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qu'on dit être d'une vingtaine de mille francs. On est bien parvenu, il est vrai, à soustraire aussi ce mobilier aux flammes, mais dans un état déplorable. La majeure partie des objets, sauvés avec précipitation et jetés dans le jardin, sont brisés ou fortement endommagés.

L'incendie avait pris dès le principe une telle intensité, qu'on a dû s'attacher surtout à préserver du feu les maisons voisines. Vers cinq heures, on ne conservait plus d'inquiétude à cet égard. Quant à l'hôtel du gouvernement, les deux étages supérieurs en sont, à peu de chose près, entièrement détruits, et il n'en reste plus guère que le rez-de-chaussée et les murailies.

Pompiers, troupes, citoyens, femmes même, tout le monde a déployé du zèle et du courage. Malheureusement un certain nombre de personnes ont été grièvement blessées, deux entre autres fort dangereusement; mais il paraît cependant qu'on peut encore espérer que cette déplorable catastrophe n'aura coûté la vie à personne.

Après cinq heures, on n'a plus guère eu qu'à faire jouer les pompes sur l'hôtel en ruines, où d'immenses amas de débris ardents s'enflamment encore fréquemment.

Les bâtiments de l'hôtel du gouvernement étaient assurés pour une somme de 100,000 fr. à la compagnie de l'Es

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Une belle fête militaire a été célébrée aujourd'hui à Nîmes; le 26o régiment de ligne solennisait un anniversaire glorieux pour ce corps. Voici à quelle occasion: Le 11 avril 1842, dix-sept hommes du 26e de ligne escortaient la correspondance de Bouffarick à Beni-Méred: ils étaient commandés par le sergent Blandan; trois chasseurs à cheval portaient la correspondance. Arrivés au ravin de Beni-Méred, les trois chasseurs, qui marchaient à quelques centaines de pas en avant du détachement, tournent bride et reviennent au galop, annonçant la présence de l'ennemi. Au même instant, près de trois cents Arabes sor

Ann. hist. pour 1845. App.

tent des broussailles et enveloppent nos soldats, qui se forment en cercle. Rendez-vous! crie un renégat qui conduit les Arabes, et il ne vous sera fait aucun mal. » Pour toute réponse, Blandan tue le renégat, et, se retournant vers les siens : « Je vous ai montré ce qu'il faut faire ! » Electrisés par cet exemple et par ces paroles, les vingt et un Français attaquent les Bédouins étonnés; une lutte terrible s'engage. Quinze de nos soldats succombent. Percé de trois balles, Blandan tombe le seizième, et ses dernières paroles sont un ordre de mourir comme lui plutôt que de se rendre. Alors se produisit un de ces prodiges qui sont aujourd'hui comme autrefois et seront toujours le privilége de la bravoure en rase campagne, sans chef, obligés, tout en se défendant eux-mêmes, de protéger la correspondance confiée à leur garde, cinq hommes, Bire, Girard, Stall, Marchand et Monnot, soutiennent le choc, déconcertent les efforts de trois cents! Se multipliant par leur courage, its résistent assez longtemps pour qu'avertis par le télégraphe, des détachements de cavalerie puissent accourir de Bouffarick et de Beni-Méred. Le colonel Morris arriva un des premiers, presque seul; à l'approche des secours, ies Arabes s'enfuirent, laissant leurs

morts.

Le récit en fut mis à l'ordre du jour de l'armée; l'étoile de l'honneur vint récompenser la bravoure de ceux qui avaient si vaillamment suivi les derniers ordres de l'héroïque Blandan; une souscription s'ouvrit pour élever sur le lieu même de l'action une colonne destinée à perpétuer ce brillant souvenir, et il fut arrêté que tous les ans un service funèbre et une revue d'honneur célébreraient ce glorieux anniversaire.

Le lieutenant général Galbois, commandant la division militaire, était venu de Montpellier à cette occasion. Après la cérémonie funèbre, célébrée à la cathédrale, il a passé la revue d'honneur du régiment; puis le colonel a lu l'ordre du jour publié par le général Bugeaud, trois jours après l'affaire, au pied d'un monument surmonté d'un tableau représentant le combat de Beni-Méred, et qui avait été élevé au milieu de la cour principale

de la caserne.

