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mœurs commerciales, en particulier, ont subi de grands changements; et ces mœurs ne sont pas encore fixées.

Il est d'une haute importance de les saisir dans ce moment d'oscillation, de les arrêtér dans des habitudes heureuses, honorables; de les diriger, osons le dire, de les ramener vers cette loyauté, cette bonne foi dont no's grandes places de commerce furent l'antique berceau, et dont elles conservent de nobles modèles.

Il est d'une haute importance de fondre, dans un système commun, les usages et la jurisprudence de la Métropole et des pays réunis ; de faire disparaître l'influence de ces arrêts de règlements émanés des parlements, et qui formaient une seconde législation au sein de la législation primitive; d'effacer la trace des règles établies par le's coutumes locales, par les lois municipales, premier bienfait et dernier inconvénient de notre ancienne législation civile.

Il est d'une baute importance que les lois commerciales de France conviennent également au commerce dě consommation des vastes cités, au commerce spéculateur des grands entrepôts, au commerce industriel des grandes fabriques, à la navigation immense des grands ports, au cabotage actif des plus petites rades, aux marchands de toile de Courtrai, de Gand, de Bretagne, de Maine et Loire, et aux fabricants des soieries de Gênes, de Lyon, de Tours; à ceux qui font tisser la laine à Elbœuf, Sédan, à Louviers, à Verviers, et à ceux qui font tisser le coton à Tarare, à Rouen, à Alençon, à Paris, à Troies.

Il est enfin d'une haute importance que le Code de Commerce de l'Empire français soit rédigé dans des principes qui lui préparent une influence universelle, dans des principes qui soient adoptés par toutes les nations

commerçantes, dans des principes qui soient en harmonie avec ces grandes habitudes commerciales qui embrassent et soumettent les deux mondes.

A peine l'Empereur tenait les rênes du gouvernement, et déjà il avait senti et développé les vérités que je viens de vous retracer. Dès le 13 germinal an 9, une commission fut nommée pour préparer un projet de Code de Commerce; et moins d'une année après, le 13 frimaire an 10, les membres de cette commission, MM. Vignon, Boursier, Legras, Vital, Roux, Coulomb et Mourgues, présentèrent au gouvernement l'utile travail qui les recommande à la reconnaissance publique.

Mais ce travail n'était encore que la pensée d'un petit nombre d'hommes. Sa Majesté voulut s'environner d'autres lumières; elle désira recueillir, pour ainsi dire, l'opinion générale du commerce et des magistrats, et, par son ordre, le projet fut envoyé aux conseils ou chambres de commerce, aux tribunaux de commerce et aux tribunaux d'appe!.

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Tous ont donné leurs observations, et les rédacteurs du Code, après avoir présenté l'analyse raisonnée de cette longue collection, ont fait à leur premier travail d'utiles corrections, et de notables changements.

Présenté ainsi au conseil de Sa Majesté, le Code de Commerce y a été discuté par son ordre, pendant qu'ells portait au fond du Nord ses aigles triomphantes.

La Victoire faisait le présent du Code Napoléon aux Polonais affranchis, et la Sagesse dirigeait, des bords de la Vistule, le travail d'une loi nouvelle, destinée à donner le Code commercial à l'Europe.

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La rédaction, la publication de ce Code occupait tellement la pensée de Sa Majesté, ses dispositions principales

étaient tellement présentes à son esprit, que, le lendemain de son retour dans sa capitale, elle a voulu les soumettre, en sa présence, à une discussion nouvelle, à une sorte de révision générale, dont nous vous ferons, Messieurs, connaître l'influence et les résultats lors de la discussion successive des divers titres que nous vous apporterons.

Les premiers rédacteurs avaient partagé le Code de Commerce en trois livres seulement, dont le dernier traitait à la fois des faillites et des tribunaux de Commerce; au moyen de la séparation du troisième livre en deux parties, le Code du Commerce vous sera présenté en quatre grandes divisions.

