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Art. 107. « Si une chose commune à plusieurs << ne peut être partagée commodément et sans « perte,

«Ou si, dans un partage fait de gré à gré de biens • communs, il s'en trouve quelques-uns qu'aucun « des copartageants ne puisse ou ne veuille « prendre,

La vente s'en fait aux enchères, et le prix en est partagé entre les copropriétaires. »

Art. 108. « Chacun des copropriétaires est le maître de demander que les étrangers soient « appelés à la licitation. Ils sont nécessairement a appelés lorsque l'un des copropriétaires est mi

neur. »

Art. 109. Le mode et les formalités à observer pour la licitation sont expliqués au titre des a successions et au Code judiciaire. »

CHAPITRE VIII.

Du transport des créances et autres droits incorporels.

Art. 110. Dans le transport d'une créance, « droit ou action sur un tiers,la délivrance s'opère, • entre le cédant et le cessionnaire, par la remise « du titre. >>

Art. 111. « Le cessionnaire n'est saisi, à l'égard « des tiers, que par la signification du transport « faite au débiteur.

« Néanmoins le cessionnaire peut être égaleament saisi, soit par l'acceptation du transport faite par le débiteur présent à l'acte authentique, soit par ladite acceptation contenue dans tout autre acte authentique »

Art. 112. « Si, avant que le cédant ou le ces⚫sionnaire eussent signifié le transport au débia teur, celui-ci avait payé le cédant, il sera valaablement libéré. »

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Art. 113. La vente ou cession d'une créance comprend les accessoires de la créance, tels que caution, privilége et hypothèque. »

Art. 114. « Celui qui vend une créance ou autre « droit incorporel doit en garantir l'existence • au temps du transport, quoiqu'il soit fait sans « garantie. »

Art. 115. « Il ne répond de la solvabilité du dé« biteur que lorsqu'il s'y est engagé, et jusqu'à a concurrence seulement du prix qu'il a retiré de « la créance. »

Art. 116. « Lorsqu'il a promis la garantie de a la solvabilité du débiteur, cette promesse ne « s'entend que de la solvabilité actuelle, et ne « s'entend pas au temps à venir, si le cédant ne « l'a expressément stipulé.

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Art. 117. « Celui qui vend une hérédité sans en • spécifier en détail les objets, n'est tenu de gaarantir que sa qualité d'héritier. »

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Art. 118. S'il avait déjà profité des fruits de quelque fonds, ou reçu le montant de quelque « créance appartenant à cette hérédité, ou vendu « quelques effets de la succession, il est tenu de les rembourser à l'acquéreur, s'il ne les a • expressément réservés lors de la vente. »

Art. 119. « L'acquéreur doit, de son côté, reme bourser au vendeur ce que celui-ci a payé pour << les dettes et charges de la succession, et lui

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« 1o Dans le cas où la cession a été faite à un « cohéritier ou copropriétaire du droit cédé; « 2° Lorsqu'elle a été faite à un créancier en « paiement de ce qui lui est dû;

3° Lorsqu'elle a été faite au possesseur de « l'héritage sujet au droit litigieux. »

Le Premier Consul ordonne que le titre ci-dessus sera communiqué officieusement, par le secrétaire général du Conseil d'Etat, à là section de législation du Tribunat, conformément à l'arrêté du 18 germinal an X.

RÉGIME HYPOTHÉCAIRE.

Le citoyen Bigot-Préameneu, au nom d'une partie de la section de législation, fait l'exposé suivant des motifs du régime hypothécaire adopté dans le projet de Code civil.

Ce rapport est ainsi conçu :

Le nouveau système de la publicité et de la spécialité des hypothèques est-il préférable aux règles suivies dans cette matière jusqu'à la loi du 11 brumaire an VII?

«Les motifs qui s'opposent à ce que ce système soit adopté vont être exposés.

« On rappellera quelle est, dans cette matière, l'ancienne législation que l'on propose de maintenir, et l'on discutera ensuite les questions de publicité et de spécialité.

