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261, après la bataille du lac Régille', et dont plus tard elle détruisit la confédération, à la suite de la guerre latine, en 416. Il y a donc deux phases dans leur histoire : la première est celle de leur alliance avec Rome, sur un pied d'égalité; la seconde est celle de leur abaissement.

Dans la première période, les Latins jouissent dans leurs rapports avec le peuple romain de droits importants, dont le bénéfice leur est assuré par les traités. Au point de vue du droit public, si les Latini veteres sont incapables d'aspirer aux magistratures romaines, il paraît certain qu'ils avaient accès dans les armées romaines, et que le jus suffragii ne leur était pas refusé en principe; ceux qui étaient présents à Rome, lors de la réunion des comitia tributa, pouvaient voter dans une tribu désignée par le sort3. Ils ont le connubium soit entre eux, soit avec les Romains';

1 C'est Spurius Cassius qui conclut, lors de son second consulat, le traité définitif d'alliance entre Rome et la ligue des trente villes latines (nomen latinum). Le texte de ce traité (fœdus Cassianum) subsistait encore, gravé sur une colonne de bronze, à l'époque de Cicéron. Cicéron, pro Balbo, 23, 24. Denys d'Halicarnasse, VI, 95, le reproduit en ces termes : Ῥωμαίοις καὶ ταῖς Λατίνων πόλεσιν ἁπάσαις εἰρήνη πρὸς ἀλλήλους ἔστω μέχρις ἂν οὐρανός τε καὶ γῆ τὴν αὐτὴν στάσιν ἔχωσι· καὶ μὴτε αὐτοὶ πολεμείτωσαν πρὸς ἀλλήλους, μήτ' ἄλλοθεν πολεμίους ἐπαγέτωσαν, μήτε τοῖς ἐπιφέρουσι πόλεμον ὁδοὺς παρεχέτωσαν ἀσφαλεῖς, βοηθείτωσαν τε τοῖς πολεμουμένοις ἁπάσῃ δυνάμει, λαφύρων τε καὶ λείας τῆς ἐκ πολέμων κοινῶν τὸ ἴσον λαγχανέτωσαν μέρος ἑκάτεροι· τῶν τε ιδιωτικών συμβολαίων αἱ κρίσεις ἐν ἡμέραις γιγνέσθωσαν δέκα, παρ' εἷς ἂν γένηται το συμβόλαιον. Le pacte conclu par Spurius Cassius stipulait donc une paix perpétuelle entre les parties contractantes, une assistance réciproque en cas de guerre, le partage égal du butin, l'exercice alternatif du commandement supérieur de l'armée par chacun des deux peuples, une réglementation des prêts d'argent et des opérations sur gage, et l'établissement d'une procédure particulière pour la solution des litiges auxquels l'exécution des contrats donnerait naissance. Voy. Marquardt, Organisation de [Empire romain (trad. A. Weiss et P. Louis-Lucas), t. I, p. 32.

1 Liv. XL, 18; Accarias, op. cit., t. I, p. 93, note 2.

3 Appien, De bell. civ., I, 23; Liv. XXV, 3; Den. d'Halic., VIII, 72; Lex Malacitana, 53; Voy. sur la question, Niebuhr, Hist. rom. (trad. de Golbéry), t. III, p. 103 et s.; Mommsen, Hist. rom. (trad. Alexandre), t. II, p. 132 et s.); Walter, op. cit., § 227; Zumpt, Stud. rom., pp. 291-295, p. 344 et s.; Marquardt, op. cit., t. I, p. 33.

4 Le fœdus Cassianum, si l'on s'en tient à la version que Denys d'Ha

et dès lors ils ont part aux relations de famille qui constituent l'agnation; ils jouissent même, dans leurs rapports avec les Romains, du commercium, c'est-à-dire de la faculté d'acquérir la propriété quiritaire, par les modes du jus civile, et de la testamenti factio qui en est une dépendance; ils s'obligent valablement litteris; enfin ils relèvent, au point de vue de leurs intérêts privés, de la juridiction internationale des récupérateurs 3.

