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521 les autorités d'Arica, qui lui refusèrent même la permission de prendre de l'eau à terre. Par suite de ces faits, le commandant fit feu sur la ville. Les autorités d'Arica se décidèrent à accorder une réparation. Mais le gouvernement anglais ne se tint pas pour satisfait et demanda la destitution des officiers qui avaient insulté le consul. Satisfaction entière fut accordée en présence du Collingwood, du Modest et du Cormoran, prêts à bloquer Callao, le port de Lima.

NOUVELLE-GRENADE.

Les relations commerciales entre la Nouvelle-Grenade et la France furent l'objet d'un traité de commerce qui dut être soumis, dans les derniers jours de l'année, à la sanction du Roi. En attendant l'échange des ratifications, qui ne pourrait s'effectuer avant l'année suivante, le congrès de la Nouvelle-Grenade rendit un décret qui, sous le bénéfice de la réciprocité, assurait jusqu'à l'époque de la ratification le maintien des priviléges dont jouissaient les navires et les produits français dans les ports de cet État, en vertu d'une convention provisoire en date du 18 avril 1840. C'était, à proprement parler, la prorogation de cette convention commerciale jusqu'à la mise en vigueur d'un traité qui élargirait les bases des transactions entre les deux pays.

La Nouvelle-Grenade est, avec le Chili, le Mexique, et en général avec les pays qui constituent le groupe supérieur de l'Amérique du Sud, l'un de ceux où les transactions de la France ont pris le plus de développement. Avant la convention de 1840, les échanges directs du commerce français avec la NouvelleGrenade n'allaient guère qu'à 7 ou 800,000 fr. Aujourd'hui, ils dépassent 4,000,000 de fr. Tous ces pays, neufs encore à la vie commerciale, tiraient presque tout autrefois des États-Unis ; maintenant ils font le commerce par eux-mêmes, étendent leurs

relations, accroissent leur marine; la population y augmente rapidement, et, avec elle, le besoin des produits manufacturés d'Europe. Les bâtiments français y trouvent, en peaux brutes, en bois de teinture et en cotons, d'excellents chargements de retour à Carthagène, à Sasanilla, à Sainte-Marthe, principaux ports de la Nouvelle-Grenade, qui, en échange, commencent à accueillir avec faveur les tissus, les verreries, les papeteries, et les articles de Paris. C'est sur le territoire de cet État l'isthme de Panama ouvrira peut-être un jour une voie nouvelle à la navigation dans les mers océaniennes, et, si ce grand travail s'exécute, l'avenir appartient à ces parages, qui deviendront le centre d'un immense commerce.

que

VENEZUELA.

La reconnaissance de cette république fut définitivement admise cette année par l'Espagne. On sait que le Venezuela, ainsi que la Nouvelle-Grenade et la république de l'Équateur, furent jadis des colonies espagnoles. Elles se déclarèrent indépendantes de la mère patrie en 1810, et formèrent, sous le titre de république de Columbia, une confédération dont le chef fut l'illustre Bolivar.

L'indépendance de cette confédération fut résolue de fait par la victoire de Carabobu, en 1821, victoire qui fut suivie d'un armistice; mais l'Espagne n'avait point renoncé à son droit de souveraineté.

En 1829, les provinces unies se séparèrent, et formèrent trois républiques distinctes. A la suite dé négociations conduites à Madrid par M. Fortigue, plénipotentiaire du Venezuela, l'indépendance de cette république fut reconnue dans un traité signé le 30 mars de cette année.

D'après ce traité, tous les biens meubles et immeubles confisqués par les deux gouvernements, pendant la dernière guerre,

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devaient étre restitués à leurs premiers propriétaires ou à leurs descendants, si ces biens se trouvaient encore en la possession de l'un des deux gouvernements, et le Venezuela reconnaissait comme dette nationale ce qu'il pouvait devoir au trésor d'Espagne à l'époque de la déclaration de son indépendance. La valeur de cette dette était de 1,300,000 dollars, et celle des propriétés confisquées à 1,700,000 dollars. En tout 3,000,000 de dollars qui formeraient une dette consolidée à 3 et 5 p. 100 d'intérêt, dont la valeur réelle n'était guère que de 600,000 dollars, si on la calculait d'après la dépréciation actuelle de la dette consolidée.

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Après quatre combats successifs livrés à la Elvira, à Cuença et Imbabura, le général président Flores se vit contraint d'abandonner le pouvoir. Une convention fut signée, le 18 juin, entre lui et le gouvernement provisoire de Guayaquil, qui lui assurait la conservation de son rang, une indemnité pour les frais de son voyage en Europe, et la faculté de revenir dans deux ans. Cet exil temporaire devait sans doute se changer plus tard en un exil à perpétuité, et il fallait reconnaître dans cette concession apparente le respect dû aux anciens services du général Florès et la crainte de ce qui lui restait d'influence.