SECTION PREMIÈRE.

État de la législation jusqu'à l'an VII. "Un principe fondamental sur lequel il ne peut « y avoir diversité d'opinions, se trouve rappelé « en tête de tous les projets de loi sur les hypo«<thèques : Quiconque s'est obligé personnellement, « est tenu de remplir son engagement sur tous ses « biens mobiliers et immobiliers présents et à ve« nir.

« La conséquence de ce principe est que le cré« dit de celui qui contracte un engagement se « compose, non-seulement de ses immeubles, « non-seulement de tous ses biens actuels, mais << encore de ceux que sa bonne conduite, que son <«< industrie, que l'ordre naturel des successions, << peuvent lui faire espérer.

«Les Romains, nos maîtres en législation, n'ont jamais fait la moindre dérogation à un principe aussi fécond dans ses heureux effets. Si, d'une part, ils ont voulu faire reposer la foi des engagements sur tout ce que le débiteur possède et pourra posséder, ils auraient également cru porter atteinte au droit de propriété du débiteur, s'ils l'avaient privé de l'avantage d'offrir, dans toute son étendue, la garantie qui est en son pouvoir. « Quant aux droits des créanciers entre eux, ils étaient réglés sur des principes d'équité.

« Dans tous les temps, il s'est trouvé des créanciers qui, non contents d'une obligation personnelle et générale, ont voulu rendre leur créance

préférable à celle des autres créanciers. Ils ont exigé qu'on mit en leur possession des choses mobilières, qui devinssent ainsi leur gage spécial, ou que le débiteur affectât, sous le nom d'hypothèque, tout ou partie de ses biens présents et à venir. Le débiteur n'était point dépossédé par l'effet de cette hypothèque, mais il ne pouvait disposer du bien hypothéqué qu'avec la charge dont il était grevé envers le créancier : celui-ci pouvait le suivre entre les mains des tierces personnes auxquelles il aurait été transmis, et son droit ne se perdait que par la prescription.

« Ainsi le créancier avait, du moment où l'engagement était contracté, un droit réel sur le bien hypothéqué, droit considéré comme un accessoire à l'engagement, et qui conséquemment s'appliquait aux biens présents et aux biens futurs.

«De là ces règles que le créancier hypothécaire est préféré à celui qui n'a qu'une obligation personnelle, et que dans le concours de plusieurs créanciers hypothécaires, celui dont l'hypothèque remonte à une date antérieure est préférable.

« Tel était l'ordre simple entre les créanciers qui avaient obtenu l'hypothèque par convention avec le débiteur; mais il est aussi des engagements qui, par leur objet et par des principes d'humanité ou de justice, doivent être exécutés de préférence aux autres conventions, et conséquemment aux hypothèques qui en sont l'accessoire; ce sont les créances qui, par ces motifs, sont mises comme privilégiées dans une classe à part. Il faut qu'à cet égard les règles de l'équité soient aussi impérieuses que certaines, puisqu'elles se retrouvent dans tous les temps et dans tous les Codes.

« Il est encore des engagements qui se forment sans convention, et par l'autorité de la loi. Elle intervient alors pour conserver aux créanciers un droit que la nécessité de maintenir l'ordre public doit garantir; et du moment que ce droit légal est établi, il ne doit plus dépendre du débiteur d'attribuer à un autre, par simple convention, un droit d'hypothèque qui puisse prévaloir.

«Telles sont les hypothèques que la loi donne à la femme sur les biens de son mari, aux mineurs et aux interdits sur les biens des tuteurs, etc.

« La force des jugements n'eût été qu'illusoire, si le condamné eût pu ensuite, par une simple convention d'hypothèques, donner sur ses biens un droit préférable : il était encore d'une nécessité absolue que les condamnations judiciaires, comme les engagements légaux, eussent, suivant leur date, rang au nombre des dettes hypothécaires.

