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3° Il y a manifestement entre ces exigences et les garanties réellement nécessaires une si incroyable disproportion qu'on ne pourrait l'expliquer que par le dessein formel d'anéantir tous les établissements libres d'instruction publique, si la loyauté de M. de Salvandy n'attestait qu'il y a seulement ici l'exagération malheureuse d'une idée fausse qui pousse le difficile jusqu'à l'impossible.

IV. Enfin, la dépendance nécessaire où l'on place les chefs d'institutions privées devant les professeurs et les plus simples surveillants, par la condition rigoureusement imposée des grades de licenciés et de bacheliers; les énormes sacrifices d'argent auxquels on les assujettit pour se procurer et pour conserver ces auxiliaires privilégiés et indispensables; les difficultés naissant de la forte position que des hommes ainsi placés ont prise contre ceux qui les emploient, tout cela, ajouté aux chances périlleuses que courent ceux qui dirigent les établissements particuliers et que ne courent jamais les établissements de l'Etat, tout cela forme une accablante réunion d'impossibilités sous lesquelles doivent fatalement succomber les essais, quels qu'ils soient, de l'enseignement libre.

Qui ne sait, en effet, que les colléges de l'Université ont à priori une maison et un mobilier dont l'entretien leur est assuré, un certain nombre de bourses fondé, le traitement de leurs professeurs payé, tout cela, soit aux dépens de l'Etat, soit aux dépens des villes? Qui ne sait qu'en outre ils offrent à ceux qui y sont employés une carrière tracée et la certitude d'une retraite ? Les maisons d'éducation privée n'ont rien de semblable. Il leur faut pourvoir à tout, à leur local, à leur mobilier, à son entretien, aux réparations, au traitement de tous leurs professeurs, de tous les surveillants, sans leur offrir ni carrière ni retraite.

Pour moi, je le déclare, et je ne crois faire d'injure à personne en le déclarant : je ne connais pas en France un seul individu, laïque ou ecclésiastique, quels que soient sa fortune, son talent, sa vertu et sa capacité pour l'enseignement, qui, seul et abandonné à son action personnelle, puisse subir les exigences de la loi nouvelle, c'est-à-dire louer à bail, ou édifier à ses risques et périls une maison suffisante pour contenir 250 ou 300 élèves, — nombre à peu près nécessaire pour peupler convenablement toutes les classes d'un établissement de plein exercice, y rassembler autour de lui 20 ou 25 maîtres, directeurs, professeurs et surveillants, tous bacheliers ou licenciés, nombre nécessaire pour 250 ou 300 élèves, les dévouer à cette grande œuvre, les rétribuer convenablement à leur mérite et à leurs grades, les gouverner, les retenir.... ou les remplacer immédiatement, sous peine de la suspension et de l'interdiction (art. 23), c'est-à-dire d'une ruine inévitable. Je le répète, je

ne connais pas en France un seul individu qui puisse avoir la témérité de l'entreprendre et la puissance de l'accomplir.

Telle est la liberté d'enseignement que donne le nouveau projet.

Un ecclésiastique, célèbre par les établissements d'instruction et de charité qu'il a fondés à Tunis, M. l'abbé Bourgade, vient de publier, sous le titre de Soirées de Carthage (1 vol. in-8°. Paris, Firmin Didot), une suite de dialogues appropriés au génie et aux habitudes des Orientaux, dialogues dont l'objet est de combattre par le raisonnement et la persuasion les préjugés qui empêchent les musulmans de se rapprocher du Christianisme. L'auteur a mis très-habilement à profit sa longue expérience des hommes et des choses. Si nous ne nous trompons, il ouvre une voie entièrement neuve aux progrès de la foi chrétienne. Pendant plusieurs siècles, il n'a pu être question, dans les missions du Levant, que de conserver au Catholicisme les populations qui ne l'avaient pas abandonné. Mais aujourd'hui que la France possède plusieurs millions de sujets musulmans, le moment est venu d'attaquer l'obstacle le plus fort qu'ait encore rencontré la propagation de la foi. Les Soirées de Carthage, en français, offrent une lecture pleine d'attraits. Traduites en arabe, elles exerceront certainement une grande influence sur les populations auxquelles elles s'adressent.

