédemment.

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Elargissement du lit majeur. — On a souvent proposé - et l'on trouve des indications très nettes à ce sujet dans certains rapports parlementaires comme un moyen efficace d'obtenir l'abaissement du niveau des crues, l'élargissement du lit majeur par déplacement latéral des digues.

La largeur du lit majeur, égale à l'écartement entre les digues du Fleuve Rouge, est très variable; entre Viétri et Hanoï elle est en moyenne de 3 km. 500 avec des maxima de 5 km. et des minima de 1.100 mètres; entre Hanoï et Hung-Yen la largeur moyenne est de 1 km. 900 avec des maxima de 5 km. et des minima de 500 mètres.

Les profils en long relevés lors des grandes crues de 1913 et 1915 ne montrent pas de relation très nette entre les resserrements du lit majeur et les changements de pente de la crue. En fait, l'influence du lit majeur doit se faire sentir de deux manières distinctes:

a) Par l'emmagasinement d'une partie des eaux de crues; b) Par l'écoulement supplémentaire sur les berges du lit majeur. La première section est très faible. M. Bonneau, ancien inspecteur général des Travaux publics, a montré que si l'on augmentait de 1 km. l'écartement moyen des digues entre Hanoï et Hung-Yen, le résultat serait un abaissement de quelques centimètres du maximum des grandes crues. Cela s'explique aisément si l'on songe que le lit majeur ne peut agir sur une crue que comme un réservoir déjà presque plein, à capacité d'absorption très limitée, et non pas comme réservoir maintenu vide et rempli seulement au moment opportun à l'aide de déversoirs du genre de ceux dont j'ai parlé précédemment.

Quant à l'écoulement supplémentaire que procure le lit majeur, il est très variable suivant la cote de ce lit et la nature des obstacles (plantations, villages, etc.) qui s'y rencontrent parfois très nombreux, mais il n'est jamais qu'une très faible fraction du

débit du lit mineur. Il paraît assez difficile de se rendre compte a priori de l'influence d'un écartement systématique des digues, mais il semble bien, en toute occurrence, que cette influence risquerait d'être contrebalancée par un exhaussement plus marqué des terrains du lit majeur élargi.

D'autre part, en éloignant les digues du fleuve on est conduit à les établir sur des terrains plus bas, et à leur donner une plus grande hauteur et par suite une plus grande fragilité. Comme, enfin, la dépense serait considérable (de l'ordre de 150.000 francsor par km. de digues) et que des superficies notables de terres cultivables seraient ainsi soumises aux inondations chaque année, cette solution, qui présente des inconvénients certains pour des résultats très aléatoires, n'a pas été retenue. Renforcement et exhaussement des digues. J'en arrive maintenant à la dernière solution possible, à celle qui, en définitive, a été adoptée avec des modalités variées, en Italie pour le Pô, en Hongrie pour la Theiss, aux États-Unis pour le Mississipi, en France pour la Loire, et qui a fini par s'imposer, comme ailleurs, au Tonkin, pour le Fleuve Rouge: le renforcement systématique des digues.

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J'ai donné plus haut quelques indications sur l'état des digues du Delta au début de ce siècle. Pour montrer combien le profil moyen en était faible, je donne (fig. no 4) la comparaison de ce profil avec les profils-types adoptés dans d'autres pays.

Le réseau de digues avait fait l'objet de renforcements localisés depuis le début du siècle, mais ce n'est qu'en 1917, après de longues discussions du problème des inondations, qu'on décida le renforcement systématique de toutes les digues du bassin du Fleuve Rouge suivant un profil-type dont les principales caractéristiques sont les suivantes :

Largeur minimum de la plateforme: 6 mètres ( 5 mètres pour les digues de faible hauteur dans le bas Delta).

Cote de la plateforme o m. 50 au-dessus de la crue de 1918, ce qui correspond à une crue de cote (11,80) environ à Hanoï.

Talus côté fleuve : 2 de base pour 1 de hauteur; côté opposé au fleuve 3 de base pour I de hauteur.

Lorsque la hauteur de la digue audessus du terrain naturel dépasse 5 mètres, on établit au pied des talus des banquettes de renforcement de 5 mètres de largeur aussi bien du côté fleuve que du côté opposé (en général le terrain naturel est plus élevé de plusieurs mètres du côté fleuve). Certaines parties de digues établies en mauvais terrain présentent un profil encore plus renforcé.

La cote de la plateforme du profiltype est peut-être un peu faible; mais l'expérience montre qu'il est facile de se défendre contre les crues dépassant cette cote par l'établissement, sur la crête de la digue, côté fleuve, d'une diguette en terre qui dans certains cas atteint jusqu'à 1 m. 50 de hauteur. En effet, lors de l'exécution du renforcement, les diguettes préexistantes ont été conservées lorsque leur cote était supérieure à celle de la nouvelle plateforme et, dans l'ensemble, on peut dire que le système de digues actuel pourrait résister sans submersion à une crue de cote (12,00) à Hanoï.

