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Il est d'abord une idée qui saisit par sa justice et sa simplicité, c'est qu'un immeuble frappé d'un privilége ou d'une hypothèque ne peut en être purgé que par le paiement effectif ou par le laps de temps qui le fait supposer.

Ce principe, appuyé sur la foi des contrats, n'a besoin que d'être énoncé.

Chercher à soustraire cet immeuble à l'hypothèque qui le grève, autrement que par le paiement de la créance, c'est donc évidemment chercher à faire tort au créancier, que la loi doit cependant protéger comme tout propriétaire; c'est enfreindre la foi du contrat qui lie le débiteur au créancier ; c'est nuire à l'un et à l'autre.

Si la valeur de l'immeuble n'était pas inférieure au montant des hypothèques, rien ne serait plus simple et plus facile que la solution du problême proposé: il suffirait de la disposition de l'article 49 du titre VI, et ce ne serait point la peine de chercher à donner à l'acquéreur le moyen de payer plus tôt ; il saurait bien, s'il le voulait, offrir le montant de la créance, et, en cas de refus, le déposer.

La difficulté vient donc de ce qu'on suppose, 1o que toutes les hypothèques peuvent n'être pas connues de l'acquéreur; 2o que le prix de la vente n'en égale pas le mon

tant.

Pour obvier au premier inconvénient, on assujétit les créanciers à des formalités capables de les faire connaître, mais dont l'omission entraîne la perte de leur hypothèque.

On croit remédier au second en ouvrant des enchères. C'est pallier l'injustice de l'institution, mais ce n'est point l'en purger.

L'hypothèque est une propriété qui se conserve par ellemême sans le secours des formalités : le créancier la possède comme il possède une maison, ou mieux encore une servitude; imagina-t-on jamais d'obliger le possesseur d'une maison ou d'une servitude à faire des déclarations tous les cinq ans pour en conserver la jouissance?

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En créant des moyens de conserver l'hypothèque, on crée nécessairement les moyens de l'anéantir: il était l'ennemi des hypothèques, celui qui, le premier, eut l'idée d'en établir les conservateurs.

Ce qu'on exige du créancier, on l'exige sous peine de la perte de son hypothèque.

Ce n'est cependaut pas pour son intérêt qu'on l'exige, c'est uniquement pour l'intérêt de l'acquéreur; mais est-il bien juste d'accabler l'un de frais, de l'exposer à perdre sa propriété, pour améliorer la condition de l'autre ?

Il existe une infinité de petites créances qui font la richesse du peuple; les frais d'opposition en absorberont le revenu : il en est telle dont le revenu sera même insuffisant.

Est-ce donc contre les créanciers que la loi doit soutenir les acquéreurs? Ils méritent protection, sans doute; mais elle doit être dirigée contre les vendeurs coupables de dissimulation, et non contre des créanciers à qui on ne peut reprocher que leur confiance et leur facilité à obliger.

Si le créancier ou l'acquéreur doivent être en souffrance, ne vaut-il pas mieux que ce soit le dernier contractant, qui pouvait ne pas acquérir, ou prendre des informations exactes, plutôt que le créancier, qui a dû se reposer sur la foi et sur l'antériorité de son contrat ?

Quelle différence cependant entre la position où l'on place l'acquéreur et celle où l'on met le créancier !

Le premier a la faculté de purger les hypothèques, ou de ne pas les purger.

Si son intérêt ou ses fantaisies lui font négliger la faculté que la loi lui offre, il ne perd qu'un avantage, et non une propriété, et un avantage injuste, puisqu'il aboutit à libérer son fonds sans payer les dettes.

Le second est irrévocablement condamné à former opposition tous les cinq ans; et s'ib l'oublie, il est puni par la perte du droit le plus juste et le plus respectable, celui de son hypothèque.

L'acquéreur règle ses démarches sur ses convenances; il peut même choisir astucieusement pour sa procédure le temps le plus inopportun au créancier.

Celui-ci est obligé de veiller en tout temps, d'entasser infructueusement les oppositions; et si, après avoir suivi la procédure, il n'a pas de fonds libres ou suffisans pour surenchérir, il perd son hypothèque.

Il la perd par l'omission de la moindre formalité, comme par l'oubli de l'opposition elle-même. Une opposition irrégulière a certainement suffi pour le faire connaître à l'acquéreur, pour constituer celui-ci en mauvaise foi; n'importe, cette irrégularité est mortelle, elle emporte la dé-chéance du droit.

La mauvaise foi de l'acquéreur ne diminue rien de la faveur dont il jouit. Sa confiance peut ne plus être dans son titre, dans ses connaissances. La loi l'autorise à la placer dans l'oubli, dans la négligence d'un tiers, dans la distraction d'un officier ministériel (art. 25 ).

Ici la peine n'est plus relative au délit ; l'effet n'est plus proportionné à la cause; la mauvaise foi triomphe, et l'inattention devient un crime.

