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troupe à peine armée, ils la dispersèrent et tuèrent un grand nombre d'insurgés; d'autres se noyèrent en prenant la fuite. Les maisons des paysans furent brûlées et les campagnes désolées. « La malédiction fut si grande en Caux, dit le chroniqueur contemporain ', que le pays de<< meura presqu'entièrement inhabité. Hommes <«<et femmes fuyaient par terre et par mer, «< comme en péril de feu. »

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Rouen ressentait le contre-coup de la désolation du pays de Caux. Sans communications avec l'Ile-de-France, cette ville tirait la plupart de ses provisions des contrées que l'insurrection et la guerre venaient de ruiner. Aussi la famine et la mortalité étaient grandes dans Rouen; le mécontentement du peuple s'accroissait chaque jour, et se manifestait de toutes les manières. Le jour où le comte d'Arondel se mit en marche pour aller combattre les paysans, un fou courait par la ville, criant incessamment : << Allez à la mort.» Ces paroles furent reçues comme la voix de Dieu, et en effet le comte d'Arondel succomba dans l'expédition. Tous ces indices, et probablement d'autres encore plus.

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directs, firent espérer à quelques capitaines français qu'une tentative contre Rouen pourrait réussir. La Hire, Xaintrailles et autres capitaines de Charles VII, rassemblèrent environ huit cents hommes d'armes, et marchèrent contre Rouen. Ils s'avancèrent jusqu'au village de Ris, à quatre lieues de la ville, et s'y établirent; mais Talbot, le seigneur de Scales et sire Thomas Kiriel, firent une sortie à la tête de la garnison et mirent les Français en fuite, après en avoir pris ou tué un grand nombre 1.

Malgré ce revers, les Français n'en continuèrent pas moins leurs conquêtes en Normandie, et chaque jour la position des Anglais devenait plus difficile. Le gourverneur de Rouen ne pouvait secourir les capitaines des places voisines qui imploraient son appui. Il gémissait de son impuissance, et écrivait, en 1439, au conseil d'Angleterre: «Chaque jour amène pour nous de nouvelles causes de tristesse; nos cœurs sont remplis de douleur et d'amertume.» Les Français s'approchaient de Rouen de plus en plus. La prise de Louviers, en 1440, les établit dans un poste fortifié, voisin de cette ville; celle

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Monstrelet, liv. II, c. 212.

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Collection de documens historiques publiés par ordre du gouvernement anglais; Ordonn. du conseil privé, t. V, p. 387.

de Pontoise, en 1441, les rendit maîtres de toute l'Ile-de-France. Les Anglais commençaient à craindre pour Rouen. Le conseil privé de Henri VI écrivit au gouverneur Richard d'York, pour lui recommander de pourvoir à l'approvisionnement de la ville. On devait la munir de vivres et d'artillerie, et surtout veiller à la défense des châteaux et palais, en en faisant sortir immédiatement les femmes et toutes les personnes suspectes1. Des négociations suivies d'un traité, en 1444, suspendirent pour quelque temps les inquiétudes des Anglais.

Mais la trève ne retarda que de quelques années l'expulsion des Anglais de Rouen et de toute la Normandie. Les hostilités se renouvelèrent au mois de mars 1449. En quelques mois, le Pont-de-l'Arche, Verneuil, Pont-Audemer, Lisieux, Mantes, Vernon, ChâteauGaillard, Gisors, tombèrent au pouvoir de Dunois, pendant que le connétable de Richemont et son frère le duc de Bretagne s'emparaient de la Basse-Normandie. Toutes les garnisons anglaises s'étaient peu à peu concentrées dans Rouen sous la conduite de Talbot et du comte

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Collect. de documens hist. publiés par ordre du gouvernement anglais; Ordonn. du conseil privé, t. V, p. 261 et 363.

de Somerset, qui avait été chargé récemment du gouvernement général de la Normandie. Charles VII, avant d'attaquer Rouen, adressa, à la population, un manifeste le 17 juillet 1449. Il s'y présentait comme le libérateur de la ville, rappelait avec quel héroïsme elle avait lutté contre les Anglais, et quels malheurs elle avait essuyés sous leur domination. Il terminait en promettant une amnistie générale et la confirmation de tous les priviléges des Rouennais1. Cette lettre n'ayant pas produit le résultat qu'espérait Charles VII, il se disposa à agir par la force.

Il se rendit à Louviers, avec René d'Anjou, et y convoqua le ban et l'arrière-ban. Au mois d'octobre, ayant réuni une armée assez nombreuse, il se mit en marche et s'avança jusqu'au Pont-de-l'Arche, pendant que Dunois, les comtes d'Eu et de Saint-Pol, chacun à la tête d'un corps d'armée, se dirigeaient vers Rouen 2. Le roi envoya des héraults pour sommer la ville de se rendre; mais les Anglais, qui craignaient l'effet que produirait sur les bourgeois la vue des

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Archiv. municipales de Rouen, reg. A, fos 52, 53, 34 recto

et verso.

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Chroniq. de Normandie, fo 106 verso.

armes et des couleurs de France, ne leur permirent pas d'entrer dans la ville. Vainement les héraults se présentèrent une seconde fois, ils furent encore repoussés avec menaces 1. Dunois reçut alors l'ordre d'investir Rouen; il déploya son armée devant cette ville, espérant que la présence des Français déterminerait un mouvement en leur faveur; mais les Anglais parvinrent à contenir les bourgeois, et, après trois jours passés sous les murs de la ville, dans un terrain fangeux et détrempé par une pluie continuelle, les Français se retirèrent au Pont-del'Arche. Ils ne tardèrent pas રે y recevoir un envoyé des bourgeois, qui leur apprit qu'on avait formé un complot pour leur livrer la ville. Des habitans chargés de la garde de la porte Saint-Hilaire et des remparts qui y tenaient, devaient seconder les attaques des Français. A cette nouvelle, Dunois se mit de nouveau en marche, et vint camper aux Chartreux; mais, pour détourner de ce point l'attention des Anglais et diviser leurs forces, le sire de Culant, grand maître de l'hôtel du roi, attaqua la porte

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