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Fig. 4. Profil comparatif des digues de la Theiss, du Pô, du Mississipi et du Fleuve Rouge.

Le profil-type est comparable à ceux adoptés à l'étranger, surtout si l'on tient compte de la qualité des terres qui est certainement meilleure au Tonkin que sur le Mississipi ou sur le Pô où elle contient une trop grande proportion de sable; par contre, les procédés d'exécution sont peut-être plus défectueux ici qu'ailleurs, mais l'infériorité

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Plus hautes eaux

en résultant pour les digues du Tonkin disparaît avec l'âge, par suite du tassement naturel des terres qui s'opère très vite sous l'action des pluies et des crues annuelles.

Le travail de renforcement entrepris en 1917 est actuellement en voie d'achèvement. La dépense qui a été en moyenne de l'ordre de 5.000 francs-or par km., atteindra au total 3.500.000 francs-or.

Les digues renforcées ont subi en 1923 l'épreuve d'une très grande crue, qui a atteint à Hanoï la cote (11,36) et n'a déterminé aucune rupture c'est le premier exemple d'une crue aussi importante sans accident grave (1).

Néanmoins l'expérience de cette crue a démontré que, pour obtenir une sécurité plus complète, il serait nécessaire d'adopter un profil encore plus renforcé, au moins en certains points où la qualité des terres de remblai et du sous-sol laisse à désirer, et de prendre pour la plateforme de la digue une cote plus élevée au-dessus des plus hautes eaux; on étudie donc actuellement un nouveau profil-type se rapprochant de celui indiqué sur la fig. no 4 et dont l'exécution serait entreprise progressivement à partir de 1924, en commençant par les parties de digues ayant donné des signes de faiblesse lors de la crue de 1923.

Le renforcement a été complété par l'empierrement sommaire de la plateforme des principales digues, empierrement qui permet la circulation des automobiles en tous temps, ce qui facilite beaucoup la surveillance à l'époque des crues.

Cette surveillance est un élément essentiel de la résistance des digues. En effet, il est extrêmement rare qu'une digue se rompe sans «<prévenir ». Qu'elle soit menacée par les corrosions de berge, par la submersion, par l'imbibition ou par les infiltrations dans

(1) A vrai dire, il s'est produit une rupture sur la digue rive droite du Canal des Rapides, mais longtemps après le passage de la crue et alors que le fleuve étaitredescendu de près de deux mètres et que la surveillance des digues s'était considérablement relâchée. Cette rupture a été due à une infiltration dans le sous-sol en un point qui n'avait donné aucun signe de faiblesse au moment de la crue. Il est probable que cet accident tout à fait inattendu aurait été évité facilement si le service de surveillance avait été maintenu.

le sous-sol adjacent, l'affaiblissement de la digue est presque toujours progressif et peut être combattu efficacement si l'on dispose sur place d'une main-d'œuvre suffisante. On peut affirmer, sans crainte d'être démenti par les faits, qu'une digue à profil faible mais très surveillée et bien défendue offre plus de garanties. qu'une digue à profil très renforcé mais abandonnée à elle-même. En France sur la Loire, en Italie sur le Pô, aux États-Unis sur le Mississipi, partout où il y a des fleuves endigués, il existe un véritable plan de mobilisation qui joue à partir d'une certaine cote des eaux et met à la disposition des ingénieurs, chargés de la direction de la défense et de la surveillance des digues, des moyens très puissants en personnel et matériel. Au Tonkin il n'existe pas encore de semblable organisation générale ; la population indigène est encore suffisamment nombreuse et dans la main des autorités françaises et annamites pour qu'on puisse disposer en temps voulu de la main-d'oeuvre nécessaire; mais le besoin ne tardera pas sans doute à se faire sentir d'un plan d'ensemble inspiré de ce qui se fait à l'étranger et adapté aux conditions locales.

Les digues à l'étranger. L'expérience a donc démontré au Tonkin que l'on peut contenir les grandes crues à l'aide des digues convenablement renforcées. Les exemples du Pô et du Mississipi confirment cette opinion d'une manière d'autant plus frappante que les digues ont, sur ces fleuves, résisté à des crues de plus en plus grandes.

Personne n'ignore, en effet, que le renforcement des digues a pour premier résultat un relèvement du niveau apparent des plus grandes crues, par suite de la suppression des ruptures et du maintien de tout le débit entre les digues par exemple sur le Pô, à Pontelagoscuro, le niveau maximum a subi la progression suivante :

Première moitié du XVIIIe siècle : 1 m. 65 (mai 1733) ;

Deuxième moitié du XVIIIe siècle : 2 m. 19 (juin 1799) ;

Première moitié du XIXe siècle 2 m. 96 (nov. 1839) avec

neuf crues d'un niveau supérieur à 2 m. 50;

Deuxième moitié du XIXe siècle : 3 m. 32 (oct. 1872) avec huit crues d'un niveau supérieur à 2 m. 50;

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