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complètement, déterminant une rupture de digue avec tous ses inconvénients.

2o A supposer qu'ils ne fussent pas emportés, il était impossible d'en arrêter le fonctionnement avant que le niveau du fleuve fût descendu au-dessous du radier, ce qui prolongeait inutilement l'introduction de l'eau.

Aussi, en 1917, on a songé à remplacer les déversoirs par un système plus perfectionné constitué par des batteries de siphons en béton armé et, à titre d'essai, on a exécuté une de ces batteries près du barrage de l'origine du Song-Calo.

Cet ouvrage était constitué par deux siphons amorceurs de om. 90 de diamètre intérieur et huit siphons aqueducs de 1 m. 50 de diamètre, le tout en béton armé reposant sur une fondation en béton ordinaire. Les siphons amorceurs entraient en fonctionnement pour un niveau de crue déterminé et, mis en communication avec les grands siphons au moyen de tubes d'aspiration spéciaux, y déterminaient un vide qui provoquait leur amorçage. C'était. en somme, un système analogue aux siphons établis en France au Tréport et à Trouville.

Cet ouvrage a été expérimenté au moment de la crue de 1917; les amorceurs ont fonctionné automatiquement et l'on a provoqué aussitôt l'amorçage de chacun des aqueducs voisins des amorceurs, lequel a été réalisé en cinq minutes environ; l'amorçage successif des six autres aqueducs s'est effectué avec une rapidité croissante, de telle sorte que toute la batterie est entrée en fonctionnement en moins de 10 minutes. Sous une charge de 2 m. 40 environ, le débit de la batterie a été trouvé de 110 m3 environ. L'ensemble de l'ouvrage s'est très bien comporté ; seules quelques dégradations dans le canal de fuite et sur le talus de la digue recouvrant la partie descendante des siphons ont montré qu'il était nécessaire d'étendre sur 30 mètres environ de longueur le perreyage du plafond et des talus du canal de fuite, et de perreyer sur un mètre de plus le talus de la digue.

Si l'amorçage et le fonctionnement n'ont donné lieu à aucun incident, par contre le désamorçage a été plus laborieux ; le diamètre des tubes a été insuffisant pour le provoquer, et il a fallu

mettre l'intérieur de chaque siphon en communication directe avec l'atmosphère au moyen d'un trou percé dans la maçonnerie au sommet du siphon ; il a été reconnu que le diamètre du trou à ouvrir devait, pour être efficace, atteindre un minimum de 7 centimètres. Un pareil trou déterminerait le désamorçage total en 3 minutes après une série de 4 ou 5 désamorçages et réamorçages partiels.

En somme, l'expérience était concluante; on disposait d'un outil perfectionné et dont on était entièrement maître. Mais la dépense était assez élevée : 100.000 francs-or, soit 1.000 francs-or environ par m3 de débit et le système ne fut pas développé (1).

En 1918, fut décidée la construction, toujours à titre d'essai, d'un autre système de prélèvement: le déversoir avec barrage en poutrelles manoeuvrables d'une passerelle supérieure en béton armé. L'ouvrage exécuté comprend une ouverture de 2 m. 50 et repose sur un radier en béton armé dont la partie aval est fortement défendue à son extrémité inférieure contre les affouillements par des blocs artificiels et des enrochements. L'ouvrage est prévu pour le passage d'une lame déversante de I m. 80 de hauteur donnant un débit total de 250 m3 par seconde. Il a fonctionné sous une lame déversante d'un mètre environ pendant les crues de 1919, sans inconvénients autres que quelques érosions du plafond du canal de fuite par suite de la vitesse du courant. La dépense a été de 150.000 francs-or environ, soit 600 francsor par m3 de débit.

Depuis 1919, la question des déversoirs n'a pas fait un pas et il semble que l'Administration supérieure ait renoncé à l'emploi de ce procédé comme moyen d'atténuation des crues. Il faut reconnaître qu'il se pose là un problème politique douloureux, et qu'il est peu probable que l'on puisse maintenant faire accepter aux populations de la province de Vinh-Yen le fonctionnement de

(1) La batterie de siphons du Song Calo a été détruite pendant la cru de 1918 à la suite d'une rupture de digues qui s'est produite à proximité à un moment où la batterie n'avait pas encore fonctionné. Cet accident, dû à une cause fortuite, n'est imputable en rien à la conception ou à l'exécution des siphons.

dispositifs, si perfectionnés soient-ils, ayant pour but de déterminer l'inondation de leurs rizières.

Amélioration des défluents existants. On a songé à décharger le fleuve Rouge en augmentant le débit de ses principaux défluents d'amont, notamment le Day sur la rive droite et le canal des Rapides sur la rive gauche. Cette solution, ne présentant pas l'inconvénient - comme les déversoirs d'inonder certains terrains du Delta, a beaucoup séduit les autorités administratives qui y voyaient un moyen facile de réduire le danger des crues du fleuve.

1 Day. - Une étude faite en 1916 par un ingénieur auxiliaire des Travaux publics avait laissé espérer qu'on pourrait faire passer un débit supplémentaire de 3.700 m3 dans ce défluent, en supprimant divers étranglements du lit majeur et en abaissant les digues d'accès insubmersibles au pont-route situé à 9 km. environ de l'origine du Day. Le débit du Day serait passé ainsi de 5.000 m3 (évaluation de 1916) à 7.800 m3.

