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sièreté se traduit par la nécessité de beaucoup plus de travail et par conséquent de dépense. Le procédé de Medina lui-même, tout précieux qu'il est pour des contrées où le combustible manque, pour extraire l'argent des minerais les moins riches qui sont les plus fréquents, ne s'applique pas également bien à toutes les natures de minerais. Dans la plupart des établissements métallurgiques du NouveauMonde on n'a pas la moindre teinture de mécanique. Partout les moyens de transport sont exécrables. Si la civilisation apportait dans ces pays l'arsenal des ressources dont elle dispose en Europe ou aux État-Unis, les frais de production de l'argent seraient diminués dans une forte proportion; pour me servir de l'expression qu'employait, il y a près d'un demi-siècle, M. de Humboldt, l'Europe serait inondée de métaux précieux, et par l'Europe le monde.

Je ne reproduirai pas ici, même en raccourci, l'analyse que j'ai présentée ailleurs, de tout ce qu'a d'arriéré l'extraction actuelle de l'argent. Je prends le fait pour constant, il n'est contesté par personne. On reconnaît généralement aussi que les améliorations à introduire dans cette industrie seraient assez faciles si un peuple industrieux, c'est encore une expression de M. de Humboldt, dominait dans ces régions. Alors, en effet, on verrait bientôt des moyens de transport s'organiser, des méthodes nouvelles s'établir pour l'exploitation des filons et la préparation mécanique des minerais. Quant au renouvellement des procédés métallurgiques proprement dit, on peut considérer que c'est déjà chose acquise. L'électro-chimie semble avoir résolu le problème, et de plus d'une façon peut-être, par les mains des chimistes français, anglais et allemands. Pour ce qui est de la venue du peuple industrieux, c'est pareillement un fait présentement accompli, au moins pour le principal des pays producteurs, le Mexique. Les entreprenants enfants de la race Anglo-américaine domineront désormais dans les provinces mexicaines, et ce n'est pas au Mexique que se bornera leur influence."

Pour ce qui est d'apprécier de combien le perfectionnement de l'industrie minérale en Amérique fera baisser les

Des mines d'argent et d'or du Nouveau-Monde, chap. xiv.

frais de production de l'argent, il serait dès à présent chimérique de le tenter. Que si on me demandait une indication, qui, sans être précise, fût cependant propre à éclaireir les idées, je me hasarderais à dire qu'une réduction de moitié d'ici à un quart de siècle n'aurait rien dont on dut être surpris, sans préjudice de progrès ultérieurs. En m'exprimant ainsi sous toute réserve, je suppose que la richesse des mines du Nouveau-Monde se présentera la même, sans solution de continuité; c'est fort probable. La diminution des frais de production dont on eut le spectacle après la découverte du nouveau continent, fut des trois quarts ou des cinq sixièmes dans un intervalle d'un siècle peutêtre.

D'après les circonstances connues aujourd'hui, il y a lieu de prévoir, que de même qu'après l'acquisition du NouveauMonde, la baisse des frais de production serait plus forte pour l'argent que pour l'or.

Ensuite ici, pour l'or des mines de la Russie de même que pour l'argent de l'Amérique, il faut distinguer entre la baisse des frais de production et la baisse de la valeur. La valeur des choses se règle sur les frais de production, et les métaux précieux se conforment à cette loi; mais ce n'est pas instantanément qu'une loi semblable se fait obéir. A cause de la grande quantité d'or et d'argent que la civilisation possède aujourd'hui, et qui est sur le marché, il faudrait un certain délai avant que la réduction des frais de production fit pleinement sentir ses effets. On conçoit aussi que certains faits politiques et économiques peuvent les uns précipiter les autres, retarder le moment où l'influence d'une grande production d'or et d'argent se manifesterait tout entière. Supposez la plupart des pays où la civilisation brille du plus grand éclat, l'Europe entière, par exemple, en proie pendant un quart de siècle à des dissensions intestines, ou à des calamités d'un autre ordre, la demande des métaux précieux pour les divers usages auxquels ils se prêtent, serait faible pendant que l'offre grandirait, la baisse de valeur de l'or et de l'argent serait alors beaucoup plus rapide que si la paix s'affermissait parmi les puissances et que l'ordre et la prospérité régnassent sans partage au sein de tous les grands États.

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Pareillement, si par une cause quelconque, difficile à imaginer cependant, le courant en vertu duquel les AngloAméricains se répandent sur le reste du nouveau continent et y étendent leur autorité ou leur influence, venait à s'arrêter ou à se suspendre pendant quelque temps, ce serait un ajournement d'autant pour les prévisions qui viennent d'être énoncées, à l'égard de l'argent au moins.

De quelque éventualité que dépende la proximité ou l'éloignement de la baisse prévue ici pour les métaux précieux, et l'étendue même qui la caractérisera, on doit la regarder comme inévitable. C'est un sujet digne de prendre place dans la préoccupation des hommes d'État. Il ne faut pas se dissimuler en effet que la portée d'un pareil fait est grande. La diminution de la valeur des métaux préeieux entraine comme conséquence le bouleversement de tous les prix, le changement des rapports convenus entre débiteurs et créanciers, l'amoindrissement de l'existence des individus ou des classes comme celles des rentiers qui vivent sur un revenu exprimé en monnaie d'argent ou d'or. Entre autres événements qui s'ensuivraient encore, il faut compter une grosse perte pour les nations qui consacrent une forte proportion de métaux précieux au service intérieur des échanges : la France, avec ses deux milliards et demi ou trois milliards de numéraire métallique, est dans ce cas. On peut signaler aussi une diminution du fardeau des dettes publiques, puisque les Etats ne se sont engagés qu'à payer à leurs prêteurs une somme déter. minée, c'est-à-dire un poids fixe d'or ou d'argent.

