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Les résultats de la prise de Corbeil ne furent pas en rapport avec les efforts qu'avait faits le duc de Parme pour s'en emparer, car, trois semaines plus tard, le 11 novembre, Givry qui commandait à Melun pour le Roi, vint nuitamment tenter un assaut qui réussit si bien qu'il s'empara de la ville. Nous laissons la parole à de la Barre pour nous raconter cet événement, son récit pourra ainsi servir d'épilogue à celui de Dondini.

<< Le seigneur de Givry, gouverneur de la province, après le deslogement de l'armée de la Ligue, envoya à diverses fois reconnoistre en quel estat ils avoient laissé Corbeil. Le capitaine La Ferrière m'a dit (1) qu'il vint un jour reconnoistre la brèche du port Saint-Laurens, feignant venir à la ville, et qu'abreuvant son cheval à la Pescherie (2), il vit un lansquenet qui descendoit de la brèche avec un chaudron pour puiser de l'eau en la rivière de Seine. Les seigneurs de Givry, Parabel, Marivault, Treigny, et autres capitaines avec leurs soldats, vinrent le jour Saint-Martin, sur les quatre heures après my-nuit, donner l'escalade, et entrèrent en la ville par le chemin que le lansquenet avoit tracé proche la tour du Donjon, en laquelle il y avoit une trentaine de lansquenets en garde; ils firent peu de résistance et furent taillez en pièces, et d'une suitte tous les capitaines et soldats qui se trouvèrent dans Corbeil furent tuez, sans espargner aucun, pour rendre la pareille de l'exécution que les Espagnols y avoient faite. Il n'y avoit pas beaucoup d'habitans qui fussent retournez en leurs maisons à cause du manquement de vivres, et deffaut de toutes choses en la ville, et si peu qu'il s'y en trouva, ils furent contraints de payer rançon, s'ils ne faisoient apparoir l'avoir payée aux Espagnols » (3).

Nous joignons à ce travail la reproduction de quelques gravures anciennes qui y ont rapport. C'est d'abord la vue de Corbeil, vers 1590, tirée de la Topographie françoise de Chastillon. Le dessin a dû en être fait à peu près à l'époque du siège, puisqu'on y voit figurer l'attaque du duc de Parme. Les lettres que l'on remarque sur cette estampe appellent naturellement une légende qui, malheureusement, n'a pas été publiée. Nous donnons, avec la gravure, la restitution de cette légende, faite à l'aide de documents contemporains et telle qu'elle aurait dû être. Nous espérons ainsi faciliter

(1) On voit ici que de la Barre a connu des contemporains du siège.

(2) En face de la ville, de l'autre côté de la Seine.

(3) Antiquitez de Corbeil, p. 266.

la compréhension de cette vue de Corbeil, un peu idéale peut-être, comme tous les dessins de cette époque, mais qui n'en est pas moins très intéressante.

La seconde estampe montre le plan de Corbeil et de ses fortifications vers 1640, elle est tirée de l'ouvrage de Nicolas Tassin : Les plans et profils de toutes les principales villes et lieux considérables de France, Paris, 1634.

La troisième est la reproduction de la rare et jolie gravure d'Albert Flamen, représentant le vieux château de Corbeil, tel que les Espagnols l'avaient laissé, c'est-à-dire en ruines. Elle fait partie d'un recueil intitulé: Veuë de divers paisages au naturel d'alentour de Paris, Paris, 1659.

Enfin, la pièce principale et qui complète le mieux cette série iconographique est la reproduction, toujours par l'héliogravure,de la belle planche de Romeyn de Hooghe, représentant l'assaut donné à Corbeil, dans la journée du 16 octobre 1590, avec ses violentes péripéties. Il y a certainement une part de fantaisie dans cette estampe, mais comme elle est très rare et, qu'en outre, elle explique et justifie pleinement la narration de Dondini, nous avons cru bien faire en la joignant à son récit du siège de Corbeil (1).

A. DUFOUR,

Conservateur de la Bibliothèque et des Archives

de la ville de Corbeil.

