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N 32

BIBLIOGRAPHIE

Les Chaussées en béton de ciment aux États-Unis (1)

Par M. FÉRET,

Chef du Laboratoire des Ponts et Chaussées de Boulogne-sur-Mer.

A la suite de divers essais peu encourageants, dont il a été rendu compte au deuxième Congrès international de la route, tenu à Bruxelles en 1910, l'emploi des chaux et des ciments pour la construction et l'entretien des chaussées est tombé en complet discrédit auprès des ingénieurs français ; au cours de la discussion générale, le Congrès a même refusé de ranger ces matériaux au même rang que les autres en vue de ces applications spéciales.

Pourtant, les insuccès obtenus dans beaucoup des expériences relatées n'ont rien qui doive surprendre, si l'on considère les faibles dosages souvent adoptés et surtout la consistance presque toujours très mouillée des mortiers, ne pouvant donner, après prise, qu'une masse poreuse et sans résistance. Il est hors de doute qu'on arriverait à des résultats bien meilleurs en employant des bétons composés et mis en œuvre d'après des principes plus rationnels.

Un argument en faveur de cette thèse est fourni par le grand développement que les chaussées en ciment ont pris depuis quelques années aux États-Unis. Rien que dans l'État d'Ohio, 39 de ces routes ont été faites de 1910 à la fin de 1913. En février 1914, a eu lieu, à Chicago, un congrès national pour la construction des routes en béton, au cours duquel diverses commissions, ainsi que des ingénieurs isolés, ont présenté des rapports pleins d'intérêt. Une enquête a été faite dans un grand nombre de villes américaines sur la manière dont ces

(1). Portland Cement Concrete Pavements for Country Roads, by Charles H. MOOREFIELD and James T. VOSHELL, Senior Highway Engineers. United States Department of Agriculture; Bulletin n° 249 july 26 1915. 1 brochure in-8, 34 p., XI planches. Washington, Government Printing Office, 1915.

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chaussées s'y étaient comportées, et la plupart des renseignements recueillis ont été favorables.

Tout récemment, deux ingénieurs américains, MM. Charles H. MOOREFIELD et James T. VOSIELL, ont résumé d'une manière très claire l'état actuel de la question dans une notice publiée, parmi beaucoup d'autres, par l'Office of Public Roads, organisation officielle qui a entrepris l'étude systématique de toutes les questions intéressant la construction et l'entretien des routes. L'emploi du béton de ciment n'est, en effet, qu'un procédé très particulier, et d'innombrables recherches sont également en cours, de l'autre côté de l'Atlantique, sur les divers autres genres de matériaux auxquels on peut recourir, notamment sur les produits goudronneux, asphaltiques et bitumineux. Des rapports annuels du Directeur et de fréquents bulletins rendent compte des travaux effectués et des résultats obtenus.

Le travail en question forme le bulletin n° 249 de cette série de publications. Il expose d'abord que, jusqu'en 1909, la construction des chaussées en béton n'a fait l'objet, aux États-Unis, que d'essais à petite échelle; puis ce procédé s'est développé progressivement, comme l'indique la statistique ci-dessous des surfaces construites pendant chacune des années suivantes :

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De ce rapide développement il ne faudrait pas conclure trop hâtivement que le béton de ciment se prête d'une manière économique à toutes les conditions du trafic; suivant les cas, les ingénieurs doivent faire un choix judicieux entre les divers modes de construction possibles.

Les principaux avantages des chaussées en béton sont les suivants : 1o Jusqu'à présent, elles semblent se bien comporter dans les conditions ordinaires de trafic suburbain et rural,

2o Leur surface unie ne présente qu'une très faible résistance au roulement des véhicules, sans être trop glissante pour les chevaux ; 3o Elles ne donnent pas de poussière et sont d'un nettoyage facile; 4o Leur entretien est très économique jusqu'au moment où il faut les renouveler complètement ;

5o Arrivées à ce point, elles forment encore une base excellente pour la nouvelle couche superficielle;

6o Elles sont d'un aspect agréable.