Les éditeurs Sagnier et Bray publient sous ce titre :

MOIS DE MARIE DE L'ARCHICONFRÉRIE,

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Par M. l'abbé RIDOUX.- In-32; prix: 75 c.

un petit volume approuvé par Mgr l'évêque d'Amiens comme pieux et solide. M. Desgenettes, curé de Notre-Dame-des-Victoires, a adressé à l'auteur la lettre suivante:

MONSIEUR L'ABBÉ,

J'ai bien tardé à vous remercier de la satisfaction que j'ai goûtée en lisant votre nouvel opuscule à la gloire de notre bonne et très-sainte Mère; pardonnez-moi ce retard bien involontaire. Le bon Dieu me laisse la faculté de sentir, mais il ne me donne plus le temps d'exprimer. Je vous remercie encore d'avoir fait cet excellent petit ouvrage à l'usage de l'Archiconfrérie; je le propagerai selon votre pieux désir, et je suis sûr d'avance qu'il fera un grand bien à nos fidèles associés, en donnant un nouvel aliment à leurs sentiments d'amour, de vénération et de confiance pour celle qui est tout à la fois et la Mère du Très-Haut et le Refuge des pécheurs. Marie sera encore plus glorifiée, plus bénie, plus aimée. Voilà votre récompense... Permettez que j'y ajoute l'expression de mon respectueux dévouement dans le très-saint et immaculé Coeur de Marie. Paris, 8 janvier 1847.

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DE LA CENTRALISATION

EN MATIÈRE D'ENSEIGNEMENT.

Réponse à Timon.

Au milieu du débat que la présentation du projet de loi contre la liberté d'enseignement vient de ranimer, on annonçait que la voix de Timon allait se faire entendre; cette nouvelle avait fait naître une vive impatience dans le public favorable à nos doctrines. La nouvelle brochure a paru; elle a pour titre : l'Education et l'enseignement en matière d'instruction secondaire, et pour épigraphe ces mots : Liberté, diversité de l'éducation; unité, nationalité, gratuité, publicité de l'enseignement.

Le titre donc annonce une distinction fondamentale dans la pensée de l'auteur, entre l'éducation et l'enseignement.

L'épigraphe fait prévoir que l'auteur, qui croit à la liberté de l'éducation, n'admet pas, au moins comme nous l'entendons, la liberté de l'enseignement.

Timon combat, il est vrai, le projet de loi de M. de Salvandy; il le combat aussi vivement que nous, mais par de tout autres motifs et dans un but qui diffère notablement du nôtre.

Timon sent lui-même le risque qu'il court de rester un peu seul avec son système; mais il ne recule pas devant les dangers de l'isolement. « Moi-même, dit-il, j'arrive avec un système nouveau, et je me pose sur la sellette pour être interrogé, discuté, condamné peut-être à ❝ mon tour.

«Mais le sujet est si important, si vaste, si ardu, si multiple d'aspects, « qu'on doit encourager les publicistes à le sillonner, à le labourer dans « tous les sens. Je viens donc lui donner mon coup de charrue, et je ne « croirais pas avoir perdu tout à fait ma peine si vous trouviez quelques « vérités, ne fût-ce même qu'une seule, dans le plan que je viens vous sou« mettre. »

Le caractère du nouveau pamphlet dérive de cette déclaration conT. XVIII. 10 MAI 1847. 9° LIV. 11

çue en si bons termes: c'est un tentamen, un periculum, beaucoup plus qu'une discussion approfondie sur la question. Si nous ne nous trom pons, la subtilité de la théorie domine l'esprit de l'auteur et n'attend pas la lenteur de l'expérience.

Que devions-nous faire dans cette circonstance délicate? Citer quelques fragments critiques d'un style éclatant comme toujours, tout en glissant sur les divergences d'opinions, ou bien indiquer avec franchise nos dissentiments, et rendre par cette franchise même un plus digne hommage à l'un des premiers talents de notre époque ?

