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mêmes sous l'impulsion insensible de la main qui les dirige.

Toutefois, les traces du mal ne sont pas effacées, les sources n'en sont pas taries. 100

La richesse n'est pas encore descendue à sa valeur, l'honneur n'est pas encore remonté à la sienne.

L'ordre et l'économie, ces deux sources de toute prospérité dans une maison commerciale, ne règnent pas encore généralement, et sont trop peu observés, surtout dans les grandes cités. Le luxe des magasins ou des boutiques, des appartements ou des personnes, est encore l'enseigne de trop de commerçants, et remplace la vigilance scrupuleuse, la probité modeste, l'exacte fidélité qui, jadis, faisaient de l'acheteur une pratique, de la pratique, un ami.

On a vu des commerçants sans livres, des livres sans exactitude et sans suite; et trop souvent des livres où l'exactitude apparente d'une année n'était que la fraude effective d'une semaine, des écritures arrangées pour masquer la mauvaise foi aux créanciers, ou dérober l'improbité à la justice.

On a vu la banqueroute mise au nombre des moyens de s'enrichir; on a vu des femmes se créer de l'opulence au prix de la ruine des créanciers de leur mari, et par une séparation de biens concertée, mettre d'avance à l'abri les moyens de conserver à une seule personne les jouissances d'un luxe coupable payé par la misère de plu. sieurs familles.

Et les mœurs mêmes ont été, sont encore trop indulgentes pour une telle conduite; les lois sont insuffisantes contre des délits aussi graves: S. M. l'a reconnu avec re

gret, avec douleur; elle a voulu porter au mal un remède prompt, efficace.

De là, Messieurs, la sévérité des dispositions que vous trouverez dans le Code de Commerce, sur la tenue des livres, sur les séparations de biens entre époux, sur les avantages indirects faits aux femmes, sur les faillites même qui peuvent être reconnues innocentes, sur les banqueroutes que l'inconduite a amenées, sur celles que la fraude a préparées.

La probité rassurée applaudira à la rigueur des règles qui vont être établies; la mauvaise foi s'en effraiera : tel accomplira d'abord ses devoirs par crainte, qui bientôt s'y soumettra par habitude, et finira par trouver du bonheur à les remplir. Les bonnes mœurs renaîtront du sein des bonnes lois.

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Telles sont, Messieurs, les observations que nous avons cru nécessaire de vous présenter sur la classification générale des matières, sur l'ensemble du Code de Commerce, et sur les principes qui en ont dirigé la rédaction.

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Nous vous apportons aujourd'hui les sept premiers titres du premier livre; les autres titres vous seront incessamment soumis, et une dernière loi fixera l'époque de la mise en activité du Code entier, dont aucune partie ne sera exécutée séparément ou successivement.

Au commencement du livre er, et sous le titre de Dispositions générales, les rédacteurs avaient posé des règles, établi des définitions, dont quelques unes ont paru purement théoriques et superflues; quelques autres ont été jugées susceptibles d'occuper une place différente.

Ainsi, nous n'avons pas pensé qu'il fût nécessaire de dire qu'en France toute personne a droit de faire le

commerce, mais bien de fixer le caractère auquel on reconnaît un commerçant, de dire quelles personnes peuvent, et comment elles peuvent le devenir; et nous avons fait un premier titre intitulé des Commerçants.

Nous avions placé ensuite et immédiatement, pour établir complètement les bases de la juridiction commerciale, quels étaient les actes de commerce,

Mais leur nomenclature a été ultérieurement renvoyée au titre de la Compétence et de la Juridiction.

Comme elle s'exercera désormais, et sur ceux qui fe; Font la profession de commerçant, et sur les actes dẹ commerce, par quelques personnes qu'ils soient pratiqués; comme la juridiction résultera à la fois, et de la qualité de la personne et de la nature de la transaction, la loi sera claire dans ses définitions, et facile dans son application.

En parlant des commerçants, il fallait bien parler des femmes et des mineurs.

L'ordonnance de 1673 s'était trop peu occupée de ces deux classes d'individus; un mineur, une femme pouvaient trop aisément compromettre, l'un, sa fortune propre, l'autre, sa fortune et celle de son mari en même temps.

Tous deux ne pourront plus se livrer au commerce sans être autorisés, le mineur, par ses parents, s'il les a encore; la femme, par son époux, même quand elle sera séparée de biens.

Tous deux alors, le mineur et la femme, pourront engager ou vendre leurs immeubles, hors le cas où les biens auront été stipulés dotaux ; stipulation qui leur conservera les privilèges établis au Code Napoléon.

Le deuxième titre traite de la Tenue des livres, dont le titre III de l'ordonnance de 1673 établissait les règles, Celles que nous prescrivons sont plus strictes à la fois et plus étendues.

L'ordonnance n'enjoignait au commerçant d'inscrire sur le journal que son négoce, ses lettres de change, etc.

Mais on a senti que ce n'était pas assez : la conscience du commerçant doit être toute entière dans ses livres; c'est là que la conscience du juge doit être sûre de la trouver toujours.

On a donc exigé beaucoup du négociant sur le point essentiel.

L'article 8 du Code lui prescrit d'inscrire, 1 tout ce qu'il réçòit et paye, à quelque titre que ce soit ; et conséquemment même la dot de sa femme, ou des produits de successions, donations; enfin, des sommes provenant de causes étrangères du négoce;

2o. Tout endossement d'effets, car ces endossements ont souvent constitué une partie considérable du passif d'un failli, sans être inscrits sur ses livres, et sans qu'on en ait pu trouver d'autres traces que dans les bordereaux fugitifs des agens de change, ou dans les notions incertaines des opérations et circulations frauduleuses qui se sont pratiquées.

L'inventaire prescrit par l'ordonnance de 1673 était un acte isolé qui n'était pas soumis à la transaction sur un registre, et ne devait avoir lieu que tous les deux ans. il se fera désormais tous les ans, et son authenticité sera Garantie par sa copie sur un registre spécial.

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Le titre III traite des Sociétés.

L'ordonnance semblait n'en reconnaître que deux : la

société générale, et la société en commandite; encore les règles de cette dernière étaient-elles mal établies.

Les rédacteurs en avaient ajouté deux autres : la société par actions, et la société en participation; et ainsi, en reconnaissaient de quatre sortes.

Nous les avons réduites aux trois premières, comme le Code civil (art. 13 à 19), parceque la société en participation n'est qu'un acte passager, qu'une convention qui s'applique à un objet unique, et ne repose pas sur les mêmes bases, ne peut avoir les mêmes résultats que les trois autres genres d'association.

Nous nous sommes attachés à caractériser exactement les divers contrats de société.

La définition de la société générale ou en nom collertif a offert peu de difficultés; elle est généralement con nue et adoptée.

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Mais s'il importait de favoriser la société en commandite, qui permet tout propriétaire de capitaux de s'associer aux chances commerciales; qui donne un aliment à la circulation; qui ajoute à son activité; qui multiplie les liens sociaux par une communauté d'intérêts entre le propriétaire foncier et le fabricant, entre le capitaliste et l'armateur, entre les premiers personnages de l'État et le commerçant le plus modeste; il importait d'empêcher les spéculations frauduleuses faites avec audace, sous un nom inconnu, à l'aide duquel on faisait les plus hasardeuses opérations de commerce, de banque ou d'agiotage, et qu'on livrait, en cas de mauvais succès, au déshonneur obscur d'une banqueroute calculée d'avance.

L'interdiction de toutes gestions aux commanditaires, sous peine de solidarité absolue, la publicité et l'affiche du contrat de société, pour qu'on connaisse la somme

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