En examinant de près cette question, j'ai été conduit à constater que l'étude de 1916 était basée sur des chiffres absolument erronés, tant en ce qui concernait le débit du Day que l'influence des accès insubmersibles au pont-route indiqué plus haut. En outre, l'étude en question ne tenait aucun compte du fait essentiel que le lit du Day est constitué de matériaux essentiellement affouillables, de sorte que les déductions tirées de l'application de formules de remous en lit non affouillable n'avaient aucune valeur.

En fait, le débit maximum du Day est actuellement de 3.000 m3 et il paraît difficile d'augmenter de façon sensible ce débit à l'origine; les modifications au lit mineur ou majeur qu'on pourrait envisager auraient une influence très localisée et détermineraient un remous d'abaissement qui cesserait de se faire sentir à quelques kilomètres en avant.

D'ailleurs la distance à la mer depuis l'origine du Day est de moins de 200 km. par le fleuve Rouge et de 240 km. par le Day. Il paraît difficile dès lors d'espérer que les eaux du fleuve puissent passer en plus grande quantité par le Day.

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2o Canal des Rapides. La question ne se présente pas de la même façon pour ce défluent. La distance à la mer depuis l'origine du canal des Rapides est inférieur de 20 km., par ce canal et le Thai-Binh, à la longueur du Fleuve Rouge. D'autre part, le lit mineur du canal des Rapides a une section nettement rétrécie à l'origine, sur une longueur de 7 km. et demi, et ce rétrécissement détermine une augmentation sensible de la pente superficielle au moment des grandes crues (20 cm. par km. à l'origine du canal, 10 cm. par km. à l'aval). Il paraît donc a priori possible d'y envoyer une plus grande quantité d'eau et de dégager d'autant le Fleuve Rouge; mais lorsqu'on examine d'un peu près la question, on est conduit à abandonner cette solution.

En effet, tout travail ayant pour but de dériver vers le ThaiBinh, une plus grande partie des eaux du fleuve Rouge présente les inconvénients ci-après :

1o L'envoi dans le Thai-Binh d'une plus grande quantité d'eaux limoneuses aura pour effet certain d'aggraver les conditions d'entretien du chénal d'accès au port de Haïphong, notamment dans le Cua-Cam.

2o L'aggravation du régime du Song Thai-Binh, bien que relativement peu importante, comme je le montrerai plus loin, sera certainement exploitée par certaines personnes ayant des intérêts dans le bassin du Thai-Binh et donnera lieu à des demandes d'indemnités ou à des actions contentieuses.

A ces objections, applicables à toute augmentation de débit vers le bassin du Thai-Binh, s'en ajoutent deux, beaucoup plus graves à mon sens, lorsqu'il s'agit d'obtenir cette augmentation par l'intermédiaire du canal des Rapides :

1o La répartition du débit entre les diverses branches d'un fleuve à delta est essentiellement instable. Modifier le débit d'une des branches sans rester maître de la modification comme on le serait dans le cas d'un défluent nouveau commandé par des ouvrages de prise à l'origine - c'est s'exposer à voir la modification s'amplifier, le fleuve abandonner son lit principal pour la branche secondaire, et à reproduire le désastre qu'a

déterminé en 1853 le Hoang-Ho, quand il a déplacé son embouchure du Sud au Nord du Chantoung, sur une distance de plusieurs centaines de kilomètres.

2o Il n'est pas absolument certain, lorsqu'on opère sur des cours d'eau à fond mobile, que l'augmentation permanente du débit d'un défluent ait sur la branche principale du fleuve tout l'effet bienfaisant qu'on en espère. Il est très possible que la diminution permanente du débit du fleuve Rouge à l'aval du canal ait pour résultat de déterminer une diminution du creusement du lit au moment des crues, et, par suite, une réduction de la surface mouillée et du rayon moyen et une augmentation de pente qui compenserait en partie ou en totalité l'abaissement de niveau obtenu par la dérivation supplémentaire dans le défluent.

Mon opinion sur les risques que je signale ci-dessus pourra paraître pessimiste. Je crois donc bon de signaler que, sur ce point encore, je me suis trouvé du même avis que le colonel Townsend, ancien président de la Commission du Mississipi, de qui j'ai déjà parlé plus haut.

Voici ce qu'il écrivait en mai 1913, au sujet des défluents:

<< Leur influence sur la hauteur des crues ne s'étend à l'amont que sur une distance relativement faible; à l'aval le fleuve a tendance à diminuer sa section mouillée; les défluents doivent être protégés par des digues de mêmes dimensions que le fleuve lui-même; et il y a danger, si le défluent est fait suffisamment large pour être d'une valeur pratique, que le fleuve abandonne son lit actuel et adopte celui du défluent. »

Pour le cas, néanmoins, où les inconvénients ci-dessus indiqués ne seraient pas jugés suffisamment graves pour faire écarter ja solution envisagée, il convient d'examiner comment se présente cette solution.

Le profil en long des crues observées dans le Canal des Rapides est donné sur le graphique ci-joint (fig. no 3 page 4) d'après lequel la pente moyenne des crues aux environs du régime de la cote (11.50), à Hanoï, est de l'ordre de 20 cm. par km. (d'après la crue de 1917 la pente serait de 22 cm., au régime de la cote (11,65); mais la cote du canal au pont, en 1917, est douteuse et probablement inexacte par défaut de o m. 15 environ).

Ann. des P. et Ch., MÉMOIRES, 1925-1.

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