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Les articles nouveaux qui règlent les droits, les devoirs des propriétaires des navires, les privilèges des créanciers, les obligations et les fonctions du capitaine,, le sort des équipages, sont, à très peu d'exceptions près, en harmonie avec les anciennes dispositions.

Cependant, quelques additions, et même quelques changements, nous ont paru nécessaires.

Par exemple, nous avons cru qu'il était utile d'établir plus complètement l'ordre des privilèges, et il a été jugé indispensable de prendre des précautions que le législateur de 1681 avait négligées, pour constater l'existence et la légitimité des créances privilégiées ; ce qui était d'autant plus essentiel, que ces créances peuvent quelquefois absorber le gage commun des créanciers ordinaires : tel est l'objet des neuf paragraphes de l'article 4.

L'ordonnance avait voulu que les intéressés au navire dont on saisirait une portion au moment où il serait prêt à mettre à la voile, ne pussent le faire naviguer qu'en donnant caution jusqu'à concurrence de l'estimation de la portion saisie. On les autorisait, à la vérité, à faire assurer cette portion, et à emprunter à la grosse pour payer le coût de l'assurance; mais on leur assignait le rembour sement de l'emprunt seulement, sur le profit du retour.

Il a paru évident que la charge d'une caution, pour la valeur de la portion saisie, imposée aux copropriétaires, était aussi onéreuse que peu juste.

Le créancier saisissant ne pouvait réclamer plus de droits que son débiteur : celui-ci ne pouvait avoir avec ses copropriétaires que des comptes à régler; jamais il n'aurait pu leur demander caution de sa portion; jamais il n'aurait pu soustraire, tant que l'association durait, cette portion aux chances de la navigation, que par le

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moyen d'une assurance qui aurait été entièrement étrangère à ces associés.

Comment donc le créancier qui le remplace pouvait-il etre admis à rejeter sur ces copropriétaires ces mêmes chances sous la simple autorisation de se faire assurer pour leur compte?

Car il est constant que suivant le texte et le sens de l'ordonnance, cette assurance devait se faire pour le compte des copropriétaires, puisqu'ils étaient obligés de donner caution, jusqu'à concurrence de la portion saisie.

Il était évident encore que le remboursement du coût d'assurance délégué en faveur des copropriétaires, sur le profit du retour, pouvait être assez souvent illusoire, par la raison qu'il n'est pas rare qu'il n'y ait ni retour ni profit.

La justice paraissait donc demander que les copropriétaires eussent pu faire naviguer le navire dont une por¬ tion serait saisie au moment où il serait prêt à faire voile, à la charge de rendre compte de cette même portion au créancier saisissant, et de donner caution à cet effet.

Mais en traitant ce sujet, nous sommes arrivés à des résultats d'une plus grande importance.

Nous avons dû examiner s'il est dans l'intérêt général de la navigation et de la chose publique de permettre la saisie d'un navire au moment où il est prêt à faire voile; si l'intérêt d'un seul, de celui qui a négligé jusqu'alors de mettre en avait ses prétentions ou ses droits, peut entraver les spéculations des chargeurs, compromettre leur fortune, frustrer les espérances de ses copropriétaires, faire manquer peut-être l'entreprise la mieux calculée, et nous sommes parvenus à une solution négative: nous avons cru qu'un navire prêt à faire voile ne devait pas

Atre saisissable: la législation de quelques nations com merçantes venait encore à l'appui de cette opinion, et de la disposition établie en conséquence par l'article 26.

L'activité de la navigation, l'intérêt des tiers, la faveur du commerce nous ont paru justifier le sacrifice temporaire et léger du droit quelquefois équivoque d'un créancier négligent.

Une seule exception a paru juste, et elle est prononcée. Cette exception porte sur les dettes contractées pour le voyage. On peut supposer que, sans ces dettes, le bâtiment n'aurait pas été mis en état de faire voile. Il faut donc les payer. Et dans ce cas même, une caution peut encore, dans la disposition du projet, concilier tous les intérêts.

Les devoirs du capitaine et ses fonctions ont dû aussi attirer toute l'attention et la vigilance de la loi : combien ne sont-elles pas importantes ces fonctions et ces devoirs sacrés !