Par contre, elles présentent certains inconvénients :

1o Elles sont un peu bruyantes, sous les pieds des chevaux;

2o Les joints de dilatation qu'on est obligé d'y ménager sont une cause de détérioration à laquelle on n'a pas encore pu remédier d'une manière bien efficace; ils n'empêchent d'ailleurs pas toute fissuration;

3o On ne peut les réparer aussi vite ni aussi bien que les autres types de chaussées.

Les qualités qu'on doit rechercher avant tout sont la résistance, l'élasticité et l'homogénéité. A cet effet, les matériaux doivent être choisis avec soin. Le ciment doit satisfaire aux conditions normales américaines. Le sable exerce une influence considérable; il doit être composé de gros grains et de grains fins avec prédominance des premiers et ne pas contenir plus de 3% d'impuretés, sans éléments organiques ni aucune souillure adhérente. Les pierres doivent toutes traverser une passoire à trous ronds de 38 mm. de diamètre et rester sur une autre à trous de 6,4 ou mieux de 9,5 mm. Ces trois matériaux doivent être mélangés dans les proportions, en poids (?), de 1: 11/2: 3 quand on emploie du gravier, et de 1: 1 3/4: 3 dans le cas de pierres cassées.

Il existe deux types fondamentaux de chaussées en béton, selon qu'elles sont construites en une seule couche homogène ou en deux assises de compositions différentes. En principe, le premier mérite la préférence, en ce qu'il est d'une exécution plus simple et présente continuellement une mème résistance à l'usure, sans risques de décoldement. Pourtant, il est des cas où le second doit être choisi par exemple, quand on n'a, sur place, que des matériaux de mauvaise qualité; on se sert alors de ceux-ci pour la première couche, où, en même temps, on peut économiser sur le ciment, et l'on réserve pour la seconde assise un béton plus riche, fait avec de bons matériaux transportés d'une autre région. Il va sans dire que, dans ce cas, il importe que le second béton soit appliqué avant que le premier ait terminé sa prise, de manière que la liaison soit parfaite.

Le béton peut reposer soit sur une ancienne chaussée, dont on a eu soin de niveler et même de sabler la surface pour faciliter le glissement lors des dilatations, soit par une fondation spéciale. Celle-ci doit être bien drainée, amenée ensuite à une résistance suffisante, enfin présenter une section, plane ou bombée, bien uniforme. Le profil horizontal exige plus de béton au milieu, mais donne lieu plus rarement à des fissurations longitudinales.

Des formes en bois ou en métal sont fixées bien d'aplomb sur la fondation pour limiter latéralement le béton.

Celui-ci doit rester toujours identique à lui-même au cours d'un même travail; sa préparation a lieu de préférence dans des appareils mécaniques, et sa mise en œuvre exige diverses précautions. On règle sa surface avec un gabarit à un niveau supérieur à celui qu'il doit finalement atteindre; puis on le pilonne sur toute la largeur de la chaussée avec une sorte de cerce présentant le profil définitif de celle-ci et qu'on manie par ses deux bouts, des accotements. Enfin, on finit la surface avec une sorte de râcloir de même forme, manœuvrée par des ouvriers circulant sur des ponts volants, de manière à la rendre plus ou moins lisse ou rugueuse, selon les instructions données par l'ingénieur.

Pour permettre les contractions et dilatations résultant des variations de température et surtout d'humidité, il est indispensable de réserver des joints de place en place. En général, l'espacement des joints transversaux est de 7 m. 50 à 15 m. ; il convient de les incliner d'environ 75° sur l'axe de la chaussée pour qu'ils ne soient pas attaqués simultanément par les deux roues d'un même essieu. Quand la largeur de la chaussée dépasse 6 mètres, des joints longitudinaux sont également nécessaires. Un premier mode de fabrication des joints consiste à encastrer dans le béton des planches d'environ 16 mm. d'épaisseur, affleurant ses deux faces; mais le bois s'use plus vite que le béton voisin, dont les arêtes ne tardent pas à se détériorer. On peut encore limiter les planches à 76 mm. environ au-dessous de la surface supérieure du béton, que l'on fait alors continue; il se produit bientôt, en ces points faibles, des fissures régulières, qu'on lute avec un mastic bitumineux. Un autre procédé consiste à opérer comme dans le premier cas, enlever les planches après la prise et remplir leur place avec un pareil mastic. Mais le plus répandu, semble-t-il, est basé sur l'emploi de lames spéciales en feutre bituminé, mises en place en même temps que le béton.