Ce n'est point la solidité des acquisitions que la loi considère, puisque l'acquéreur reste exposé à toutes les oppositions postérieures, pourvu qu'elles précèdent le sceau des lettres de ratification.

Avant l'acte qui le lie, l'acquéreur n'a aucun moyen de s'assurer que le fonds qu'il veut acquérir est franc d'hypothèque, ou qu'il n'en est affecté que jusqu'au concurrent d'une somme déterminée ; il n'a de ressource que dans les informations que son intérêt ne lui laisse jamais négliger.

Après la publication du Code, tous les acquéreurs de la république seront ce qu'étaient autrefois ceux de la cidevant Provence, et l'expérience de plusieurs siècles démontre que la loi peut être sans inquiétude sur l'efficacité de cette ressource.

Les évictions n'étaient pas plus fréquentes en Provence où il n'y avait jamais eu de conservateurs; les hypothèques n'étaient pas moins assurées, les mutations, moins solides et moins multipliées que dans les autres provinces. Ainsi, avant l'acquisition, nul avantage pour l'acquéreur dans les oppositions qu'on exige des créanciers. Après l'acquisition il peut y trouver un avantage. Mais si on le fait consister à purger l'hypothèque sans payer la créance, c'est l'avantage de l'usurpateur, que la loi ne peut sanctionner.

Si on le fait consister à ne pas laisser l'acquéreur pendant dix ou vingt ans dans la crainte d'être dépossédé par un créancier inconnu, cet avantage perdra quelque chose de la défaveur qui le poursuit ; mais il ne pourra devenir entièrement légitime qu'en changeant le systême de la loi.

C'est contre le créancier qu'elle est dirigée, puisque c'est lui qui est obligé de faire et renouveler l'opposition, de la faire dans telle ou telle forme, à peine de déchéance de son hypothèque.

C'est sur le créancier que retombent en définitif et les frais qu'il est obligé de faire pour conserver son hypothèque, et les frais de toute la procédure, puisque ces frais sont à la charge du débiteur, ou plutôt de l'immeuble, qui est le gage du créancier, ainsi qu'on l'a dit en commençant.

C'est le créancier qui est obligé de surenchérir, s'il veut conserver son hypothèque.

Tout est dirigé contre lui. Il mérite cependant la protection de la loi. Peut-être ses fonds ont sustenté la famille de son débiteur, favorisé l'agriculture, conservé ou augmenté ce même immeuble dont on lui envie le gage. A coup sûr, il a voulu rendre service; il a été utile à l'Etat, en mettant en circulation des fonds qu'il pouvait conserver dans ses coffres.

Tout est dirigé contre le créancier pour ménager à l'acquéreur la simple faculté de fixer son incertitude, et de de

vancer de quelques années le terme que la loi a déterminé pour l'affranchissement de son fonds.

Quel est donc cet avantage si important? Jugeons-en par la nature de la charge dont il délivre.

Quel est le droit du créancier sur le fonds hypothéqué?' Celui d'obliger l'acquéreur à le payer ou à lui délaisser l'immeuble, les réparations préalablement remboursées.

L'acquéreur ne gagne donc, en demandant des lettres de ratification, que la faculté de faire plus tôt ce qu'il craint d'être obligé de faire un jour. Il ne perd, par une éviction tardive, que cet intérêt d'affection qui peut être l'effet de l'habitude prolongée, ou la suite des améliorations faites au fonds; car il faut ici compter pour rien la perte du prix, puisque par l'action hypothécaire, comme par l'enchère en suite des oppositions, l'acquéreur perd toujours ce qu'il a compté au vendeur.

C'est donc, en dernière analyse, dans la crainte de contrarier un jour un simple intérêt d'affection, qu'on établit une procédure aussi longue que dispendieuse, qu'on soumet le créancier à des formalités gênantes, qu'on l'expose à perdre un droit réel par une formalité, par un oubli.

Mais cet intérêt d'affection, qui naît bien rarement tant qu'on n'est pas rassuré contre le trouble, cet intérêt d'affection est lui-même la propriété du créancier. Quand il a donné des espèces et qu'on lui a promis de lui rendre des espèces, il a compté sur l'affection du propriétaire; il s'est dit qu'il aime-rait mieux se procurer des espèces que de s'exposer à perdre sa propriété. Il n'est ni juste ni équitable de priver le créan cier d'un intérêt sous la foi duquel il a prêté.

Mais si cette anticipation de sûreté est un si grand bien qu'il faille l'acheter à tout prix, ne valait-il pas mieux abréger la durée de l'action hypothécaire? On aurait du moins évité la contradiction qu'implique la disposition qui donne dix, vingt ou trente ans de durée à l'action hypothécaire, et celle qui en limite l'existence à cinq ans, faute d'opposition.

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