Page images
PDF
EPUB

Dans un Gouvernement monarchique bien constitué, le plus ferme appui du trône, c'est de n'en avoir aucun qui ne soit fondé sur la distinction des trois puissances, et sur la bonne foi, l'équité, la raison; et tous ceux qui auront au contraire pour bases des élemens d'organisation que cette bonne foi, la justice, la droite raison ne pourraient approuver, seront ébranlés par le temps, insensiblement minés et détruits par l'ascendant des progrès irrésistibles des lumières et de la civilisation.

La défiance, la ruse, la violence, sont les ressorts dont un despote peut être contraint de faire usage pour régner sur un peuple

d'esclaves et de barbares.

Mais la loyauté, la confiance, le bon sens, la vérité, l'évidence de l'intérêt commun, d'accord avec celui du prince, sont les seuls auxiliaires dont un vrai monarque ait besoin pour affermir son Gouvernement, pour le faire chérir et respecter, pour le rendre indestructible et inébranlable.

Lorsque les attributions de la puissance législative auront été exactement circonscrites et fixées dans leurs véritables limites; lorsque

la participation que les Corps représentatifs doivent prendre à l'exercice de cette première puissance aura été sagement déterminée; lorsqu'enfin ces Corps auront été composés comme ils doivent l'être, c'est-à-dire, avec toutes les précautions et les règles que la nature des choses indique et prescrit; alors, convenablement organisés, et ne pouvant étendre leurs attributions au-delà des bornes qui leur appartiennent et que la nature des choses, la justice même établissent; de leur part, n'ayant pas non plus à craindre que ces mêmes attributions puissent être envahies, resserrées et restreintes; ces Corps représentatifs seront bien réellement, par une suite nécessaire de leur indépendance, les plus fermes et inébranlables soutiens du trône et de toutes les parties de la constitution; et cela, lors même qu'ils n'adopteront pas tous les projets de loi que pourra leur présenter le ministère, et précisément parce qu'ils ne les adopteront pas sans une véritable liberté de conscience, sans une entière et complète conviction de leur utilité car alors il ne leur arrivera plus de les repousser par d'absurdes, de funestes

.

motifs de systême, d'opposition, de rivalité, d'ambition, en un mot par esprit de parti (a); mais uniquement parce qu'ils les reconnaî

(a) Nous croyons pouvoir citer ici un passage qui aurait trouvé mieux sa place dans le premier ou le second volume de cet ouvrage, mais qui est extrait d'un discours non encore publié lorsque cette première partie a paru:

<< De tous les sentimens déréglés que l'orgueil peut produire, le plus subtil et le plus entraînant, parce qu'il est le plus déguisé, parce qu'il marche sous la bannière de l'intérêt public, parce qu'il semble inséparable des délibérations de cette nature, et que toujours il a pour mot d'ordre la nécessité; le plus capable, enfin, d'égarer l'orateur de la tribune; fâcheux, sur-tout, en ce qu'il peut surprendre et tromper jusqu'à l'homme de bien; c'est l'esprit de parti, qui, sans qu'on le soupçonne, a l'orgueil pour auteur caché; enfant aveugle et sourd, qui vit d'obstination, et veut parce qu'il a voulu ; incurable maladie, source de haine, d'emportemens et d'excès qu'on a peine à concevoir.

« Hâtons-nous, pour éviter toute méprise, hâtonsnous de dire qu'il ne faut pas confondre la nécessité de se ranger à une opinion, avec l'esprit de parti.

[ocr errors]

L'esprit de parti est personnel, attaché aux personnes plus qu'aux choses: il n'éclaire pas son opinion, il l'épouse, parce que c'est la volonté et l'intérêt du parti : il ne choisit pas, il est décidé d'avance, et n'écoute plus rien. L'homme de bien que l'esprit de parti n'a pas sur

[ocr errors]

tront contraires aux principes du Droit et de la morale, et réellement préjudiciables à l'intérêt de la société et de l'État.

Pour ce qui est, au contraire, d'un Sénat ou de tout autre Corps, dont les fonctions ne seraient pas incompatibles avec les fonctions du ministère et autres de même nature, dont les membres seraient nommés par le prince et pourraient être comblés par lui chaque jour de nouvelles dignités, de titres, d'honneurs, de richesses, de faveurs; pour ce qui est; en un mot, de tout Corps soumis à quelque influence extérieure, apparente ou occulte, fût-il d'ailleurs composé de tout ce qu'il y aurait d'hommes les plus vertueux et les plus habiles, vous n'en obtiendrez pas, du moins pour long-temps, les résultats

pris, apporte une sérieuse attention, délibère avec luimême, embrasse une opinion avec une entière indépendance, la défend avec bonne foi, l'abandonne s'il est détrompé; et, quoiqu'il y persiste, si elle ne prévaut pas, à celle qu'il croit la plus conforme aux principes

se range

d'ordre et d'intérêt public ».

(Discours qui a remporté le prix d'éloquence proposé par l'Académie Française, en 1820; par M. de La Malle, ancien avocat, conseiller d'Etat, etc. etc.)

heureux que vous auriez cru pouvoir vous en promettre; et vous vous abusez si vous pensez qu'il puisse être, de sa nature, propre à maintenir l'équilibre entre le Monarque et un autre Corps de représentans.

L'expérience du passé, nous venons de le voir, aussi bien que celle du présent, prouve qu'il sera bien plutôt propre à détruire cet équilibre; que généralement il ne sera autre chose qu'une sorte de divan, naturellement, indubitablement enclin à favoriser les entreprises ambitieuses, les usurpations soit intérieures soit extérieures, les projets les plus funestes de celui de qui il tiendra son autorité, son existence, qui le composera, et le fera mouvoir par des ressorts qui, pour être cachés, n'en seront pas moins visibles pour les hommes tant soit peu clairvoyans et obser

vateurs.

Ce sénat sera donc plus propre qu'aucune autre institution à conduire le Prince et l'État vers leur ruine.

<«< La monarchie se perd, dit M. de Montesquieu, lorsqu'un prince méconnaît son autorité, sa situation, l'amour de ses peuples; et

« PreviousContinue »