Il est essentiel de protéger le béton d'une dessiccation trop rapide, qui produirait des gerçures, amorces d'une fissuration ultérieure. A cet effet, on le recouvre, aussitôt réglé, de prélarts de dimensions appropriées, que l'on arrose et laisse environ 24 heures, jusqu'à ce que le dallage puisse supporter le poids d'un homme; puis on remplace ceux-ci par une couche de terre d'environ 5 cm., qu'on laisse deux semaines.

Pour éviter les fendillements, on arme souvent le béton d'un treillis métallique; on pourrait également disposer, à 5 cm. au-dessus de sa face inférieure, un quadrillage en fers ronds de 6 mm. espacés de 30 cm. dans les deux sens. Ces diverses armatures augmentent le prix de revient de 0 fr. 90 à 1 fr. 20 par mètre carré et rendent les réparations difficiles.

On a essayé de recouvrir la surface du béton de divers types d'enduits bitumineux, dans le but multiple de remplacer les renouvellements périodiques par un entretien continu, d'atténuer l'effet destructeur des sabots et des antidérapants, de masquer les joints de dilatation et d'avoir une surface moins brillante. Le principal défaut de ces enduits est de s'user irrégulièrement, et il est, d'ailleurs, plus économique de les employer sur des routes en macadam. On manque encore d'éléments certains pour formuler des règles relatives à leur composition et à leur mode d'application.

La main-d'œuvre représente entre le tiers et la moitié du prix de revient total des chaussées en ciment; aussi importe-t-il d'organiser le travail d'une manière rationnelle et économique. Les auteurs donnent de nombreux détails à ce sujet, ainsi que des plans de dispositions de chantiers. Un des principes essentiels à observer est d'avoir toujours assez de travail préparé à l'avance pour que la bétonnière ne chôme pas, en dehors des jours de mauvais temps. La principale difficulté est l'approvisionnement régulier des divers matériaux dans les proportions. voulues. Suivant les cas, il peut y avoir avantage à installer une voie ferrée de chantier sur l'un des accotements de la route ainsi qu'à employer des appareils mécaniques de déchargement. Souvent la consommation d'eau prévue et les moyens d'adduction sont insuffisants.

Après avoir étudié les divers éléments dont on doit tenir compte pour établir le devis d'un projet, les auteurs exposent que le prix de revient des chaussées en béton est très variable selon les conditions locales. A titre d'exemple, ils donnent le détail des dépenses correspondant à diverses routes de l'Illinois, atteignant, au total, de 4 fr. 75 à 6 fr. 20 par mètre carré.

Outre les joints de dilatation, les causes les plus fréquentes de détérioration du béton sont la présence dans celui-ci de débris végétaux, de conglomérals argileux ou de mauvaises pierres; elles se traduisent par des trous en forme de cupules, par des fissures ou même par la désagrégation de zones d'une certaine étendue. On Ꭹ remédie en avivant au ciseau le contour des parties endommagées, y coulant du goudron et étendant ensuite du gros sable ou des petites pierres. Une chaussée bien faite doit s'user uniformément.

La note se termine par un texte minutieusement établi, type de cahier des charges, pour la préparation et la construction des chaussées en béton de ciment.

Il est regrettable que les auteurs n'aient rien dit de l'épaisseur qu'il convient de donner à la couche, simple ou double, de béton (1). Évi

(1). Un des croquis indique seulement une épaisseur de 18 à 23 cm. au milieu de la chaussée représentée.

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