En terminant, je crois devoir renvoyer les lecteurs qui voudraient plus de détails sur les mines d'or et d'argent des diverses contrées du monde, à la Nouvelle Espagne et à l'Asie centrale de M. de Humboldt, et à l'ouvrage de M. Jacob sur les métaux précieux (ou Precious metals). On trouvera aussi des renseignements d'un grand intérêt dans l'ouvrage de M. Saint-Clair Duport, sur la Production des métaux précieux au Mexique. MICHEL CHEVALIER.

DE L'UNION DES DOUANES ITALIENNES.

L'Italie est aujourd'hui ce qu'était l'Allemagne avant 1827, et la France avant 1789. Elle voit son agriculture, son commerce et son industrie paralysés par des douanes intérieures. La diversité des gouvernements, qui facilite l'oppression des peuples, s'oppose en même temps au développement des échanges. Dans cette contrée si richement dotée par la nature, les idées, les personnes et les marchandises ne peuvent pas circuler. La censure met embargo sur les journaux et sur les livres; la police rebute les voyageurs par les interminables formalités de ces passeports dont on achète le visa à chaque frontière; enfin, de douane en douane, les marchandises finissent par acquitter, entre les mains des douaniers que le marchand corrompt ou du fisc qui le rançonne, 'des droits qui en représentent deux ou trois fois la valeur.

Ce régime absurde avait précédé l'occupation française, et il lui a survécu. Les traités de Vienne ont relevé l'édifice; il s'agit de le démolir aujourd'hui encore une fois et pour toujours. Les barrières, qui interrompent les communications des Italiens entre eux, et de l'Italie avec l'Europe, ont aggravé cette décadence depuis longtemps évidente, qui établit un contraste si effrayant entre l'état présent et le passé de la Péninsule, et qui la réduit à n'être plus que la terre des souvenirs.

L'Italie renferme 21 à 22 millions d'habitants. Mieux cultivée et couverte, comme au moyen âge, de florissantes industries, elle en nourrirait aisément quarante millions. La misère et la stérilité, qui envahissent le sol, qui ont éclairci les rangs de la population, et qui ont abaissé à quelques égards le caractère national, ne tiennent, quoi qu'on ait dit, ni au climat ni à la race. L'organisation politique a fait tout le mal. Un peuple, qui a défriché le reste du globe par la conquête du temps des Romains, et avec la papauté par la religion ainsi que par la science, ne peut pas être déshérité à ce point de la civilisation, qu'il en étouffe volontairement les semences.

L'Italie fut industrieuse tant qu'elle resta libre. En dépit des entraves dont on l'a chargée, elle conserve encore

un peu de commerce. Sa marine marchande n'est point à mépriser; et par les progrès que l'agriculture a faits dans la Toscane ainsi que dans la Lombardie, il est facile de pressentir ceux qu'elle ferait ailleurs avec d'autres encouragements et avec d'autres ressources.

L'unité n'est pas moins nécessaire que la liberté au développement matériel de l'Italie. Napoléon lui en communiqua les premiers instincts en introduisant dans ce pays nos lois civiles et notre système administratif, dont les débris y figurent encore parmi tant d'autres ruines. Le rapprochement des intérêts commerciaux doit achever ce que l'impulsion de l'esprit français avait commencé.

Il fallut une révolution dans le gouvernement pour amener en France la suppression des douanes intérieures. La pensée d'une association de douanes n'a été accueillie pareillement par quelques-uns des princes italiens que le jour où ils venaient d'admettre celle d'un gouvernement constitutionnel. La liberté commerciale est le contraire de la liberté politique; et l'une mène à l'autre pour les esprits de bonne foi. Après les manifestations libérales dont le pape, le grand-duc de Toscane et le roi de Sardaigne avaient pris l'initiative au delà des Alpes, ils devaient sentir le besoin de rapprocher leurs intérêts pour unir leurs forces. De là, le traité du 3 novembre 1847, dont voici le texte, traduit sur la publication officielle qu'en a faite le journal de Turin.

« Monsignor Corboli Bussi, prélat domestique de S. S., et M. le chevalier Martini, chambellan de S. A. I. et R. ie grand-duc de Toscane, s'étant réunis le 3 novembre au ministère des affaires étrangères de S. M. le roi de Sardaigne, out signé la déclaration suivante :

«S. S. le souverain pontife Pie IX, S. M. le roi de Sardaigne et S. A. R. et I. le grand-duc de Toscane et duc de Lucques, animés sans cesse du désir de contribuer par leur union à tout ce qui peut accroitre la dignité et la prospérité de l'Italie (all' incremento della dignita et della prosperita italiana); persuadés, en outre, que la base vraie et essentielle de l'union de l'Italie consiste dans la fusion des intérêts matériels des populations qui forment leurs Etats respectifs; convaincus, d'un autre côté, que ce sera là le moyen le plus efficace pour accroitre avec le temps l'industrie et le commerce

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