«Telle est en peu de mots cette théorie simple qui, depuis tant de siècles, fixe les droits entre les créanciers et les débiteurs, et les droits des créanciers entre eux; théorie fondée sur l'usage le plus étendu du droit de propriété, soit pour assurer le sort des créanciers, soit pour multiplier le crédit et les ressources du débiteur; théorie qui n'a jamais souffert d'altération chez le peuple le plus profond dans la science des lois civiles; théorie avec laquelle la France était parvenue au plus haut degré de prospérité; théorie qui ne peut peut être détruite ou altérée sans porter atteinte à l'ordre public, et spécialement au droit le plus sacré de tous, celui de la propriété.

«Les changements que la législation romaine avait essuyés en France avant la loi du 11 brumaire an VII n'avaient rien de contraire aux principes qui viennent d'être exposés.

« Les Romains donnaient à l'hypothèque le même effet sur les meubles que sur les immeubles, et cette règle s'était conservée dans quelques parties de la France.

<«< Mais on avait en général reconnu qu'il était très-difficile, ou le plus souvent impossible, de suivre les meubles dans les mains des tierces personnes auxquelles le débiteur les avait transmis. Cette sorte d'hypothèque a été regardée comme nulle, ou comme moins utile que nuisible au créancier, à cause de la difficulté de l'exercer. De là cette règle que les meubles n'ont point de suite par hypothèque, règle regardée comme si raisonnable, que, dans les divers projets de loi qui sont présentés, on la conserve.

« A Rome, l'hypothèque pouvait s'établir par le seul effet d'une convention, sans qu'il fût besoin du ministère d'un officier public, et même sans écrit. L'empereur Léon exigea seulement qu'une pareille stipulation se fit en présence de trois témoins dignes de confiance.

«En France, on a voulu que l'hypothèque eût une date certaine, et il a été statue que, pour la constater, il était nécessaire qu'il y eût un acte passé devant notaire ou reconnu en jugement.

« Cette mesure a encore été, quelque parti que l'on prenne, regardée comme nécessaire.

« Les partisans de la loi nouvelle ne cessent de répéter que, par l'édit de 1771, on a créé, pour les hypothéques, un système qu'ils prétendent mettre en opposition avec celui de l'an VII.

« L'édit de 1771 n'est qu'un règlement de procédure. On a voulu faire cesser l'abus des décrets volontaires.

« Les lois sur les ventes forcées avaient établi que l'adjudication, précédée des formes prescrites, mettait l'adjudicataire à l'abri des recherches de tous les créanciers, de ceux même ayant hypothèque.

«Mais, dans les ventes volontaires, l'acquéreur pouvait, suivant les règles ordinaires du droit, être inquiété pendant tout le temps que la loi donnait aux créanciers pour exercer leurs droits d'hypothèque. La crainte de laisser les acquéreurs dans une trop longue incertitude avait faìt introduire l'usage de remplir, sous le nom de décret volontaire, les mêmes formalités que si le décret eût été forcé. L'acquéreur parvenait ainsi à rendre son immeuble libre des hypothèques dont le vendeur l'avait grevé; mais cette procédure, quoique longue et dispendieuse, n'était, dans la vérité, qu'un vain simulacre. D'une part elle était onéreuse à l'acquéreur, et, de l'autre, les créanciers se trouvaient le plus souvent dépouillés de leurs droits sans avoir eu connaissance de ces poursuites illusoires.

« Ce fut pour prévenir ce double abus qu'on voulut, par l'édit de 1771, donner aux ventes une publicité telle, que les créanciers pussent en être avertis. On imposa aux acquéreurs l'obligation d'afficher leurs contrats pendant deux mois, et de les notifier aux créanciers qui auraient formé leurs oppositions au bureau des hypothèques. Au moyen de ces formalités, qui, sans contredit, étaient préférables au décret volontaire, les acquéreurs recevaient, sous le titre de lettres de ratification, un acte d'affranchissement de toutes les hypothèques des créanciers qui auraient négligé de s'opposer avant le sceau de ces lettres. Art. 7).

