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gnore pas qu'il n'y a que les parfaits qui puissent espérer de jouir du ciel aussitôt après leur mort. Dans son humilité, il se regarde comme indigne d'un tel bonheur. Il demande à Dieu la grâce de n'avoir d'autres châtiments à subir que ceux du Purgatoire. Tel est le sens de la prière qui termine l'Hamartigenia. - «O Dieu, père de toute chose, auteur de mon âme, ô Dieu Christ! de la bouche de qui procède le Saint-Esprit, Dieu avec toi! C'est toi qui me régis. C'est de toi que j'ai reçu ma vie. Tu seras mon juge, et je tremble et je pâlis. Tu seras mon juge et j'espère... Ah! de grâce! lorsque mon âme abandonnera ce corps, demeure fragile formée de nerfs, d'os, de sang et de fiel, où elle habite en se souillant, chargée des liens funestes de la volupté; lorsque l'heure dernière, hélas! aura fermé ces yeux, lorsque cette chair sera ensevelie avec des pleurs et des sanglots, et que l'âme apparaîtra nue à ses propres yeux, fais que je n'aperçoive pas un ravisseur cruel, implacable, furieux, terrible, à la voix et au visage menaçants, qui se hâte de m'entraîner dans l'abîme, de me précipiter dans le noir enfer, pour me faire payer jusqu'à la dernière obole les dettes de ma vie coupable. O Christ! dans le riche royaume du PèreCéleste il y a plusieurs habitations, des lieux séparés les uns des autres. Je ne demande pas une maison dans le royaume bienheureux; qu'elle s'ouvre au chaste essaim des hommes qui, dédaignant l'or comme une vile poussière, n'ont désiré que tes richesses; qu'elle s'ouvre à la virginité, fleur dont la blancheur est éternelle, à toutes les âmes qui ont subi le glaive de la pénitence. Pour moi, il me suffit de ne pas être livré aux esprits de l'abîme, de ne pas être dévoré par les flammes avides de l'enfer. Que mon âme ne soit

point ensevelie au fond des fournaises ardentes. Seulement qu'un feu triste me purifie dans un averne profond, puisque les souillures charnelles rendent nécessaire ce châtiment; mais que les flammes propices exhalent de douces vapeurs, que leur ardeur s'adoucisse, qu'elles n'aient que de tièdes tourbillons. D'autres, le front ceint de couronnes, seront glorifiés par une immense lumière; pour moi, que mon châtiment soit léger, que le feu me soit clément. >>

Telle est la théologie de Prudence. On trouve dans ses poëmes une brillante exposition de la doctrine catholique touchant les mystères de la Sainte-Trinité et de l'Incarnation, touchant l'origine de l'homme et sa destinée, sa chu'e et sa réparation. Il fallait bien que cette doctrine reproduisit fidèlement la prédication des apôtres pour être universellement acceptée au quatrième siècle ; et il fallait bien qu'au quatrième siècle cette doctrine se fût pleinement emparée de tous les esprits, pour être exposée dans les écrits des poëtes avec autant de précision théologique et de ferme conviction que dans les discours des Pères et des docteurs de l'Église.

CHAPITRE V.

DE L'ARCHÉOLOGIE DE PRUDENCE.

Importance des divers poëmes de Prudence, tant pour les savants qui étudient l'antiquité profane, que pour ceux qui étudient l'antiquité chrétienne.

Si les poëmes de Prudence offrent au théologien une lecture aussi utile qu'agréable, ils ne se recommandent pas moins vivement à l'attention de l'archéologue par les nombreux détails qu'ils renferment sur les mœurs, les coutumes, les monuments des derniers Romains et des premiers chrétiens. Qu'on explore le vaste champ de l'archéologie classique ou le champ plus vaste encore de l'archéologie chrétienne, on trouve dans les œuvres de Prudence les plus précieux renseignements. Tous ceux qui se sont occupés des antiquités sacrées ou profanes ont cité ses vers comme des textes qui font autorité '. Nous ne pouvons mentionner ici tous les passages de notre poëte dignes

1 Boldetti, après avoir exposé son opinion sur les petits vases destinés à recevoir du sang et trouvés dans les tombeaux des martyrs, ajoute : « Piu di ogni altro pero ne fa chiara testimonianza il non mai abbastanza laudato Prudenzio. >>

d'être apportés en témoignage pour élucider les questions archéologiques. Il nous suffira de grouper autour de quelques points importants les éclaircissements variés que peuvent nous fournir ses poëmes.

Les premiers rois de Rome, en qui certains critiques modernes n'ont voulu voir que des personnages légendaires, ou des mythes symboliques, sont les véritables fondateurs de la puissance romaine aux yeux de Prudence. Il résume en quelques vers l'histoire politique de la ville éternelle. « La royauté gouverna Rome à sa naissance, non sans faire partager ses soins à des vieillards. Bientôt nous voyons le gouvernement passer entre les mains des nobles issus de ces anciens, puis les plébéiens en foule sont mêlés aux patriciens, partagent avec eux l'autorité, commandent longtemps avec eux, faisant la guerre et traitant de la paix. La noblesse est représentée par un consul, le peuple par un tribun. Soudain cet état politique déplaît. On établit dix décemvirs revêtus de la puissance suprême. Douze faisceaux les entourent. Chacun a son escorte de haches. La république se fait gouverner de nouveau par deux chefs et commence à compter ses fastes par ses consuls. Mais ses dernières années sont bouleversées par un triumvirat sanguinaire.... Sachant enfin choisir une bonne route, elle a ceint du diadème une tête auguste, l'appelant père de la patrie, gouverneur du peuple et du sénat, chef de l'armée, dictateur, censeur excellent, maître des mœurs, protecteur des biens, vengeur des crimes, dispensateur des dignités. » (Cont. Symm., I. II, v. 415 et suiv.)

Parmi les questions que soulève l'étude de l'antiquité profane, il n'en est pas de plus intéressante et de plus difficile que celle de l'origine et du développe

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