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gilance de ses persécuteurs. Ainsi, les chrétiens sont accablés de maux, languissent dans les prisons, meurent dans les supplices, mais de célestes aliments leur sont apportés. Heureux qui les savoure et s'en nourrit !

La cinquième hymne est destinée à sanctifier l'heure où la chute du jour oblige à allumer les flambeaux, hymnus ad incensum lucernæ. Le poëte remercie Dieu, créateur de la lumière, qui ne s'est pas contenté de donner aux hommes la clarté du soleil et de la lune, mais qui leur a, de plus, enseigné à frapper un caillou pour en faire jaillir des étincelles, semences de lumière. C'est par la bonté de Dieu que les flammes mobiles resplendissent dans nos demeures. C'est de Dieu que découle la lumière; il accorde à son gré ce bienfait. Le poëte rappelle comment une lumière miraculeuse conduisit les Israélites, fuyant l'Égypte. Il chante dans un mode pindarique les merveilles que Dieu accomplit pour sauver son peuple, pour le nourrir dans le désert. Dieu nourrit de la même manière les chrétiens. Il les appelle à une terre promise où règne une éternelle félicité. La lumière du Christ réjouit toutes les créatures. Elle a même suspendu les supplices infernaux, lorsque, au milieu de la nuit, le Christ sortit des ténèbres de la mort comme un soleil resplendissant. C'est nous, surtout, que réjouit cette résurrection de celui qui est la lumière du monde. Nous la célébrons en décorant nos temples de flambeaux sans nombre, en passant dans des joies pieuses toute la nuit qui nous rappelle chaque année la nuit de la résurrection. Le poëte revient ensuite aux flambeaux allumés chaque soir. « Il est juste, ô Dieu, que ton troupeau t'offre, au commencement de la nuit humide de rosée,

la lumière, le plus précieux de tes dons, la lumière qui nous fait apercevoir tes autres bienfaits. »

Dans l'hymne avant le sommeil, hymnus ante somnum, Prudence rappelle aux chrétiens que le repos de la nuit nous est accordé par la bonté de Dieu. Il a soumis à la loi du sommeil nos membres débiles, afin de tempérer nos labeurs par un agréable remède. Les méchants sont tourmentés par des songes pénibles qui troublent leur sommeil; ceux qui ont le cœur pur sont consolés par des songes célestes. Le patriarche Joseph connut l'avenir au moyen des songes. L'apôtre bienaimé vit l'agneau de Dieu et les splendeurs de la céleste Jérusalem. Que de secrets profonds sont découverts souvent aux justes pendant leur sommeil! Serviteur dé Dieu, souviens-toi que les flots sacrés du baptême ont coulé sur ta tête et que tu as été marqué du Saint-Chrême. N'entre pas dans le lit de ton repos sans tracer sur ton front et sur ton cœur le signe de la croix. Ce signe puissant chassera les démons. Ton âme, délivrée de leurs piéges, pourra au milieu même du sommeil penser encore à Jésus-Christ.

L'hymne pour les jours de jeûne, hymnus jejunantium, fait l'éloge de l'esprit de pénitence qui pousse les chrétiens à priver leurs corps de nourriture, pour augmenter les forces de leur âme. Le jeûne dompte le luxe, la paresse, l'intempérance, les vices divers des sens révoltés. Le poëte rappelle les jeûnes d'Élie, de Moïse, de Jean-Baptiste. Il raconte comment Ninive obtint son pardon, en s'imposant, à la voix de Jonas, des jeûnes rigoureux. Il propose l'exemple de JésusChrist qui a voulu jeûner malgré sa divine sainteté. << Puissions-nous tous suivre l'exemple sacré que tu as donné à tes disciples, & Christ, ô Maître, afin que l'âme,

domptant la gourmandise, triomphe en souveraine. >> Au jeûne il faut joindre l'aumône. Heureux celui qui étend sa main droite, prodigue de dons charitables, tandis que sa main gauche ignore ce bienfait ! Il sera enrichi des trésors éternels; ses dons lui seront rendus avec usure et au centuple.

Dans l'hymne après le jeûne, hymnus post jejunium, Prudence remercie Dieu qui n'exige pas de ses serviteurs des pénitences au-dessus de leurs forces. Il chante Jésus-Christ sous le titre de bon Pasteur. La mesure de l'abstinence est libre pour tous. Nous ne sommes pas forcés par une sévérité terrible; chacun n'est obligé qu'à vouloir ce qu'il peut. Mais il faut invoquer Dieu avant et après le repas. Croyons qu'il est salutaire pour nous de ne prendre que des aliments consacrés par la prière.