«Dans ce système, l'opposition n'était point nécessaire pour établir le droit d'hypothèque, mais seulement pour l'exercer sur le prix de l'immeuble vendu, et les créanciers n'étaient point payés suivant l'ordre des oppositions, mais suivant la date de leurs hypothèques. Le droit des créanciers était conservé, lors même qu'ils n'avaient point formé d'opposition avant l'alié

nation de l'immeuble, pourvu qu'ils s'opposassent avant le sceau des lettres. Ils étaient regardés comme suffisamment avertis par une affiche dans l'auditoire pendant deux mois; et la peine de leur négligence était d'ètre privés du droit qu'ils auraient eu dans la distribution de l'immeuble vendu, lorsqu'ils ne se présentaient pas à cet appel. On n'avait cependant pas cru pouvoir mettre ainsi les acquéreurs à l'abri des hypothèques légales qui sont énoncées dans l'édit.

La forme de déchéance, établie par cet édit, était sans doute sujette à des inconvénients: les rédacteurs du projet de Code sont les premiers à désirer que de meilleurs moyens lui soient substitués; il leur suffit d'avoir observé que la loi de 1771 n'a eu aucunement pour objet d'établir un nouveau régime d'hypothèque, et qu'il ne porte aucune atteinte aux príncipes en cette matière.

"Changer le mode de créer les hypothèques, vouloir que de simples hypothèques, si elles sont inscrites, l'emportent, malgré l'évidence de l'équité, sur des priviléges résultant de la nature même de la créance, réduire le débiteur à n'offrir pour gage que ses biens présents, ne l'autoriser à hypothéquer tous ses biens présents qu'avec des formalités ruineuses, voilà ce qu'on doit appeler une grande et effrayante innovation; et ce qui doit encore être ainsi qualifié, lorsque l'on compare son existence depuis cinq ans, avec plus de vingt siècles pendant lesquels il n'est point à croire que l'on ait méconnu quels sont les droits respectifs des débiteurs vis-à-vis des créanciers, et des créanciers entre eux, et quel est le régime le plus convenable soit au crédit général, soit à l'ordre public.

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Cependant les auteurs de la loi de l'an VII ont cru qu'il n'y aurait de propriété en France que sous les conditions suivantes :

«La première, qu'aucune hypothèque ou privilége n'aurait d'effet que du jour de l'inscription sur un registre public;

« La deuxième, que chaque créancier serait tenu de se contenter d'une hypothèque spéciale.

SECTION II.

De la publicité des hypothèques.

§ Ier.

Divers essais du fisc pour établir cette publicité.

« L'idée de la publicité des hypothèques n'est point nouvelle; les gens de finance ont depuis très-longtemps provoqué ce régime, avec la perspective que ce serait pour le fisc une mine trèsriche à exploiter. Elle a été introduite dans la Belgique et dans quelques parties de la France par les seigneurs de fiefs, sous le nom de nantissement, pour multiplier leurs droits de mutations.

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L'origine du contrôle des actes remonte à Henri III. Un édit du mois de juin 1581 créa dans chaque siége royal un office de contrôleur des titres, pour enregistrer tous les contrats qui excéderaient cinq écus de principal, ou trente sous de rente foncière; et l'on mit, pour peine du défaut de contrôle et d'enregistrement de ces actes, qu'ils n'emporteraient point de droit de propriété ni d'hypothèques.

« On ne songeait certainement pas, dans cette loi, à établir le crédit général : les offices ne purent être établis que dans un petit nombre de lieux; l'opinion publique l'emporta; l'édit fut révoqué en 1588.

«Le moyen d'assurer la date des actes par le contrôle fut reproduit et mis à exécution sous le règne de Henri IV; mais il ne fut plus question

de faire dépendre de cette formalité les hypothèques et la transmission de propriété.

« Le fisc avait réussi à établir le contrôle, en présentant un motif d'utilité, celui d'assurer la date des actes; il fit, en 1673, à cette époque où Louis XIV épuisait tous les moyens d'asseoir des impôts, un nouvel essai, sous le prétexte de conserver les fortunes en assurant les hypothèques, et de donner aux débiteurs solvables les moyens de constater leur solvabilité, en garantissant leurs biens d'être consumés en frais de justice.

