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celui d'avoir une mauvaise loi de plus.... » (a).

Au surplus, dans un Gouvernement bien organisé, et où les citoyens les plus sages et les plus intéressés au maintien de la tranquillité et de l'ordre public seraient appelés seuls à l'exercice de la puissance législative ( (ce qui n'est pas d'une exécution impossible, ainsi que nous le reconnaîtrons par la suite), il sera facile de rapprocher les opinions, de proposer réciproquement des modifications, des amendemens, et même de prendre un terme moyen qui concilie tous les intérêts.

. Mais ces modifications et amendemens, cet accord, fussent-ils même impraticables, nous ne cesserions pas de le répéter, tant cette vérité est d'une haute importance, l'ajournement ou le refus d'une bonne loi seront toujours moins pernicieux que ne serait funeste l'obligation imposée à la société entière d'exécuter une loi dont l'utilité serait encore incertaine, ou, ce qui revient au même, non

(a) Discours de M. Boissy-d'Anglas à la Convention, On peut encore voir à ce sujet l'Esprit des

août 1795.

Lois,

liv. V,
chap. x.

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suffisamment démontrée; et à l'appui de cette vérité, nous invoquerons un dernier passage des Maximes du Droit public français, dont il est encore facile de faire ici l'application, quoique les circonstances aient changé, et que, sous ce rapport, les institutions se soient améliorées jusqu'à un certain point; et ce passage nous conduira naturellement à l'examen d'une autre partie de la question dont nous nous occupons en ce moment :

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Quand on admettrait quelque réalité dans le cas presque métaphysique d'un concert de tout le Corps de la magistrature pour rejeter une loi, sans motifs, ou même contre l'évidence de son utilité, le mal qui en serait la suite ne serait pas comparable à celui de la publication d'une mauvaise loi contre le vœu de la magistrature. L'État serait privé d'un avantage qu'il n'a pas encore connu; il ne perdrait aucun de ceux qu'il possédait. Les anciennes lois conserveraient tout leur empire; sa constitution ne serait point ébranlée. En un mot, la monarchie ne demeurerait pas sans loi, parce qu'un nouvel édit ne serait

pas reçu.

« Mais quelles funestes conséquences ne peut pas entraîner une loi pernicieuse? Elle peut opérer ou préparer le renversement de la monarchie, changer la nature de ses institutions, y introduire une forme nouvelle de Gouvernement, exciter le mécontentement des peuples, occasionner des troubles et des discordes. Il n'y a donc aucune proportion du danger de l'établissement d'une mauvaise loi à l'inconvénient qui peut résulter du refus d'en enregistrer une bonne.

« Le plus grand de tous les malheurs sans doute serait la subversion totale de la monarchie, sa conversion en despotisme. Or cemalheur serait la suite inévitable du principe qu'on cherche quelquefois à établir, que les magistrats sont tenus par obéissance d'enregistrer toutes les lois, lorsque le roi le leur commande.

<< On le sentira aisément : si le roi, trompé par les flatteurs, se déclarait propriétaire de tous les biens de son royaume, maître absolu de la liberté, de la vie même de ses sujets; s'il entreprenait de changer l'ordre de la succession à la couronne, de la partager entre

ses enfans, de la transmettre à un puîné, il y aurait un renversement total dans l'ordre de la monarchie, à laquelle on aurait substitué le pouvoir arbitraire et le Gouvernement despotique (a). Or, s'il est vrai que le Parlement soit obligé d'enregistrer toutes sortes de lois, après avoir fait des représentations qui seront méprisées, rien n'est plus facile au roi que d'opérer tout ce bouleversement. Il lui suffit de se rendre au palais, ou d'y envoyer quelqu'un de sa part, qui fera enregistrer de force un édit par lequel le roi se sera arrogé tous ces droits. Dès l'instant de cet enregistrement, les magistrats, qui n'ont pu le rejeter en cette qualité, seront tenus de l'exécuter comme sujets. Les autres citoyens seront soumis à la même obligation; et voilà la face du royaume entièrement changée, les droits des sujets totalement anéantis, et ceux des souverains accrus aux dépens de la liberté publique. Et on ose, après cela, alléguer l'inconvénient qu'il y aurait à ce que

(a) Voy. ci-dessus, 2o part., vol. iv, pag. 258 et suiv.; et ci-après, liv. 11, ch. 11, tit. 11, § 2.

les Parlemens pussent refuser l'enregistrement de quelque édit: ne devrait-on pas rougir de telles objections... » (a)!

IVo.

Concours et Sanction nécessaires du Prince relativement à l'exercice de la Puissance législative et à la promulgation des Lois.

et de la Sanction du Prince quant à l'exercice de la Puissance législati

ve.

On voit que, comme nous l'avons annoncé, Du Concours la dernière citation ci-dessus transcrite nous conduit déja fort avant dans l'examen d'une autre partie de la proposition qui nous occupe; et, pour reprendre la suite et la progression naturelle des idées, nous serons même obligés de revenir à un certain point sur nos pas.

Nous avons eu jusqu'ici pour but de prouver que le concours de la volonté de deux Assemblées délibérantes doit être considéré

(a) (Maximes du Droit publ. franç., tom. vi, ch. vi, pag. 286.) Voy. aussi, à ce sujet, l'ABBÉ Duguet. Institutions d'un Prince, tom. 1, 2 part., chap. vii, art. 2, § 2, 3, 4, etc., jusqu'au § 12 inclusivement.

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