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MÉMOIRES ET DOCUMENTS

L'utilisation du Nil, par Jean OTT, Ingénieur des Ponts
ethaussées.

Viaduc sur l'étang de Caronte (Ligne de Miramas à
l'Estaque. Note par MM. E. CHARTIÉE, Ingénieur
principal, et G. BLOT, Ingénieur de la Compagnie des
chemins de fer de Paris à Lyon et la Méditerranée
(fin).

CHRONIQUE

L'usine d'énergie de Porjus pour l'électrification des che-
mins de fer suédois par M. GOUPIL, Ingénieur en chef
des Ponts et Chaussées..

BIBLIOGRAPHIE

Les Grandes voûtes en maçonnerie, par Paul SÉJOURNÉ,
Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées. Compte
rendu par M. de PRÉAUDEAU, Inspecteur Général des
Ponts et Chaussées, en retraite...

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N° 12

L'UTILISATION DU NIL

PAR

JEAN OTT

Ingénieur des Ponts et Chaussées.

Monsieur le Ministre des Travaux publics ayant bien voulu, à l'occasion de notre récent voyage en Égypte, nous charger d'une mission ayant pour objet l'étude des voies et moyens employés par le Gouvernement Khédivial pour le développement de l'hydraulique agricole et l'utilisation des eaux du Nil, nous avons l'honneur de développer ci-après les considérations générales auxquelles nous sommes arrivé à ce sujet, après avoir visité de la mer à Khartoum la vallée de ce grand fleuve, et nous être mis en rapport avec les différentes autorités et administrations chargées tant en Égypte qu'au Soudan Anglo-Égyptien du Service des Irrigations, tâche qui nous a été largement facilitée par les lettres de recommandation délivrées par M. le Ministre des Affaires étrangères. Nous gardons une particulière reconnaissance pour leur bienveillant accueil à Leurs Excellences Ismaïl Pacha Sirry, Ministre des Travaux publics du Gouvernement Khédivial, et Mohamed Moheb Pacha, que le même Gouvernement vient de mettre à la tête du Ministère de l'agriculture nouvellement créé. Nous tenons à rendre hommage également à tous ceux qui, au cours de cette mission, nous ont aidé de leurs conseils et de leur expérience, et dont les noms trouveront naturellement place au cours des pages qui suivent.

Ann. des P. et Ch. MÉMOIRES, 1915-III.

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Ce n'est point par l'abondance de ses eaux que le Nil est un fleuve remarquable, mais seulement par l'effet utile qu'on en peut tirer. A Khartoum, par exemple, après la réunion de ses deux branches maîtresses (le Nil Blanc et le Nil Bleu), et alors que le parcours qu'il lui reste à accomplir jusqu'à la mer est encore d'environ 3.100 km., au cours desquels il ne recevra plus qu'un seul affluent suffisant à compenser ses pertes, le Nil débite annuellement en moyenne 110 milliards de mètres cubes d'eau (1), ce qui est moins que le débit annuel moyen du Rhône à Beaucaire.

Par contre l'effet utile qu'on peut attendre de cette quantité d'eau est considérable, et suivant qu'au cours des temps on a su, ou non, se servir du Nil, on est arrivé à des résultats variant dans des proportions extraordinaires. C'est qu'en effet, s'il est vrai de répéter après Hérodote : « l'Égypte est un présent du Nil»>, il est faux de s'imaginer comme on le fait communément, que c'est un présent gratuit; il faut beaucoup de travail et d'intelligence pour mettre en valeur ce présent.

L'idée qu'on a généralement d'une espèce de miracle naturel donnant spontanément, sans fatigue et sans effort, des fruits merveilleux est cruellement démentie par la réalité. L'effort se manifeste incessamment aux yeux dans les plaines d'Égypte, soit qu'on y remarque les fellahs demi-nus monter d'étage en étage, au moyen de balanciers, les seaux d'eau qu'ils puisent dans des trous creusés en plein lit des canaux presque toujours taris, même pendant les mois qui suivent l'inondation; soit qu'on considère les manèges attelés de bœufs et qui font tourner presque jour et nuit les roues verticales suspendues sur le fleuve, et auxquelles sont attachées les longues chaînes pendantes

(1). Ce débit à Khartoum ne résulte encore que d'un petit nombre d'observations; c'est sensiblement celui de l'année 1908. A Assouan, à 1.200 km. de la mer, le Nil a débité de 1871 à 1887 une moyenne annuelle de 93 milliards 795 millions de mètres cubes avec un maximum de 127 milliards environ et un minimum de 54 milliards environ (BAROIS, Les Irrigations en Égypte, 1911, pages 36-37). Entre Khartoum et Assouan, la déperdition des eaux est, on le voit, considérable.

portant des pots; soit enfin qu'on visite les installations modernes des usines élévatoires, où moteurs et bielles ronflent sans repos.

Peut-être l'Égypte est-elle restée pendant longtemps, dans les temps préhistoriques, le simple lit majeur du Nil où croissaient, quand les eaux d'inondation s'étaient retirées dans le lit mineur, des récoltes bâtives. parmi des marécages pleins de roseaux. Mais bien vite les habitants s'aperçurent qu'on pourrait tirer un meilleur parti du bienfait de cette crue quasi régulière, et dès l'époque des premiers Pharaons, tout le pays se morcela en un réseau de bassins d'inondation, pourvus de digues et de canaux qu'il fallait entretenir et réparer chaque année. On y créa même, selon des auteurs dignes de foi, un immense réservoir destiné à emmagasiner les eaux d'inondation, le presque fabuleux lac de Moeris, dont le rôle, double, devait être d'amortir les crues dangereuses et de distribuer l'eau emmagasinée quand il se produisait des étiages trop bas. L'Égypte connut, sous ce régime, une prospérité proverbiale, mais du déclin de l'empire romain jusque vers le 1er quart du XIXe siècle, les vieilles méthodes étant tombées dans l'oubli, les vieux ouvrages étant détruits, le rendement agricole alla toujours diminuant. Il fallut l'impulsion intelligente du premier vice-roi pour remettre ce pays dans une voie digne de son passé. On peut en dire autant de la Haute-Nubie située en amont de Wady-Halfa, et qui fut autrefois très prospère. Quant au Soudan proprement dit, qui s'étend en amont de la Haute-Nubie jusque vers le 5° degré de latitude Nord, c'est encore actuellement une grande plaine inculte, mais parcourue comme elle l'est par les deux Nils et leurs affluents, pouvant bénéficier du surplus d'eau inutile à l'Égypte, elle arrivera certainement à donner, sous la direction de ses nouveaux maîtres, des surfaces cultivées importantes; la civilisation pharaonique n'ayant jamais poussé jusque là, ce sera pour ce pays la pre

mière mise en valeur.

Nous concluons que les terrains traversés par les cours d'eau du bassin du Nil peuvent soit redevenir presque incultes, soit

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