« L'édit du mois de mars 1673 créa des greffes où les créanciers devaient former leurs oppositions, et ces oppositions devaient contenir les sommes ou les droits pour lesquels elles étaient formées.

« Les hypothèques enregistrées sur les biens présents, dans le délai de quatre mois, à compter de la date des titres, et dans un pareil délai, à compter du jour où de nouveaux biens surviendraient au débiteur, étaient préférés aux hypothèques antérieures ou même privilégiées qui n'auraient pas été enregistrées.

« Les créanciers avaient aussi un délai de quatre mois, en cas de mort du débiteur, pour obtenir, par l'enregistrement, la préférence sur les créanciers personnels de l'héritier.

« Les créanciers en sous-ordre étaient admis à se conformer au même régime.

«L'enregistrement avait son effet, sans qu'il fût besoin de le renouveler.

« Les hypothèques non enregistrées venaient dans l'ordre de leurs dates sur les biens restants. «Les titres de propriété des biens survenus aux débiteurs étaient notifiés aux créanciers dont les hypothèques étaient enregistrées.

«On dispensa de l'enregistrement les hypothèques légales sur les biens des maris, des tuteurs, des comptables de deniers publics, des receveurs de consignations, etc.

« Ces principales dispositions de l'édit de 1673 suffisent pour convaincre que le crédit public et le droit de propriété y étaient beaucoup moins compromis que dans le nouveau système.

« Les partisans de la loi de l'an VII disent que si cet édìt fut retiré l'année suivante, il faut l'imputer aux brigues du parlement. Ils citent le testament politique de Colbert, dans lequel on lit : « Que le parlement, qui tirait sa substance des « cent têtes de l'hydre, craignit qu'elle ne les perdit; qu'il voulut favoriser les gens de la « cour, qui n'eussent pu trouver des ressources << quand leurs affaires eussent été découvertes. »> Personne n'ignore que le livre qui a paru sous le titre de Testament de Colbert, n'est point en général regardé comme l'ouvrage de ce grand ministre on en est même encore plus persuadé à la lecture d'un passage qui ne présente que de l'animosité, des faits erronés, des idées fausses.

« C'est en 1673 que le parlement est accusé d'avoir voulu sacrifier le bien public à la chicane, lorsqu'il venait de concourir à ces ordonnances célèbres, devenues des modèles de sagesse et de simplicité, et qui avaient détruit, autant que l'intelligence humaine le permettait, l'hydre de la chicane. On n'a point reproché aux parlements, jaloux de leur pouvoir, d'être d'accord avec les gens de cour. Colbert n'eût point dit que, pour les favoriser, il fallait les laisser se ruiner de fond en comble. En effet, lorsqu'ils empruntaient au delà de leurs facultés, le moment de la déconfiture arrivait, et la famille perdait sa vraie puissance, celle de la richesse.

« Ce n'est point à ces motifs vagues et dénués

de fondement qu'il faut attribuer la révocation de l'édit de 1673. Une réclamation universelle en démontra l'injustice et les inconvénients.

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« Son premier défaut était d'être impraticable. « Cette loi, dit Basnage (Traité des hypot., chapitre 1er), était si bursale et si difficile à exécuter, qu'elle n'a point eu d'effet. »

On voulait rendre les hypothèques publiques, afin que le créancier connût pour quelle somme le bien était déjà grevé d'hypothèques antérieures ; et l'on ne songeait pas que les hypothèques les plus nombreuses sont affectées à des créances indéterminées.

«Elle ne procurait point aux créanciers la sûreté promise, puisque, dans le délai de quatre mois donné pour inscrire les hypothèques sur les registres, on pouvait y porter des hypothèques antérieures, et que le dernier prêteur ignorait.

« Il ne restait de certain que la surcharge d'un nouvel impôt, et la loi de l'an VII n'a point encore eu d'autre résultat.

