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LE CATHEMERINON

DE PRUDENCE

TRADUIT ET ANNOTÉ.

L'étude sur Prudence que nous offrons au public, n'est que la reproduction d'une thèse pour le doctorat présentée à la faculté de théologie de Paris et récemment soutenue en Sorbonne. Peut-être n'eussions-nous donné à cette étude que la publicité restreinte à laquelle se résignent d'ordinaire, en un siècle frivole, les auteurs de ces travaux sérieux et spéciaux dont le seul nom de thèses effarouche les lecteurs superficiels. Mais pendant que nous nous préparions à faire connaître un poëte plus oublié que Stace et que Claudien, quoiqu'il soit infiniment supérieur à ces deux auteurs, qu'on trouve traduits dans toutes les collections des classiques, M. Villemain donnait au public son beau livre sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique dans ses rapports avec l'élévation morale et religieuse des peuples. Dans ce

livre l'éminent écrivain appelle l'attention sur Prudence. « La belliqueuse Espagne, dit M. Villemain, cette contrée qu'une affinité méridionale avait mêlée de bonne heure au génie de ses maîtres italiques, célébrait sur la lyre latine le culte nouveau. Comme elle avait donné jadis Lucain et Martial à la monstrueuse grandeur et aux vices de Rome, elle offrait aux vertus de l'Église sortant des catacombes un chantre harmonieux et pur.... Prudence décrit d'abord la vie chrétienne dans ses devoirs de chaque jour.... Sous l'impression du spectacle de la nature mis en rapport avec le cœur de l'homme, il marquait par des hymnes les principales heures et les divisions du temps. Le charme de ces préludes était dans leur sainteté, dans le rappel de l'âme à elle-même, dans le contraste de cette pureté religieuse avec les vices du monde profane, et enfin dans les espérances de la vie spirituelle supérieure à tous les sentiments de l'existence ici-bas. » Ailleurs rappelant les strophes consacrées par Prudence aux saints Innocents qu'il salue comme les fleurs des martyrs, M. Villemain ajoute: « Ces vers, on peut le dire, ne périront jamais et seront chantés sur la dernière terre barbare que le christianisme aura conquise et bénie. »

Est-il téméraire d'espérer que les lecteurs des Essais sur la poésie lyrique feront un accueil favorable à notre étude sur un poëte qui leur est recommandé par un

critique tel que M. Villemain, dont le goût est si sûr et dont l'admiration ne s'égare jamais?

Désireux de procurer à ceux qui aiment la littérature chrétienne un moyen d'apprécier Prudence par une étude personnelle, nous avons pensé qu'il serait utile de publier, à la suite de notre travail sur ce poëte, le texte et la traduction de ses plus belles hymnes. Au lieu de faire un choix dans les œuvres de Prudence et de citer des fragments extraits de ses divers poëmes, nous avons jugé plus convenable de donner en entier un de ses recueils lyriques. Nous ne pouvions pas hésiter entre le Cathemerinon et le Peristephanon. Le premier de ces deux recueils est, sans contredit, l'œuvre la plus remarquable de Prudence. C'est là que son génie poétique se montre tout entier; c'est là qu'on peut admirer la constante élévation de ses pensées, la concision soutenue de son style. Le Cathemerinon, qui ne contient que douze hymnes, dont la longueur n'est pas excessive, offre d'ailleurs un intérêt plus général que les autres œuvres de Prudence. Nous ne pouvons pas aujourd'hui lire le poëme contre Symmaque et les poëmes contre les hérétiques avec l'émotion que devaient éprouver les contemporains de l'auteur. Mais les méditations religieuses et poétiques dont se compose le Cathemerinon, n'ont rien perdu de leur intérêt avec le cours des siècles. Leur beauté, comme celle de la piété chrétienne, restera toujours la même. Nous

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