HAITI.

L'Annuaire de 1844 a passé sous silence les agitations révolutionnaires qui ne cessent d'entretenir l'anarchie dans l'ancienne colonie française de Saint-Domingue. Il peut donc paraître utile de retracer en quelques mots les différents événements qui se sont passés, depuis la domination française, dans

cette île si importante par son étendue, ses richesses naturelles et sa position, si une race intelligente et active développait ces magnifiques ressources.

Haïti ou Saint-Domingue était, en 1790, divisé en deux parties distinctes l'ouest qui appartenait à la France, et l'est possédé par la couronne d'Espagne. La province orientale, trois fois plus étendue que la partie française, était habitée par une population de 110,000 blancs ou métis, et par 15,000 noirs au plus. Les préjugés de couleur avaient peu d'influence dans la colonie espagnole, et rien ne s'y opposait à la fusion des races, qui vivaient dans la meilleure harmonie. La province française comprenait environ 60.000 libres, dont la moitié seulement de couleur blanche et 400,000 esclaves.

Cette colonie était alors d'un haut prix pour la France. Elle entretenait un mouvement annuel de 1150 navires, et faisait pour 180,000,000 de fr. d'affaires avec la mère patrie.

Depuis la révolution dans laquelle les blancs furent exterminés, il y eut rupture complète avec la civilisation européenne, interruption subite et jusqu'aujourd'hui sans remède dans les progrès. Les mulâtres, principaux instigateurs de la révolution, devinrent les dominateurs du pays; mais leur ignorance ne pouyait leur permettre de remplacer la race blanche à laquelle ils avaient succédé.

Toussaint-Louverture essaya vainement de ralentir la ruine de la civilisation et de la production tropicale, en rappelant les colons européens réfugiés dans les îles voisines et en maintenant par des supplices les noirs à la culture du sol.

Le sauvage Dessalines, son successeur, acheva, à la suite de l'expédition du général Leclerc, l'extermination des blancs dans la partie française.

Après ce dernier massacre qui eut lieu en 1804, Dessalines, devenu empereur, alla plus loin encore, et effaça d'un trait de plume les blancs et les métis qui se trouvaient encore dans l'île, en déclarant noirs tous les habitants d'Haïti. Comme conséquence de ce décret, il fut interdit aux Européens d'acheter ou

de posséder aucune parcelle du territoire d'Haïti, et d'y faire le commerce pour leur propre compte.

Christophe et Pétion, qui se partagèrent l'île après Dessalines, Boyer lui-même et les dominateurs d'un jour qui lui succédèrent, maintinrent cet arrêt de proscription qui frappait les blancs à l'instant où ils mettent le pied dans l'île.

Quant à la partie espagnole, elle avait échappé aux désastres qui frappaient la colonie française. Le général Ferrand, qui gouverna la contrée orientale avec habileté, de 1803 à 1809, y rappela les principales familles créoles un moment dispersées par Toussaint-Louverture. En 1815, cette province fut rendue à l'Espagne; mais elle fut négligée par le gouvernement de Ferdinand VII, alors trop occupé en Europe pour s'inquiéter de cette province lointaine. Trois ans plus tard, elle fut conquise presque sans résistance par le président Boyer, qui venait de succéder au roi Christophe et à Pétion.

La race blanche n'avait pas disparu de cette province. Réunie aux métis, elle y avait conservé sur la race noire une grande supériorité. Aussi toute la politique de Boyer n'eut-elle d'autre but que d'y ruiner les blancs, et de s'y défaire des principales familles créoles dont le courage et les richesses pouvaient entraver son despotisme. Il imagina d'exiger, par un décret, que la possession du sol, qui, pour la plupart des familles, était purement traditionnelle, lui fût justifiée par la présentation des actes authentiques de vente et d'achat. Par là, il vint à bout de confisquer les biens des familles qui ne pouvaient fournir des preuves écrites. Cependant une foule de blancs, qui refusaient de s'exiler, se retirèrent au nord-est, dans le magnifique pays de Cibao, où, concentrés au nombre de 50,000, tant blancs que métis, ils purent braver la tyrannie des maîtres de Port-auPrince. Cette population, connue sous le nom de Hattiers ou Seybanos, devint le premier noyau de la république dominicaine.

Boyer, après avoir étendu son autorité sur l'île entière, moins la fraction occupée par les Seybanos indépendants, obtint de la

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