« Les auteurs de cette dernière loi avaient sous les yeux le tableau des malheurs de tout genre dont les créanciers n'ont cessé d'être accablés pendant la Révolution. Non-seulement les débiteurs avaient payé avec un papier-monnaie déprécié, ou de nulle valeur, mais encore ils continuaient à employer sans pudeur les moyens les plus répréhensibles pour tromper leurs créan

ciers.

« La nation a paru aux législateurs dépravée au point qu'il ne restait plus, pour rétablir la bonne foi, d'autre ressource que celle de chercher à enchaîner les débiteurs de manière que la fraude devint impossible. Ils n'ont vu, pour y parvenir, d'autre moyen que de réduire toutes les transactions avec hypothèque à la forme d'un prêt sur gage public et spécial. Ils ont cru que la publicité donnerait aux créanciers une connaissance certaine de l'état de la fortune de leurs débiteurs, et les mettrait à l'abri de toute inquiétude sur des hypothèques antérieures. Il est impossible d'atteindre ainsi ce but, ni même d'en approcher. § II.

EFFETS DE LA PUBLICITÉ.

Insuffisance de ce moyen pour constater la fortune des débiteurs.

« Il faut distinguer plusieurs causes principales des transactions qui opèrent la circulation générale.

« Au premier rang sont les transactions commerciales et industrielles, qui, fort heureusement, se font presque toutes sans recourir à des hypothèques, et pour lesquelles les seules règles de l'équité ont été conservées dans leur pureté : il n'est point ici question de ce genre de créance.

« Au second rang, pour le nombre et l'importance, doivent être placées les hypothèques légales.

« Ce ne sont pas quelques personnes seulement, mais des classes entières de citoyens, dont les biens sont grevés de ces hypothèques :

« 1o Les maris, pour sûreté des droits de leurs femmes ;

<< 2° Celui des époux qui survit avant la majorité de tous ses enfants, ce qui est dans le cours ordinaire de la nature;

3° Tous les autres tuteurs, soit de mineurs, soit d'interdits;

« 4° Tous les héritiers acceptant des successions sous bénéfice d'inventaire ;

« 5° Tous les comptables de deniers publics;

« 60 Tous les dépositaires de justice.

« Au troisième rang sont les hypothèques conventionnelles; elles se sous-divisent en deux classes.

« L'une comprend les engagements pour des sommes déterminées.

<< L'autre classe se compose des obligations qui peuvent être indéterminées, soit relativement à la quotité, soit parce qu'elles dépendent d'une condition ou d'un événement incertain.

<< Telles sont les garanties, en cas d'éviction totale ou partielle, en matière de vente ou de partage;

Les obligations contractées sous la condition qu'un événement arrivera ou n'arrivera pas, et en général sous des conditions suspensives ou résolutoires;

« Les libéralités faites pour le cas de survie; « Les obligations dont l'objet est susceptible d'une liquidation plus ou moins longue, plus ou moins incertaine.

« Au quatrième rang sont les hypothèques judiciaires, dont un très-grand nombre est encore ou indéterminé, ou incertain.

«Elles sont indéterminées, lorsque les jugements portent des condamnations à des sommes non liquides, à des restitutions de fruits, à des dommages et intérêts, à des redditions de compte, à des garanties éventuelles de valeurs incertaines.

«Les hypothèques judiciaires incertaines sont celles que donnent les jugements qui, rendus par défaut, ou susceptibles d'appel, peuvent être réformés.

« On ne saurait contester que la quantité des hypothèques indéterminées ne soit immense, et que le nombre des maris, des tuteurs, des comptables, ne soit pas beaucoup plus considérable que celui des emprunteurs par hypothèque.

« Il faut de plus observer que, par la nature des obligations que garantissent les hypothèques légales, elles sont d'une longue durée.

Les hypothèques que la loi a établies au profit des femmes ne doivent cesser qu'avec le mariage; les hypothèques au profit des mineurs durent jusqu'à ce que les comptes de tutelle aient été rendus et soldés; celles au profit des interdits, pendant toute leur vie; celles au profit du trésor national, pendant la gestion des comptables.