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19 avril.GRANDE-BRETAGNE. Accident sur un chemin de fer.

Un terrible accident est arrivé aujourd'hui à Ashton-under-Lyne. L'embranchement du chemin de fer conduisant d'Ashion et de Statybridge à Manchester avait vingt arches en pierres; une partie de ces arches s'étendait sur le canal de Huddersfield et de Manchester et sur la rivière. Plus de trente hommes travaillaient à l'achèvement de cet embranchement, lors que tout à coup neuf arches se sont écroulées avec un horrible fracas, et tous les ouvriers ont été abîmés sous les décombres ou engloutis dans la rivière. On a donné le plus de secours possible aux victimes; ou est parvenu à sauver beaucoup de monde, mais jusqu'ici l'on a à déplorer la perte de dix à douze personnes. La cause de cette catastrophe a été un éboulement de terrain dans un endroit où il y avait eu autrefois une carrière abandonnée. M. Joseph Towler, un des entrepreneurs, était sur l'arche du milieu au moment de l'éboulement; il a été lancé dans la rivière à une distance de 18 pieds, et il a échappé par miracle à une mort certaine.

27 avril.

FRANCE. — Expérience du télégraphe électrique.

Aujourd'hui, à midi, a eu lieu la grande et décisive expérience du télégraphe électrique établi, par ordre du gouvernement, sur les côtés du railway de Paris à Rouen.

On sait que ce sont deux fils métalliques, sans solution de continuite, qui conduisent avec la rapidité de l'éclair l'électricité et qui la ramènent. Ces fils sont supportés à 2 ou 3 mètres du sol par des poteaux hauts de 3 à 4 mètres, armés de poulies en verre à leur sommet et espacés, à des distances égales, de 20 mètres environ. Tantôt les fils passent à droite, tantôt à gauche des rails.

Aujourd'hui, comme jeudi dernier, les appareils électro-moteurs ont été placés l'un à Mantes, l'autre à l'embarcadère de Paris, et les courants électriques ont parfaitement voyagé et ont produit les signaux de toute une correspondance en quelques minutes. Les administrateurs des lignes télégraphiques du royaume, les adminis

trateurs du chemin de fer; M. Pouillet, de l'Institut et de la Chambre des députés; M. Regnault, de l'Ecole polytechnique; M. Bréguet, etc. etc., assistaient à cette belle expérience, qu'on peut regarder comme décisive.

17 mai. FRANCE. PARIS. Coalition des ouvriers charpentiers.

Le 17 mai 1845, trois compagnons charpentiers se présentèrent devant la chambre syndicale des entrepreneurs de charpente, demandant, au nom de tous les ouvriers charpentiers du département de la Seine, qu'à l'avenir la journée de travail établié à 4 francs depuis nombre d'années, par une sorte d'engagement tacite, fût portée à 5fr., et que le marchandage, c'est-à-dire le travail à la tâche, fût formellement interdit. Ils ajoutaient que, dans le cas où il ne serait pas obtempéré à leur demande, le travail cesserait dans tous les chantiers de Paris et de la banlieue. L'augmentation demandée n'ayant pu être accordée, le travail cessa en effet et simultanément à dater du 9 juin 1845.

Avant d'aller plus loin, il importe d'établir la situation dans laquelle les ouvriers et les entrepreneurs se trouvaient placés. Ils étaient les uns et les autres sous l'empire d'un contrat tacite établi en 1833, en vertu duquel la journée de 4 francs avait été adoptée comme base devant faire loi entre l'ouvrier et l'entrepreneur à défaut de convention contraire, Ce prix devait être, en thèse générale, accordé à tout ouvrier charpentier capable d'établir et travailler convenablement la charpente, ce qui était naturellement laissé à l'appréciation immédiate des chefs d'atelier, responsables visà-vis des maîtres de l'exécution du travail. Quant à la question du marchandage, elle était restée en dehors de cette sorte de contrat.