La première contient les lois qui régissent le commerce en général;

La deuxième, les lois particulières au commerce maritime;

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La troisième traitera des faillites et banqueroutes;

La quatrième, de la compétence des tribunaux pour les affaires de commerce, et de la manière d'y procéder dans les divers cas.

Déjà, Messieurs, vous pouvez apercevoir que cette classification donne au nouveau Code de Commerce un premier avantage sur l'odonnance de 1673.

En effet, le commerçant était obligé d'aller chercher, dans l'ordonnance de la marine de 1681, toutes les règles relatives au commerce maritime, qu'il ne trouvait pas dans l'ordonnance de 1673 1

Elles étaient confondues dans la première, avec des dispositions dont les unes sont du ressort de l'administration publique, comme l'instruction et l'examen des navigateurs; les autres, de l'organisation militaire de la marine, comme les attributions du grand - amiral; elles y

étaient mêlées avec des objets dont les uns appartiennent au Code civil, et ont été réglés lors de sa rédaction, comme le titre des testaments en mer; les autres appartiennent à la police, comme le placement des navires1 dans les rades et ports; ou à la haute politique, comme le droit d'y entrer, d'y séjourner, d'y importer des den

rées.

Dans le Code, tel qu'il vous sera soumis, Messieurs, tout commerçant, tout agent du commerce trouvera l'en-' semble de la législation à laquelle sa profession l'assujettit. Il trouvera les règles des obligations personnelles, les règles des obligations synallagmatiques ou réciproques,' les règles pour le cas où les obligations personnelles et réciproques ne sont pas remplies; c'est-à-dire, lorsqu'il y a faillite ou banqueroute : enfin, les règles de juridiction, de compétence et de procédure.

Dans un autre temps, bientôt peut-être, Messieurs, les autres dispositions de l'ordonnance de la marine pourront être soumises à leur tour à une utile révision. Bientôt le génie vengeur du droit des gens sur le continent vengera aussi le droit des gens sur les mers; et le monde, l'Empire français du moins, lui devra le bienfait d'un acte de navigation, que des ministres sans pudeur ne feront plus déchirer par un peuple de pirates.

Dans le système général de la loi, Messieurs, vous trouverez qu'on a imposé des obligations étroites, établi des règles sévères, prononcé des peines rigoureuses, restreint des droits accordés par le Code Napoléon.

Mais cette austérité législative a paru un contre-poids' nécessaire du relâchement de la morale dans les classes commerçantes.

Avant 1789, indépendamment des trois grands ordres

dans lesquels le peuple français était classé, chaque ordre était encore subdivisé par degrés, par rangs, par professions; chaque fraction de la grande société avait son étage marqué, son gradin assigné, son cercle tracé par la loi, l'usage ou l'opinion.

Mais, à cette époque de gloire et de malheurs en même temps, où la raison d'un grand nombre essaya sans succès ce que la volonté d'un seul a fait depuis sans effort; à cette époque de l'humiliation et de la vengeance de toutes les vanités, toutes les classes furent abaissées ou élevées sur le même plan, les liens de toutes les corporations furent brisés, les limites de toutes les professions furent effacées: les Français se crurent d'abord égaux devant la loi, ils se sentirent bientôt égaux dans la misère, et devinrent enfin égaux sous la terreur.

Alors chaque citoyen isolé par la crainte, et commandé par le besoin, chercha des moyens de subsistance dans la seule profession qui pût en procurer dans ces temps de richesse nominale et individuelle, de pauvreté effective et générale.

Tout le monde fut commerçant; chaque maison devint un magasin, chaque rez-de-chaussée ouvrant sur la rue devint une boutique, qui, décorés à grands frais par l'espérance, et sur des crédits, étaient fermés bientôt avec scandale par une banqueroute, et dans lesquels se succédaient ainsi l'ignorance ou la mauvaise foi, l'impéritie ou Improbité.

Depuis que la société s'est réorganisée sur des bases nouvelles, depuis que l'ordre va renaissant, chacun ou a repris son ancien état, ou s'est fixé dans la profession qu'il avait embrassée, ou est entré dans une nouvelle carrière; enfin les citoyens se sont classés comme d'eux

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