L'hymne pour toute heure, hymnus omni hora, est un magnifique dithyrambe en l'honneur de celui vers qui les chrétiens doivent élever sans cesse leurs pensées. « Enfant, donne-moi ma lyre, afin que je chante sur des rhythmes fidèles un doux poëme, une mélodie, pour célébrer les actions merveilleuses du Christ. Que notre muse ne glorifie que Lui, que notre lyre ne résonne que de ses louanges. » La vie du Sauveur, ses miracles, sa passion, sa sépulture, sa résurrection sont racontées dans des strophes d'un admirable mouvement lyrique. Le poëte, contemplant le Sauveur, vainqueur de la mort et triomphant au plus haut des cieux, s'écrie à la fin de cette hymne : « Puissant Juge des morts, puissant Juge des vivants, dont les vertus resplendissent au ciel, à la droite du Père, d'où tu viendras un jour punir, dans ta justice, tous les crimes, les vieillards et les jeunes gens, le chœur des petits enfants, la foule des mères et des vierges, les simples petites filles te chan

tent d'une voix unanime dans leurs chastes concerts. Que les chutes des fleuves et les ondes et les murmures des rivages, et la pluie, et la chaleur, et la neige, et la rosée, et les forêts et les vents, et le jour, et la nuit te célèbrent durant tous les siècles des siècles. »

L'hymne pour l'ensevelissement des morts, hymnus in exequiis defunctorum, a excité l'admiration de plusieurs commentateurs, qui l'ont appelé un poëme divin, hymnum plane divinum. Prudence y expose le dogme de la résurrection de la chair. Il trouve dans ce dogme l'explication des derniers honneurs rendus aux défunts, de la pompe des funérailles chrétiennes. « Pourquoi ces tombeaux taillés dans le roc? pourquoi ces magnifiques monuments? C'est qu'on est persuadé que les corps qui leur sont confiés ne sont pas morts, mais endormis. La piété attentive des chrétiens remplit ces derniers devoirs, parce qu'elle croit qu'ils revivront un jour, tous ces corps ensevelis dans un froid sommeil. Celui qui, ému de pitié, couvre pieusement de terre les corps qu'il ensevelit, remplit une œuvre de miséricorde agréable au Christ ToutPuissant. » Le poëte rappelle ensuite la piété de Tobie envers les morts. Il indique, à l'exemple des Pères, divers symboles de la résurrection de la chair, puis il contemple le jour bienheureux où les âmes seront de nouveau réunies aux corps qu'elles animaient.

Une hymne pour la fête de Noël, hymnus de Natali Domini, et une hymne pour la fête de l'Épiphanie, hymnus Epiphania, terminent le Cathémerinon. Ces deux poëmes ont été commentés longuement par plusieurs savants du seizième siècle, entre autres par Érasme. Rien ne manque à ces hymnes, dit Auguste Buchner, ni l'élégance de la diction, ni l'harmonie du

rhythme, ni le génie de l'invention. Plusieurs fragments du poëme sur l'Épiphanie ont été adoptés comme hymnes liturgiques et insérés dans le bréviaire romain.

Le grand poëme que Prudence a intitulé Apotheosis, a pour objet de défendre le dogme catholique touchant la très-sainte Trinité et la divinité de Jésus-Christ. Prudence combat dans ce poëme plusieurs hérétiques des premiers siècles, et entre autres les priscillianistes dont les erreurs avaient trouvé en Espagne de nombreux sectateurs. Il s'attaque d'abord aux disciples de Noetus et de Praxeas, surnommés patripassiens, parce qu'ils prétendaient que Dieu le père était descendu sur la terre, s'était incarné, avait souffert et subi la mort. Les priscillianistes enseignaient que la divinité de Jésus-Christ avait été soumise à la souffrance. Les sabelliens confondaient les trois personnes divines, et croyaient que Dieu le père était le même que Dieu le fils. Prudence réfute ces diverses hérésies. Les Juifs, refusant de reconnaître Jésus-Christ pour le Messie, niaient sa divinité. Le poëte leur rappelle les prophéties contenues dans leurs livres sacrés. Tout proclame que Jésus est Dieu. Les empereurs romains ont abaissé leur sceptre devant lui; ils ont détruit de fond en comble Jérusalem, la cité déicide. « O Israël, ô arbre dont les rameaux heureux étaient couverts jadis d'un épais feuillage! ta séve était abondante et tes fruits savoureux. Te voilà devenu sauvage, et sur ton pied a été greffé un tronc nouveau qui reverdit et se revêt d'une écorce prospère. Aie pitié de ton malheur ! Le rejeton qui croît sur ton pied sauvage ne méprise pas cette souche étrangère, mais il t'avertit de te souvenir de ta propre origine, de ne plus flétrir tes branches d'une séve amère, de ne pas porter envie aux rameaux touffus qui ombragent

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