Cet état de choses a été scrupuleusement respecté par les maîtres, aux dépens même de leurs intérêts. En a-t-il été de même des ouvriers? Depuis 1833, des cessations partielles de travail ont eu lieu chez divers entrepreneurs pour des motifs d'une révoltante injustice et complétement etraugers au prix de la journée. Tantot c'étaient les compagnons du devoir qui exigeaient impérieusement l'ex

pulsion d'un chantier de tous les compagnous de liberté, sous peine d'interdiction; et ceux-ci, placés sous l'influence des craintes qu'on leur inspirait, abandonnaient le chantier, Tantôt c'était la mise en interdit de chantiers où des ouvriers laborieux avaient entrepris des travaux à la tâche.

Aujourd'hui, c'est une coalition générale, dans laquelle les compagnons du Devoir, les compagnons de Liberté, les Limousins, et même les chefs d'atelier font cause commune. Ils violent ouvertement et de leur chef le contrat tacite qui les liait; ils imposent tyranniquement une convention nouvelle, sans avoir ouvert à l'avance des conférences préalables, des discussions contradictoires; ils prennent sur eux de régler ce qui ne devait l'être que d'un commun accord, et au risque de compromettre les intérêts les plus graves, y compris les leurs; procédant par surprise, ils abandonnent simultanément les travaux en voie d'exécution, laissant les entrepreneurs faire face comme ils le pourront à des engagements contractés sous la foi du traité tacite existant entre eux et les ouvriers.

Tous les travaux de charpente ayant été arrêtés à Paris, par le fait de cette coalition, il est devenu nécessaire d'employer des ouvriers militaires aux travaux d'urgence, jusqu'à ce que la justice ait eu le temps d'intervenir et que l'ordre ait été rétabli.

13 juin. - Combat de Tamatave, Rapport de M. Romain Desfossés, commandant de la station navale de Bourbon et de Madagascar.

Conway, venant de Maurice; mais la Zélée, que j'avais fait partir de Bourbon vingt-quatre heures avant moi, avait primé, cette corvette, et avait déjà offert aux traitants auglais et français un asile sous la sauvegarde de notre pavillon.

Avaut mon arrivée, le capitaine Fiéreck avait eu avec le second chef ou grand juge hova un kabar sans résultat avantageux pour nos trais tants; le capitaine Kelly, du Conway, n'a pas été plus heureux le décret d'expulsion lancé par la reine est exécutoire sur-le-champ, sous peine de mort pour tout agent hova qui cherchera à l'éluder,

Je n'ai pas cru devoir demander une entrevue au gouverneur de Tamatave, qui, prétextant une indisposition, n'avait voulu recevoir ni le capitaine anglais ni M. Fiéreck. Je me suis borué à envoyer un officier lui porter nne lettre que je lui écrivais, et une pour la reine Ranavalo.

Les officiers français et anglais qui sout envoyés à terre pour recueillir les traitants, ainsi que tous les objets transportables qu'ils veulent embar quer, ne peuvent mettre le pied sur la plage que gardent de nombreux détachements d'Hovas. Tel est, monsieur fe ministre, l'état des choses en ce moment.

Le capitaine du Conway est venu conférer avec moi à bord du Berceau. Nos positions sont identiques: douze traitants anglais et onze français sont dépouillés et chassés de Tamatave.

Cet officier supérieur et moi, dans une parfaite communauté d'opinion au sujet de ces déplorables événements, avons reconnu que, si nous exercions, sans provocation bien patente, un acte d'hostilité contre les Hovas, nous

Tamatave, le 13 juin 1845. exposerions peut être à de graves

Monsieur le ministre,

J'ai eu l'honneur de rendre compte à Votre Excellence, le 7 de ce mois, des motifs qui m'ont déterminé à quit ter brusquement Bourbon pour venir à Tamatave, au lieu d'aller directement porter à Mayotte les troupes destinées à remplacer la garnison de cet établissement.

Hier soir, le Berceau a mouillé à Tamatave; il y a été devancé de deux heures par la corvette anglaise le

dangers les Français ou Anglais qui résident encore sur d'autres points de Madagascar, depuis le fort Dauphin jusqu'à Vahémar. Cette puissante considération contiendra dans des bornes que Votre Excellence appréciera et approuvera, je l'espère, l'indignation dont on ne peut se défendre en présence de la sauvage spoliation` qui vient frapper nos nationaux.

Le capitaine Kelly et moi allons rédiger et signer en commun une protestation que nous ferons parvenir à la reine Ranavalo.