Dans la seconde période, après la guerre latine, les anciens Latins tout au moins ceux qui n'ont pas reçu la civitas sont regardés, non plus comme des alliés, mais comme des vaincus. Pour eux il n'est plus question de droits politiques et de connubium*; et peut-être même fu

licarnasse nous en a conservée, ne mentionnait pas le connubium parmi les droits reconnus aux membres de la confédération latine; mais il n'est pas douteux, croyons-nous, que ce droit leur ait appartenu. En effet le traité de 261 avait, au témoignage de Denys lui-même (VI, 63; VII, 53; VIII, 35, 70, 72, 74, 76, 77), établi entre Rome et le nomen Latinum un rapport d'isopolitie; ce qui implique le droit au mariage. D'autre part ce traité s'était borné à restaurer l'antique alliance, l'æquum fœdus autrefois scellé par Servius Tullius (V. ci-dessus, p. 24), puis par Tarquin le Superbe avec les villes latines; or, sous l'empire de cette alliance, rien évidemment ne mettait obstacle au mariage entre Romains et Latins, puisque Tite-Live (I, 26 et 49), nous montre la soeur des trois Horaces fiancée à l'un des Curiaces, c'est-à-dire à un citoyen d'Albe, et Tarquin le Superbe lui-même mariant sa fille à un chef latin, le Tusculan Octavius Mamilius. Voy. Beyssac, op. cit., p. 15, note 2; Accarias, op. cit., t. I, p. 93, note 2; Marquardt, Organ. de l'Empire romain, t. I, p. 33; Ed. Beaudouin, Le majus et le minus Latium, dans la Nouvelle revue hist. de dr. français et étranger, 1879, p. 1 et 111. Comp. Voigt, op. cit., t. I, p. 140 et s.; Mommsen, Hist. romaine (trad. Alexandre), t. I, pp. 55 et 141; Walter, Gesch. des Röm. Rechts, § 87, note 21. Voy. cependant de Vangerow, Über die Latini Juniani, pp. 18, 21, qui, pour contester aux Latini veteres le connubium avec les Romains, s'appuie sur le § 79 du commentaire I de Gaius, aux termes duquel la loi Minicia leur était applicable (Voy. ci-dessus, t. I, De la nationalité, p. 35); M. Pinvert (Thèse de doctorat, Paris, 1885), p. 56 et s., se prononce dans le même sens.

'Arg. Ulpien, Reg. XIX, 4; Walter, op. cit., § 227; Accarias, op. cit., t. I, p. 93, note 2; Marquardt, op. cit., t. I, p. 33. Voy. cep. Pinvert, op. cit., p. 57.

2 Liv. XXXV, 7.

3 Voy. ci-dessus, p. 24.

4 Ulpien, Reg. V, 4; Gaius, 1, 57.

rent-ils, au début, privés du commercium'. Quoi qu'il en soit, ce dernier droit ne tarda pas à leur être rendu2; et c'est même la jouissance du commercium qui caractérise désormais le jus Latii, qui sépare profondément la condition du Latin de celle du pérégrin ordinaire.

Il semble que, lorsque les lois Julia et Plautia de civitate eurent, au septième siècle de l'histoire romaine, accordé le droit de cité à tous les habitants du Latium, le jus Latii eût dû disparaître; il n'en a rien été cependant, parce qu'on en était venu à modeler sur la condition des Latini veteres un droit de latinité artificiel qui fut souvent encore, par la suite, octroyé à des villes et même à des pays tout entiers, en dehors de l'Italie 3.

2° Latini coloniarii.

Les premières colonies latines remontent à l'alliance que les Romains avaient contractée avec les habitants du Latium. Ces colonies comprenaient trois catégories de personnes : 1o des émigrants volontaires qui renonçaient à la patrie romaine; 2° des individus condamnés à une amende, qui, en s'expatriant, évitaient de l'acquitter; 3° des fils de famille désignés par leur père". Toutes ces per

1 Liv. VIII, 14 : « Cæteris Latinis populis connubia commerciaque et concilia inter se ademerunt. » Voy. aussi Liv. IX, 43, 24; Maynz, op. cit., t. I, p. 141; Duruy, Hist. des Romains, éd. illustrée, t. I, p. 303.

? Un texte formel de Tite-Live (XLI, 8) démontre que les Latins pouvaient manciper leurs enfants aux Romains; ce qui suppose nécessairement qu'ils avaient le commercium. Comp. Walter, op. cit., t. I, §§ 85, 87, 227, note 29; Marquardt, op. cit., t. I, p. 71, et note 6.

* En 663, c'est-à-dire dans l'année qui a précédé la loi Julia, la Gaule cisalpine transpadane reçut le jus Latii (Asconius, in Pison., p. 3, éd. Orelli); plus tard César l'octroya à une partie de la Sicile (Pline, Hist. nat., 14, 15; Cic., ad Atticum, XIV, 12), Vespasien à tous les habitants de l'Espagne, Adrien à plusieurs villes de Gaule. Pline, loc. cit., III, 4; Cf. Liv., XLIII, 5.