Au cours de l'impression de cette notice, l'on nous a fait remarquer l'utilité qu'il y aurait à y joindre la relation du siège de Corbeil par de la Barre, afin que les lecteurs qui s'intéressent à l'histoire de notre ville puissent comparer les récits du même événe, ment par deux historiens d'opinions opposées, l'un fougueux partisan de la Ligue, l'autre très dévoué au roi légitime, Henry IV. Cette observation nous a paru d'autant plus juste que l'ouvrage de l'historien de Corbeil est d'une grande rareté et que fort peu de personnes le connaissent ou peuvent le consulter. Nous donnerons donc, à la suite de la traduction de Dondini, le récit de la Barre dont nous respecterons le style et l'orthographe, en faisant remarquer que l'on doit accorder plus de créance à l'historien de Corbeil, ancien Prévost de cette ville, qui était mieux que personne à même de raconter les péripéties de ce siège, puisqu'il était sur les lieux mêmes, à une époque très rapprochée de cet événement dont il a connu les témoins oculaires, plutôt qu'à un écrivain étranger qui certainement ne connaissait pas Corbeil et ne craignait pas, pour flatter le général dont il s'était fait le panegyriste, de dénaturer les faits en les racontant avec une partialité par trop évidente.

(1) Les exigences du format ont nécessité la réduction de cette gravure. L'original mesure 26 cent. de hauteur sur 34 de largeur.

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Légende de la vue de Corbeil, par Chastillon, vers 1590.

A. Tour dite de Corbulo, dépendant de l'ancien château de

Corbeil. Les substructions existent encore et font partie
des grands moulins de Corbeil.

(Il ne faut pas confondre ce château qui était dans la ville
avec celui qui était de l'autre côté de la Seine et défendait les
approches du pont.)

B. Église Notre-Dame, démolie en 1823. C'était le plus bel

édifice de Corbeil.

C. - Église Saint-Spire, avec son cloître; la seule qui subsiste aujourd'hui des nombreuses églises que Corbeil possédait autrefois.

D. Forteresse défendant l'entrée du pont, du côté de la Brie; on la nommait le vieux Château. Il n'en reste plus que les deux bastions qui font saillie dans la Seine, à droite et à gauche du pont.

E. Église Saint-Guenault, démolie en 1885, après avoir servi de prison depuis la révolution.

G. - Maisons du faubourg Parisis, au delà de la porte du même nom; aujourd'hui, et à tort, l'Apport-Paris.

H. Eglise Saint-Léonard, démolie en 1884. A gauche de cette église se trouve un détachement des troupes du duc de Parme, armées de lances.

I.

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Eglise Saint-Jacques, détruite aussi, au commencement du XIXe siècle (1803).

K. - Tour de Montlhéry, qui n'est visible de Corbeil que par un effort d'imagination.

L. Prairies entourées d'arbres, emplacement actuel du quartier dit les Bordes, du cimetière et de la gare du chemin de fer.

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Rivière d'Etampes, avec la dérivation qui baigne les fossés de la ville, du côté sud.

Essonnes.

O. - La Commanderie de Saint-Jean-en-l'Ile, fondée par la reine
Isburge, femme de Philippe-Auguste. Une partie des bâti-
ments existe encore, et l'église a été affectée au musée
Saint-Jean.

P.- Fortification avancée du port Saint-Laurent, actuellement quai Bourgoin. Immédiatement au-dessus se voit l'hôtel

Q.

de ville avec sa tourelle qui, seule, est encore debout aujourd'hui.

Canons du duc de Parme battant la muraille du port Saint-
Laurent.

R. Bateaux armés tirant sur la muraille Saint-Laurent.

S. — Champs et vignes à l'endroit nommé aujourd'hui le Désert. La Seine, fleuve.

T.

V..

Maisons du vieux marché, dit anciennement le vieux Corbeil, dépendant de la commune de Saint-Germain.

(A gauche, au-dessus de l'hotel de ville et à mi-côte, on voit une église sans lettre indicative; c'est le prieuré de Notre-Dame de la Gloire-des-Champs, fondé à Essonnes par Suger. Il n'en reste plus que le souvenir et une Vierge, dans une niche, avec une inscription récente qui indique l'endroit où était autrefois ce monastère).

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