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le peut, leurs habitudes et leurs principes; mais que son empire soit toujours distinct de celui du législateur. Si ce dernier réclame son autorité, il verra bientôt s'affaiblir la sienne propre, et quand il voudra devenir son pontife, il ne sera plus que son esclave» (a).

M. l'abbé de Saint-Pierre pensait aussi, « que les prêtres ne pouvaient jamais être utiles que comme des officiers de morale » (b).

Et M. de Monstesquieu a dit encore, en traitant de la faiblesse de l'empire d'Orient: « La source la plus empoisonnée de tous les malheurs des Grecs modernes, c'est qu'ils ne connurent jamais la nature ni les bornes de la puissance ecclésiastique et de la séculière; ce qui fit que l'on tomba, de part et d'autre, dans des égaremens continuels.

« Cette grande distinction, qui est la base sur laquelle repose la tranquillité des peuples, est fondée, non-seulement sur la religion, mais encore sur la raison et la nature, qui

(a) Discours prononcé en 1795, dans l'assemblée de la Convention nationale, par M. Boissy d'Anglas, aujourd'hui pair de France.

(b) Voy. ses Annales politiques.

veulent que les choses réellement séparées, et qui ne peuvent subsister que séparées, ne soient jamais confondues » (a).

Un auteur anglais dit aussi, « que la première erreur dans l'ancienne politique chrétienne, et celle qui a le plus souvent servi de base à la tyrannie, est cette division mal entendue d'un État en ecclésiastique et en

civil » (b).

-«Le magistrat (ou plutôt le législateur) qui se flatterait, dit Helvétius, de faire concourir les puissances spirituelle et temporelle au même objet, c'est-à-dire au bien public, se tromperait; leurs intérêts sont trop différens. Il en est de ces deux puissances, quelquefois réupour dévorer le même peuple, comme de deux nations voisines et jalouses, qui, liguées contre une troisième, l'attaquent, et se battent au partage des dépouilles. Nul empire ne peut être sagement gouverné par deux pouvoirs suprêmes et indépendans.....

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(a) Considérations sur les causes de la grandeur des Romains, et de leur décadence, chap. XXII.

(6) Marchamont Nedham. Voy. aussi John Adams, Déf. des Constit, améric.

« La tolérance soumet le prêtre au. prince; l'intolérance soumet le prince au prêtre, et annonce deux puissances rivales dans un empire» (a).

- « Si l'intérêt du Corps des Bonzes, dit-il ailleurs, n'est point lié à l'intérêt public; si, par exemple, le Bonze ne se marie pas, si son crédit tend à l'aveuglement des peuples, ce Bonze, nécessairement ennemi de la nation qui le nourrit, sera, à l'égard de cette nation, ce que les Romains étaient à l'égard du monde: honnêtes entre eux, brigands par rapport à l'Univers. Chacun des Bonzes eût-il en particulier beaucoup d'éloignement pour les grandeurs, le Corps n'en sera pas moins ambitieux. Tous ses membres travailleront, souvent sans le savoir, à son agrandissement; ils s'y croiront autorisés par un principe vertueux. Il n'est donc rien de plus dangereux dans un État, qu'un Corps dont l'intérêt n'est pas attaché à l'intérêt général (b).

(a) De l'Homme et de son éducation, t. 111, chap. xxxi, sect. Ix. Des moyens d'enchaîner l'ambition ecclésiastique, pag. 117.

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(b) De l'Esprit, tom. 1, Disc. 2, chap. xiv, p. 258.

-«La vertu du prince, dit aussi l'auteur de la Science du Gouvernement, consiste dans l'union parfaite de ces deux sentimens, piété envers Dieu, et bonté envers le peuple. La piété envers Dieu est aveugle, lorsqu'elle nuit à la société humaine; et la bonté envers le peuple est pernicieuse, lorsqu'elle favorise l'oubli de Dieu. Il ne suffit pas que le prince soit religieux, il faut qu'il soit homme d'État : il doit laisser aux membres de la religion un pouvoir raisonnable pour former ou entretenir les peuples dans des exercices de piété; mais il doit empêcher que les Ecclésiastiques ne gênent trop la liberté des peuples, et n'usurpent l'autorité des officiers séculiers, qui est celle du souverain lui-même....

« La dévotion doit être gouvernée : elle ne doit jamais gouverner. Il est louable d'agir soi-même par des principes de dévotion; mais on ne doit agir avec les autres que par la raison: car la religion est un sentiment intérieur qu'on persuade, et qu'on ne commande pas. Les hommes qui, pleins d'un zèle aveugle, n'ont point de plus grande passion que de conduire les autres, ont besoin eux-mêmes

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d'être surveillés attentivement par le prince, de peur qu'après avoir jeté le trouble dans les consciences timorées des citoyens, ils n'en viennent par degrés à troubler l'ordre commun de la société » (a).

— «On peut proposer à tous les princes les sages précautions que la république de Venise prend contre les Ecclésiastiques: 1° Nobles ou citadins, les Ecclésiastiques sont exclus de toutes les charges et de tous les conseils publics, et cette loi ferme la porte à toutes les entreprises de la Cour de Rome sur le temporel,.... 2o La loi exclut encore les nobles qui ont un frère, un oncle ou un neveu cardinal, de toutes les délibérations concernant les Ecclésiastiques. 3° Elle interdit pareillement l'entrée du saint - office à tous ceux qui postulent à Rome le cardinalat ou quelqu'autre dignité. 4° Les nobles qui se font chevaliers de Malte n'ont plus de part au Gouvernement. 5o Le patriarche de Venise, qui est élu par le

(a) Sc. du Gouvern., tom. vi, De la politique, ch, 1, sect. IV, XXI, ayant pour titre : Que le prince doit renfermer les Ecclesiastiques dans les bornes de leur mi

nistère.

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