4 Accarias, op. cit., t. I, p. 94.

5 Cic., Pro Cæcina, 33; Gaius, I, 131.

sonnes perdaient ipso facto le droit de cité romaine et acquéraient en échange le jus Latinitatis.

Quant à la condition des Latini coloniarii, elle est identique à celle des Latini veteres, dans la dernière phase de leur histoire; c'est-à-dire que, privés de tout droit politique et du connubium1, ils jouissent, dans l'ordre privé, du commercium, comprenant la factio testamenti, qui les élève au-dessus des pérégrins ordinaires.

Ce point a cependant été contesté. On a prétendu que les Latini coloniarii n'avaient pas le commercium 2; et l'on s'est appuyé pour le soutenir sur un passage de Cicéron, d'où il résulterait que le jus commercii n'aurait été accordé, à titre de récompense, qu'aux dix-huit colonies latines, demeurées fidèles à Rome pendant la seconde guerre punique 3. Cette interprétation n'a qu'un tort; elle fait dire à Cicéron ce qu'il n'a jamais dit. Le texte n'a rien d'équivoque; il ne parle pas de concession nouvelle du jus commercï; il nous rapporte seulement que Sylla enleva, par une lex Cornelia, le droit de cité à Volaterra et aux autres municipes, et ne leur laissa que le commercium, en les faisant passer dans la classe des douze colonies latines, dont la condition était analogue à celle d'Ariminum, c'est-à-dire dans la classe des colonies auxquelles l'ordre chronologique assignait le dernier rang et, comme conséquence, une certaine inégalité de droits. D'ailleurs la participation des Latini coloniarii au commercium est attestée par Ulpien d'une manière formelle. Enfin les Latini Juniani eux-mêmes en

1 Ulpien, Reg. V, 4.

2 Savigny, Verm. Schrift., t. I, pp. 20-26; t. III, pp. 301-302.

3 Cic, Pro Cæcina, 35: « Jubet enim (Sulla Volaterranos) eodem jure esse, quo fuerint Ariminenses, quos quis ignorat XII (ou XIIX) coloniarum fuisse, et a civibus Romanis hereditates capere potuisse. »

4 Mommsen, Geschichte d. Röm. Münzw. (trad. fr. de MM. de Blacas et de Witte), t. III, p. 190 et s.; Hist. romaine (trad. Alexandre), t. II, p. 240, note; Rudorff, Röm. Rechtsg., t. I, p. 30; Lange, Röm. Alterth., 3o éd., t. II, p. 126; Marquardt, op. cit., t. I, p. 73.

Ulpien, XIX, 4 : « Mancipatio locum habet inter cives romanos, ET LATINOS COLONIARIOS, latinosque junianos eosque peregrinos quibus commercium datum est. >>

étaient investis; or Gaius nous apprend que la condition de ces derniers avait été calquée sur celle des Latini coloniarii1.

Rappelons que des facilités exceptionnelles étaient faites aux Latins, en vue de l'acquisition du droit de cité, et que le jus Latii prit fin, ainsi que la condition des pérégrins elle-même, avec la célèbre constitution de Caracalla, qui conféra à tous les habitants de l'Empire. l'honneur de la cité romaine 3.

3° Latini juniani.

Les Latini juniani, qui doivent leur nom, d'une part à la loi Junia Norbana (an 671 ou 772 de Rome) qui a organisé leur condition, de l'autre à l'assimilation que l'on a voulu établir entre cette condition et celle des Latini coloniarii, sont des esclaves affranchis, sur lesquels leur maître n'avait pas la propriété quiritaire, ou bien auxquels il a donné la liberté, en dehors des formes solennelles de la manumission ou des conditions imposées par la loi Aelia Sentia (an 757 de Rome). Ces affranchis sont dépourvus du jus civitatis; comme les Latini coloniarii, ils sont exclus du jus suffragii et du jus connubii; comme eux, ils jouissent du jus commercii*.

Il existe cependant, à ce dernier point de vue, une différence importante entre le Latinus junianus et le Latinus coloniarius. Celui-ci trouve dans le jus commercii la faculté absolue de tester, de recueillir le bénéfice d'une institution héréditaire ou d'un legs; mais il n'en est pas tout à fait de même pour le Latin junien. La loi Junia Norbana lui reconnaît le droit d'être institué héritier ou appelé au bénéfice d'un legs, de jouer dans le testament d'autrui le rôle

1 Gaius, I, 22.

2 Voy. ci-dessus, t. I, De la nationalité, p. 286 et s. 3 Voy. ci-dessus, t. I, De la nationalité, p. 295.

Ulpien, Reg., XIX, 4.

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