«Si, d'une part, les obligations pour prêt se renouvellent, cela est plus que balancé par la longue durée des engagements indéterminés.

«Le résultat final et certain est que la plus grande masse d'immeubles est habituellement grevée d'hypothèques indéterminées, et que, par ce motif, on ne peut connaître la situation de la fortune du plus grand nombre de propriétaires.

« Cet obstacle au nouveau projet est insurmontable c'est en vain que ses auteurs cherchent à l'éluder en proposant de soumettre à une évaluation une partie des hypothèques indéterminées. Les hypothèques indéterminées ne sont pas susceptibles d'évaluation.

« C'est une mesure que l'on n'avait même pas cru pouvoir admettre dans la loi de l'an VII ; il serait impossible de l'exécuter: elle causerait des procès sans nombre; elle ne saurait être favorable ni au créancier ni au débiteur.

« Les hypothèques indéterminées ne sont pas susceptibles d'évaluation, même approximative. Comment apprécier les droits qui peuvent, pendant tout le cours du mariage, devenir l'objet de l'hypothèque d'une femme sur les biens de son mari? Comment prévoir les résultats d'une

mauvaise administration, les droits qu'il aura laissé prescrire, les biens qui surviendront à la femme par succession ou autrement, et qu'il n'aura ni constatés, ni conservés; en un mot, tous les genres de fautes dont il est responsable?

Comment évaluer les gains nuptiaux, qui dépendent de l'événement de la survie?

€ La responsabilité des tuteurs n'est ni moins étendue, ni moins incertaine; et il serait également impossible d'évaluer à une somme fixe la dette éventuelle des comptables ou des dépositaires publics.

«Mais d'ailleurs quel serait le mode possible d'exécution? Quel est le genre d'arbitrage ou d'expertise qui serait employé pour fixer l'hypothèque d'une femme ou d'un mineur?

« Il n'y aurait, pour une semblable opération, aucune base. Les femmes et les mineurs ne seraientils pas exposés à des risques évidents, si l'on jugeait du mari ou du tuteur par les apparences, qui sont toujours favorables à l'époque où le mariage et la tutelle commencent, et si l'on calculait sur les biens alors existants, tandis que le plus souvent la fortune s'accroissant pendant la tutelle, exige une garantie plus forte. La loi, plus sage et plus prévoyante, a jusqu'ici établi cette hypothéque sur tous les biens présents et à venir; elle ne peut donc pas être évaluée.

Des contestations scandaleuses s'élèveraient, ou plutôt les parents eux-mêmes de la femme ou du mineur aimeraient mieux éviter toute discussion, en se rendant trop faciles, que d'ouvrir ainsi l'arène judiciaire pour une évaluation de biens et de droits respectifs de la femme contre le mari, au moment même du mariage, de l'enfant contre son père ou sa mère, au moment où la nature les appelle à se témoigner plus d'affection et à se consoler d'un malheur commun.

«L'évaluation des autres hypothèques indéterminées serait également presque toujours impossible.

« Comment prévoir à quel degré seront responsables des comptables de deniers publics, des héritiers négligents ou infidèles, qui accepteront des successions sous bénéfice d'inventaire? Comment prévoir quel sera le résultat d'une liquidation? etc. «Cependant les auteurs du nouveau projet reconnaissent que, sans évaluation, la publicité des hypothèques ne serait rien pour les tiers, auxquels il serait inutile de savoir qu'il y a une hypothèque, s'ils ignoraient pour quelle somme l'héritage se rait grevé; mais ils croient pouvoir autoriser des opérations purement arbitraires; et ils en donnent pour motifs « que la dette principale n'a pas besoin d'une estimation anticipée, mais que l'hypothèque n'est qu'une sûreté, un cautionnement qui survient à la dette et l'appuie; que c'est là ce qui doit être limité à une somme déterminée à forfait, selon le plus ou le moins d'étendue probable de la dette. »

