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«La crainte n'est pas propre à attirer le respect et l'estime; c'est à l'amour qu'il appartient de produire ces sentimens » (a).

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N'inspirer que la terreur n'est pas le moyen de faire prospérer un État, d'en étendre la durée. Le ressort de la crainte ne peut être que faible, parce qu'il est violent; il est réservé à la bienveillance d'être stable et permanente: Malus custos diuturnitatis metus; contràque benevolentia fidelis est vel ad perpetuitatem» (b).

« Nec verò ulla vis imperii tanta est, quæ, premente metu, possit esse diuturna » (c). Perspicuum est benevolentiæ vim esse magnam, metús imbecillem» (d).

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-«Unum est inexpugnabile munimentum, amor civium » (e).

« Un empire odieux ne fut jamais durable. Invisum imperium nunquam retinetur diu».

Lorsque la crainte prend la place de

(a) PLINE: liv. VIII. Epist. 24, num. 6. (b) CICER. De Offic., lib. 11, cap. vii.

(c) Ibid....

(d) Ibid. cap. VIII.

(e) SENEC. De Clem., lib. 1.

l'amour, elle n'est pas éloignée de produire la haine Metus et terror infirma vincula charitatis, quæ ubi removeris, qui timere desierint, odisse incipient » (a).

personne

Dans sa harangue aux États de Blois, un prélat s'exprimait ainsi : « Il n'y a que deux voies pour régner, l'une par force, et l'autre par amour. La première est très-dangereuse et périlleuse tant à la sûreté de la du prince qu'à la sûreté de l'État, fort éloignée de faire de la manière de nos rois...; mais la seconde, qui est par amour et bienveillance, est si ferme et assurée, et donne tant de repos et contentement au prince, qu'ayant en main le cœur de ses sujets, il se peut assurer d'avoir aussi tous leurs biens quand les grandes nécessités du royaume le requièrent, s'ils reconnaissent que l'on épargne leur bien et leur subsistance à l'usage de telles nécessités » (b).

- «Si l'autorité, dit M. de Réal, contraint

(a) TACIT. In Agricola, cap. xxxII.

(b) Recueil gén. des États tenus en France, 2o part., pag. 169.-Harangue de l'Archev. de Bourges, prononcée le 25 novembre 1588.

à l'obéissance, la raison la persuade; et il vaut mieux conduire les hommes par les moyens qui gagnent insensiblement leur volonté, que par ceux qui ne les font agir qu'autant qu'ils les forcent....

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Que n'a pas à craindre de ses propres sujets un prince qui gouverne tyranniquement? Cette maxime des tyrans, que tout ce qui plaît au prince est légitime, Si libet, licet, et cette autre qui fut celle de Tibère et de Caligula, qu'il importe peu d'être haï, pourvu que l'on soit craint, Oderint, dum metuant, sont pernicieuses. La crainte et l'amour sont deux passions dont l'une ne peut s'élever sur les ruines de l'autre. Si l'amour des sujets l'emporte sur la crainte, ils méritent de grandes louanges; mais si la crainte est plus forte, on n'en doit rien attendre que de funeste, selon ce principe incontestable, qu'on hait toujours celui que l'on craint, quem metuunt oderunt. Les princes qui abusent de leur puissance, s'exposent au danger de ne la pas garder longtemps. Nec unquam satis fida potentia, ubi nimia est (a).

(a) TACIT. Hist. lib. 11, cap. 92, num. 3.

Que n'a pas au contraire à espérer de ses sujets un prince qui règne justement? il a toute la terre pour temple et tous les gens de bien pour prêtres et pour ministres. Heureux le peuple qu'un sage roi conduit ainsi! Mais plus heureux le prince qui fait le bonheur du peuple, et qui trouve le sien dans la vertu! Il tient les hommes par un lien cent fois plus fort que celui de la crainte, c'est celui de l'amour. Non-seulement on lui obéit, mais il règne dans tous les cœurs; chacun craint de le perdre, et donnerait sa vie pour lui. L'amour que le prince acquiert sur les cœurs de ses sujets, en faisant régner la justice, est le plus puissant motif qui puisse déterminer les sujets à l'obéissance; et il est impossible que les sujets n'aiment pas leur prince, s'ils connaissent que la raison est le guide de ses actions » (a).

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« Le propre du despote, disent les auteurs des Maximes du Droit public français, est d'inspirer la terreur, de substituer le commandement arbitraire, le pouvoir versatile,

(a) Science du Gouvern., tom. iv, chap. ix, sect. 1o, ayant pour titre : Des Devoirs du Souverain.

au joug aimable des lois : mais aussi reçoit-il autant de dommage qu'il en cause à ses sujets; il s'aliéne les cœurs, et, au lieu de trouver en lui un père, ils sont tentés de n'y voir qu'un maître impérieux. C'est l'idée que les auteurs payens eux-mêmes donnent des États où l'arbitraire domine.... (a)

« Qu'il serait à souhaiter, continuent-ils, que les princes ouvrissent les yeux sur leurs intérêts véritables; qu'ils sentissent combien on leur fait tort en rendant insupportable le joug de leur autorité, combien on ébranle leur trône, en paraissant chercher à l'affermir»! (6)

«Les rois qui ne cherchent qu'à se faire craindre et qu'à abattre leurs sujets pour les rendre plus soumis, c'est ainsi que s'exprime l'immortel Fénélon, sont les fléaux du genre humain; ils sont craints comme ils veulent l'être mais ils sont haïs, détestés; et ils ont encore plus à craindre de leurs sujets, que leurs sujets n'ont à craindre d'eux» (c).

(a) Voy. les citations qui précèdent.

(b) Maxim. du Droit publ. franç., tom. 11, chap. 11. pag. 113, 114.

(c) FENELON. Télémaque.

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