Le capitaine est le mandataire des propriétaires du navire il répond, sauf les évènements de force majeure, aux chargeurs de leurs marchandises; il répond à l'État de son équipage; en mer, en voyage, il est presque exclusivement chargé de tous ces intérêts: ses fonctions s'ennoblissent sous tous ces rapports, et sa responsabilité n'en est que plus grande. C'est à ce titre, Messieurs, qu'il a été reconnu qu'il devait répondre des fautes, même légères, dans l'exercice de ses fonctions. Et telle est en effet la disposition de l'article 32, qui rentre d'ailleurs, méme avec quelque modification favorable, dans la théorie géuérale qui règle les obligations de tout mandataire salarié.

En arrivant aux matelots, vous remarquerez sûrement, Messieurs, avec intérêt que par l'art. 63, leur sort

est amélioré dans le cas où étant loués au mois, pour un voyage déterminé, le voyage déjà commencé est rompu le fait des propriétaires ou du capitaine.

par

L'article 3 du titre de l'engagement de l'ordonnance, contenait à cet égard des dispositions discordantes, et telles que le matelot loué au mois pouvait se trouver exposé à recevoir de moindres loyers, si la rupture arrivait après le voyage commencé, que dans le cas où elle aurait eu lieu avant le voyage.

Le quatrième paragraphe de l'article 63 du projet fait disparaître cette contradiction, et redresse le tort qui était fait aux matelots; il leur est alloué la moitié de leurs gages pour le reste de la durée présumée du voyage, et des moyens de retour chez eux. Cette disposition paraît concilier ce que prescrivent en leur faveur l'humanité et la justice, avec les justes ménagements dus aux intérêts des propriétaires de navires, qui ne peuvent en pareils cas se séparer de l'intérêt même de la navigation.

L'addition portée à l'article 109 du projet est susceptible de quelque examen.

Cet article suppose que le capitaine ait été obligé de vendre des marchandises pour subvenir aux besoins pressants du navire, et prescrit que, si le navire se perd, le capitaine tiendra compte de ces marchandises sur le pied qu'il les aura vendues, en retenant le fret porté aux connaissements.

L'ordonnance n'avait rien statué, à cet égard, dans le cas de la perte du navire. Les commentateurs professaient une doctrine contradictoire : les uns considéraient les marchandises vendues avant la perte et pour subvenir aux besoins du navire, comme le sujet forcé d'un contrat à la grosse, et en refusaient le paiement; les autres ac

cordaient ce paiement, en les regardant comme sauvées, puisqu'on en avait disposé avant que le navire eût éprouvé aucun évènement sinistre. Il a fallu se fixer sur ce point. Il a paru équitable de penser que les marchandises vendues pour subvenir aux besoins du navire, constituaient un titre de créance en faveur de leur propriétaire; que dès-lors elles avaient cessé d'être en risque; que le capitaine et les propriétaires du navire, qui étaient chargés de pourvoir à ses besoins, avaient contracté une dette individuelle en appliquant ces marchandises à l'accomplissement de leur devoir personnel; qu'en pareille circonstance, un contrat à la grosse ne saurait, par sa spécialité, être présumé ni supposé; qu'il serait étrange de vouloir, considérer comme perdues les marchandises vendues avant la perte du navire, tandis qu'elles auraient pu être sauvées dans la circonstance même du naufrage; qu'enfin, le propriétaire de ces marchandises vendues, si elles ne lui étaient pas payées par le capitaine, se trouverait dépouillé sans pouvoir exercer aucun recours contre ses assureurs, qui ne seraient pas tenus au remboursement, puisqu'il n'y aurait pas eu d'objet de risques à bord lor. du naufrage.

Ces réflexions ont conduit à la disposition exprimée au second paragraphe de l'article 109.

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+2

En substituant dans les articles 117, 118 et 119, un dépôt en mains tierces, et le privilège du capitaine pour son fret sur les marchandises déposées, à la faculté d'arrêter et de saisir ces mêmes marchandises, que lui donnait l'ordonnance, nous avons adopté une mesure qui paraît mieux assortie aux formes conciliatrices du coin

merce.

Cette mesure conserve les intérêts du capitaine qui a

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