« C'est ainsi que, pour lever un obstacle insurmontable, ils oublient ce que l'on entend par hypothèque, ils en dénaturent l'idée. Ce n'est pas la personne du débiteur qui peut répondre d'une dette, ce sont ses biens. Ses biens ne sont point un accessoire de la dette, un cautionnement; ils sont la matière directe de l'engagement. L'hypothèque est encore moins un cautionnement; elle n'a pour objet que d'assurer le droit acquis sur les biens par la priorité de date. Evaluer à forfait la partie des biens sur laquelle le créancier conservera son droit de priorité, c'est altérer ce droit; c'est soustraire une partie de la matière de la dette; c'est faire un nouveau contrat entre lui

et le débiteur; contrat qui d'ailleurs serait illicite, lorsqu'il s'agit d'une hypothèque, qui, créée par la loi et par des considérations d'ordre public, ne doit pas dépendre d'une convention.

« Il reste donc pour constant, d'une part, que la plus grande masse des immeubles est grevée d'hypothèques indéterminées, et, de l'autre, que toute évaluation de ces hypothèques serait impossible et injuste.

« Or les partisans de la publicité reconnaissent eux-mêmes qu'elle est inutile si elle ne fait pas connaître l'étendue des engagements du débiteur; ainsi ce système manque par sa base. Le système de publicité est unc interdiction aux familles de garder le secret de leurs affaires.

«Ne devrait-on pas encore être arrêté par la crainte de dépouiller les familles de la faculté de garder le secret de leurs affaires?

« Ce secret a toujours été regardé comme un des principaux droits de la liberté individuelle. « Il n'est presque aucune affaire, aucun événement de famille, qui ne soit l'occasion d'une hypothèque.

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Il faudrait, pour exiger de tous les citoyens une renonciation absolue à tout secret sur ce qu'ils ont de plus intime et de plus précieux, non-seulement qu'il n'y eût pas de doute sur l'utilité d'un pareil dévoilement, mais encore que la nécessité en fût clairement démontrée.

«Dire qu'on ne peut désirer de conserver le secret de ses affaires sans être de mauvaise foi, c'est une proposition démentie par ce sentiment que les hommes les plus probes ont de tout temps éprouvé, et par leur conduite habituelle.

«S'il se trouve des emprunteurs qui abusent d'un pareil secret, doit-on sacrifier le droit général à la crainte qu'inspirent les gens de mauvaise foi? Devrait-on écouter celui qui porterait le mépris de ses concitoyens au point de supposer que les fripons composent la généralité, et que les gens honnêtes ne font qu'une exception? Est-ce sur une pareille théorie que l'on peut faire des lois?

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<«< Mais, d'ailleurs, le propriétaire que l'on voudrait ne point admettre à emprunter avec hypothèque, si pendant toute sa vie il n'avait mis au plus grand jour toutes les transactions qui peuvent grever son patrimoine, ne devrait-il pas rester le maître de dire : « Je consens de subir cette incapacité; j'aime beaucoup mieux ne trouver jamais à emprunter que sur mon crédit personnel; il sera pour moi plus avantageux. Mais, lorsque je me soumets à l'interdiction que vous «prononcez, ne me dépouillez pas de mes droits « de privilége ou d'hypothèque, parce que je ne « vous aurai pas rendu, par une inscription, le « compte public de toutes mes affaires; compte « qui nuit à mes intérêts, qui n'est à mes yeux « qu'une inquisition odieuse, et dont on peut « abuser contre moi. »

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SECTION III.

De l'inscription considérée comme moyen d'établir les hypothèques.

Incompatibilité de ce moyen avec le droit de propriété.

Supposons qu'il soit possible de procurer au créancier une parfaite sécurité, en exigeant des inscriptions publiques; on ne doit pas employer un pareil moyen, s'il ne peut se concilier avec les principes du droit de propriété.

«Ne les renverse-t-on pas ces principes, en proposant qu'un privilége, qu'une hypothèque

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