Notre pensée inclinait pour ce dernier parti, quand la communication que nous a faite l'honorable M. Béchard, au point de vue de l'école monarchique, est venue fixer notre incertitude.

Nous ne doutons pas que Timon ne préfère comme nous, à des éloges sur lesquels il doit être blasé, une bonne et loyale discussion.

Un écrivain dévoué à la cause de la liberté religieuse, mais plein en même temps de respect pour le principe de la centralisation administrative, cherche à concilier ces deux tendances opposées par une transaction qui laisserait aux familles la liberté d'éducation, mais qui réserverait à l'Etat le privilége de l'enseignement.

L'Etat enseignant, c'est, dans la pensée de Timon, le complément de cette centralisation administrative, qu'il considère comme le mode, le lien, le ressort, l'âme, la puissance du gouvernement. L'unité d'administration ne peut se soutenir à ses yeux sans l'unité de l'enseignement. Unité politique, centralisation gouvernementale, centralisation administrative, centralisation de l'enseignement, telle est la série des déductions de l'inflexible logicien.

Nous acceptons les deux premiers termes de cette suite de syllogismes.

Et qui donc pourrait songer aujourd'hui à répudier la lente et laborieuse conquête de cette centralisation politique qui, d'une société multiple, diverse, fractionnée, a fait une société homogène, animée par le même esprit, gouvernée par les mêmes lois? Qui donc rêve parmi nous de priviléges provinciaux, d'institutions fédératives? Est-ce que l'hommage rendu à cet esprit provincial qui, à l'époque mémorable des plus grands désastres de la nation, lutta avec tant d'énergie contre les ennemis du dehors et contre ceux du dedans, et contribua au salut et à la régénération de la France, implique l'abandon de l'esprit du XIXe siècle? Est-ce que rappeler tout ce que les

libertés des pays d'états fournirent à la monarchie, dans des épreuves diverses, de secours et d'exemples de fidélité et de dévouement, c'est vouloir dépouiller les Chambres du droit exclusif de voter l'impôt et de faire les lois générales, pour s'en remettre aux dons gratuits des états provinciaux, c'est vouloir enlever au gouvernement la haute police administrative pour en investir les Parlements?

Ni le Languedoc, ni, que nous sachions, aucune province, n'a formulé des prétentions aussi absurdes. Personne ne songe à se replacer dans les conditions féodales du passé. Personne ne songe à reconstruire au milieu de ses ruines le clergé, la noblesse et le tiersétat. Personne, parmi les partisans les plus zélés de l'émancipation des communes et des libertés locales, n'a mérité l'odieux reproche de vouloir rompre le faisceau de l'unité nationale, et de se faire ainsi le complice et l'auxiliaire de l'étranger. C'est surtout du point de vue de la sûreté du pays qu'il est nécessaire de contenir dans des limites raisonnables un système qui, faisant dépendre chaque jour d'un mouvement du télégraphe le sort de trente-cinq millions d'hommes, met une grande nation à la merci d'une émeute suscitée dans la capitale par une poignée de factieux. Si la centralisation eût existé sous Charles VI, la France serait une province anglaise; si elle eût été établie sous Henri III, jamais son illustre successeur n'aurait pu conquérir sa couronne, et la postérité d'un prince étranger et de l'infante d'Espagne régnerait peut-être encore sur nous. Mais, nous le répétons il ne s'agit pas de savoir quels auraient pu être à une autre époque les avantages ou les inconvénients de la centralisation. Nous voyons dans la centralisation non-seulement un fait accompli, mais un immense progrès social.

Le débat n'est donc point engagé entre la centralisation politique et le fédéralisme local; nous ne songeons pas à rompre le lien qui tient attachées les unes aux autres toutes les parties du corps social; nous ne voulons que détourner de la tête un excès de vitalité, faire circuler le sang dans les veines, ranimer les membres paralysés, et augmenter la force générale de tout ce qu'auront acquis d'énergie les forces locales.

En un mot, ce qui divise l'école monarchique et l'école démocratique, c'est que la première revendique, au nom de la dignité humaine, le libre développement de tous les grands intérêts sociaux sous la surveillance et la répression d'un pouvoir fort et incontesté,

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