Le Berceau, la Zélée et le Conway sont embossés à 300 toises des forts de Tamatave; l'embarquement des marchandises portatives des traitants va se continuer sous la protection de nos embarcations. Le capitaine Kelly croit que les Hovas, déjà aussi insolents que leurs sauvages instincts le comportent, seront enhardis par notre modération et prendront l'initiative des hostilités: telle n'est point mon opinion; mais, quoi qu'il arrive, nous sommes prêts à châtier tout acte d'agression comme toute insulte de leur part.

Lorsque ma présence ici sera devenue inutile, j'aurai à pourvoir au transport de la garnison de Mayotte, à examiner la situation de Nossi-Bé et à envoyer recueillir, sur divers points de la côte orientale, nos traitants, qui vraisemblablement sont partout traités comme à Tamatave et désirent fuir au plus vite cette terre de persécutions.

L'équipage de la Zélée, qu'une épidémie de scorbut a rudement éprouvé récemment, ne me donne plus d'inquiétude; celui du Berceau, qui cependant a laissé 20 hommes à Bourbon, est dans un état très-satisfaisant. Je prie Votre Excellence d'agréer, etc. Le commandant de la station navale de Bourbon et de Madagascar,

Romain DESFOSSÉS.

suspendre l'exécution de la loi spoliatrice qui venait de frapper d'une manière si inattendue les Européens.

Cette espérance a été déçue, monsieur le ministre; je n'ai pas tardé à me convaincre que j'avais affaire à des hommes pour qui toutes les questions de justice, du droit des gens, de respect des personnes et des propriétés, sont choses inconnues ou méprisées, qui enfin ne savent céder qu'à la force qui se déploie menaçante et inexorable.

Votre Excellence verra, j'ose l'espérer, par la lecture des divers documents que je viens de réunir pour les joindre à ce rapport, qu'avant de me résoudre à punir l'insolent orgueil de ces insulaires, j'ai tenté tous les moyens de conciliation, et fait, de concert avec le capitaine William Kelly, de la frégate de S. M. Britannique le Conway, tout ce qu'il était honorablement possible de faire pour arriver à un arrangement amical de cette affaire.

Vendredi dernier, 13 juin, après avoir longuement conféré avec les principaux traitants et acquis la certitude positive que, indépendamment de ce qu'ils étaient exposés à de continuelles et grossières insultes, beaucoup d'entre eux sont créanciers des chefs hovas, et tous possesseurs d'immeubles ou de marchandises d'une grande valeur qu'ils vont se trouver forcés d'abandonner, j'écrivis à la reine Ranavalo, ainsi qu'au gouver

Tamatave, le 16 juin 1845 neur de Tamatave, les deux lettres

Monsieur le ministre,

Lorsque, le 13 de ce mois, je rendais compte à Votre Excellence des événements qui m'avaient amené à Tamatave, et que je l'entretenais de la situation si déplorable, si digne d'intérêt, dans laquelle je venais de trouver des Français qui, pendant plusieurs années, avaient vécu et travaillé dans ce pays sous la sauvegarde du droit des gens, j'espérais encore que les représentations énergiques que j'allais adresser à la reine Ranavalo ainsi qu'au gouverneur de la place, ne seraient pas sans résultats heureux pour nos traitants, et qu'en attendant une nouvelle décision du gouvernement d'Empirne, le délégué de la reine à Tamatave jugerait prudent et sage de

dont je joins ici les copies.

L'officier que j'envoyai à la plage pour faire remise de ces lettres demanda au chef de la douane l'autorisation de les porter lui-même au gouverneur, ou tout au moins au grand juge; mais il ne put l'obtenir : on l'empêcha même de sortir de son canot, et il lui fut dit, après d'interminables pourparlers, que, la nuit étant proche et le grand juge occupé, il eût à revenir à la plage le lendemain, et qu'on ver

rait.

Dans ce moment, tous nos traitants, à l'exception d'un seul, qui avait voulu mettre en sûreté sa femme et son enfant, étaient encore à terre occupés à emballer ce qu'ils avaient de plus précieux. Je leur fis dire de hâtèr le lendemain l'embarquement de ces objets ainsi que de leurs personnes, et je

me décidai à endurer jusque-là sans mot dire tous les procédés hostiles des chefs de Tamatave.

Dans la nuit, les magasins et l'habitation du sieur Bédos, qui était venu coucher en rade avec sa famille, furent pillés par les Hovas.

Au point du jour, je fis une nouvelle tentative pour faire parvenir entre les mains d'un des chefs mes lettres à Ranavalo ainsi qu'au gouverneur, et cette fois je les envoyai porter par le second de la Zélée, qui parlait la langue sakalave et avait pu mettre pied à terre la veille. J'employai ce moyen détourné, ayant été informé par les traitants que j'étais l'objet de l'animosité toute spéciale des Hovas, parce qu'en arrivant sur la rade je m'étais refusé à dire au capitaine de port ce que j'y venais faire, et que, fatigué de l'insistance inconvenante de cet officier, je l'avais prié de se retirer.

Le lieutenant de la Zélée revint à huit heures avec le paquet que je lui avais remis. Il n'avait pu descendre ni obtenir du chef de la garde qui bordait la plage qu'on reçût mes lettres : le gouverneur et le grand juge étaient, lui dit-on, à la campagne, et n'avaient que faire des lettres des Francais.

Un officier anglais du Conway, arrivé là dans un but analogue, reçut le même accueil que mon envoyé.

Je pense néanmoins que mes lettres auront suivi leur destination, parce que je les confiai, en désespoir de cause, à un de nos traitaufs, qui me dit depuis avoir trouvé le moyen de lés faire parvenir chez le gouverneur. Durant tous ces essais de conciliation, les embarcations françaises et anglaises, armées en guerre, opéraient en commun et sans distinction de personnes ni de pavillons, tant sur les bâtiments de guerre que sur quelques caboteurs de Bourbon et de Maurice, qui se trouvaient sur la rade, l'embarquement de tout ce que les traitants pouvaient enlever de leurs établissements.

Ces effets et marchandises étaient portés ou trainés jusqu'au bord de la mer par nos malheureux traitants eux-mêmes, ou par les Hovas, qui ne prétaient qu'à prix d'or leur coopération, les marins ne pouvant quitter leurs embarcations qu'au prix d'une collision qu'il était urgent d'é

viter tant qu'il resterait à terre un Européen.

Au coucher du soleil, ces travaux cessèrent. Les traitants français, répartis sur le Berceau, la Zélée et le navire français le Cosmopolite, me firent connaître qu'ils étaient tous en sûreté, et que le temps ainsi que l'espace à bord des navires leur manquant totalement pour l'embarquement des lourdes marchandises que renfermaient leurs magasins, telles que salaisons, sel, riz, vin, alcools, etc., ils les abandonnaient forcément, se réservant d'en constater régulièrement l'état et de le soumettre humblement à qui de droit.

Telle était avant-hier soir, monsieur le ministre, la situation des choses à Tamatave: l'œuvre de spoliation, méditée depuis longtemps sans doute par les Hovas, allait se consommer, car nos traitants n'auraient pu rester un instant de plus au milieu de ces hommes rapaces et sanguinaires sans compromettre gravement leur existence, ou tout au moins sans s'exposer à être enlevés et vendus comme esclaves dans l'intérieur de Madagascar.

Ils étaient tous en sûreté, mais ruinés pour la plupart.

A ce juste grief s'en joignaient d'autres dont j'avais à demander un compte sévère au chef de Tamatave : la maison d'un Français avait été pillée la nuit précédente sous le canon de deux bâtiments de guerre de cette nation; enfin je considérais comme une insulte directe faite à notre pavillon le refus de toute explication, et surtout celui de recevoir les lettres que j'avais adressées à la reine, ainsi qu'à Razakafidy.

J'étais à bout de toute patience, de toute longanimité, et j'avais d'ailleurs, monsieur le ministre, la conviction profonde qu'en apprenant aux Hovas à mieux respecter à l'avenir le pavillon de la France, je remplirais le premier des devoirs dont Votre Excelfence m'a confié l'accomplissement.

Le capitaine W. Kelly se trouvait dans une position parfaitement analogue à la mienne; comme moi, il avait inutilement réclamé un sursis à l'exécution de la loi d'expulsion des traitants; ses officiers, comme les officiers français, n'avaient pu descendre sur la plage durant l'embarquement des effets et marchandises; seulement le

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