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vaincus par le parti constitutionnel dans l'assemblée nationale, grâce aux efforts réunis de MM. Mavrocordatos et Golettis.

Et d'abord se présentait la question de savoir ce que serait dans l'État le chef de l'Église. Les napistes l'auraient voulu indépendant à l'égard de la couronne, et élu par l'assemblée des archevêques et des évêques. C'était, grâce à l'influence que le clergé exerce dans le pays, donner au président du saint synode une puissance plus grande que celle du roi lui-même, qui ne suit pas la religion du peuple. Unis au vieux parti des philorthodoxes, les napistes annonçaient hautement l'intention de subordonner le pouvoir temporel au pouvoir spirituel ; quelquesuns même allaient jusqu'à désirer hautement le renversement d'une dynastie hétérodoxe, et proposaient au clergé de choisir pour son chef l'archimandrite OEconomos, chef autrefois de la société philorthodoxe, et agent presque avoué de la Russie.

En présence de ces menées, le parti national devait resserrer plus fermement ses liens, et se rapprocher plus que jamais du trône. Le ministère voulait que le président du saint synode continuât d'être nommé par le roj. Sur cette question, les partisans de M. Metaxas se séparèrent de M. Colettis, sans toutefois pouvoir lui enlever une majorité réelle.

Cependant, et contre toute attente, les mavrocordatistes euxmêmes se séparaient du ministère sur une question dynastique, et ne craignaient pas, pour le plaisir d'une opposition imprudente, de favoriser les tendances rétrogrades du parti russe. La presse et les députés mayrocordatistes firent cause commune avec les philorthodoxes et les napistes. Faire triompher le ministère contre les napistes, sur une question dynastique et nationale, eût été, sans doute, un beau rôle pour M. Mavrocordatos: il préféra se faire battre par le ministère en compagnie des napistes. En effet, les deux questions importantes que soulevait le projet de loi furent résolues dans le sens des tendances libérales. Il s'agissait, d'une part, de savoir si, comme le demandaient les napistes, le mariage serait, en Grèce, considéré seulement comme un sacrement que l'Église seule pourrait consacrer et dissoudre,

ou si, comme le voulait le parti national, le mariage serait aussi un acte civil soumis à l'autorité temporelle. Il y avait là un moyen puissant de conserver au clergé son influence, en gardant dans ses mains le sort des familles et en exerçant par ce moyen, une action immense sur le peuple.

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La Chambre, à la majorité de 60 voix contre 35, décida que la consécration du sacrement de mariage appartiendrait à l'Eglise, mais que le divorce ne pourrait être prononcé que par les tribunaux civils. C'était, au reste, ce qui ayajt eu lieu jusqu'ici.

Il s'agissait, en second lieu, des prêtres qui quittent le sacerdoce pour rentrer dans la vie séculière. L'Eglise interdit cette renonciation, et les canons prononcent l'excommunication contre ceux qui s'en rendent coupables. Devant les exigences du parti napiste, le ministère avait cru pouvoir ajouter une sorte de punition temporelle à la punition spirituelle, et le projet de loi contenait une disposition qui interdisait les emplois publics et l'exercice des droits civils à ceux qui renonceraient à leur vœux, L'opposition ne se contentait pas de cette pénalité; elle eût youlu qu'on lui donnât une force rétroactive. Cette mesure était dirigée contre le député de Missolonghi, M. Balbi, autrefois diacre dans sa jeunesse, et aujourd'hui ministre de la justice.

Sur la proposition du ministère, la Chambre supprima purement et simplement l'article du projet de loi ayant trait à cette disposition.

La majorité, désormais acquise au ministère, était de 67 voix. Au Sénat, ja marche était la même; mais là, la majorité était aux napistes. Aussi parut-il nécessaire, dès ce moment, à M. Colettis, de créer quatorze nouveaux sénateurs, et de rétablir par cette adjonction l'harmonie entre le parlement et le ministère. Le 28, le budget fut présenté à la Chambre des députés. Le ministère demandait :

Pour le service du département de la justice
Pour le département des affaires étran-

gères...

A reporter.

830,086 16 dr.

251.155 50 1,081,241 66 dr.

Report.........

Pour le département des cultes et de l'in

struction publique.....

Pour le département de l'intérieur.....

Pour le département de la marine......
Pour le département de la guerre.
Pour le département des finances.....

Total....

...

1,081,241 66 dr.

583,000 >>>

1,134,000 D

1,053,573 40

4,063,850 >>>

4,392,563 48

12,308,228 54 dr.

Il est à remarquer que dans cette somme étaient comprises celle de 390,371 07 pour indemnité à la Porte ottomane, et celle de 120,000 qui, dépensée en 1844, devrait charger le budget de cette année; de façon que les dépenses ordinaires de 1845 ne s'élevaient en réalité qu'à 11,797,857 47. Ainsi les dépenses de l'année courante seraient de 513.972 dr. inférieures à celles de 1843, qui elles-mêmes étaient inférieures à celles de toutes les années précédentes, conformément aux réductions conseillées par les trois puissances au gouvernement grec.

Pour rendre la situation financière et le budget plus intelligibles, le ministère avait fait exécuter un travail important qui portait une vive lumière sur toutes les questions financières qui, depuis 1833, avaient donné lieu à tant de discussions. C'était le compte rendu de la gestion financière des onze années écoulées depuis l'installation du gouvernement monarchique.

Le total général du budget des recettes pour 1845 était de 13,334,199 dr. 31 1. (53,340,000 fr.). Le total du budget des dépenses était de 13,272,426 dr. 79 1. (53,090,000 fr.), si l'on n'y comprenait pas une somme de 3,022,686 dr. (12,096,000 f.), montant des intérêts et de l'amortissement de l'emprunt Rothschild pour les deux semestres de 1845. L'excédant des recettes était donc de 61,772 dr. 53 1. (245,548 fr.).

Le budget des dépenses pour 1845 présentait, sur celui de 1844, une diminution réelle de 354,360 dr. (1,047,440 fr.). Le traitement personnel des différents ministères s'élevait,

en 1844, à 582,388 dr. (2,329,352 fr.); à l'avenir, il ne serait que de 342,539 dr. (1,370,156 fr.).

Les dépenses de la marine avaient été réduites de 1,206,790 dr. (4,824,708 fr.); différence en moins,150,177 dr. (600,708 fr.). Les dépenses de la guerre avaient été portées de 4,567,363 dr. 72 1. (18,269,452 fr.) à 4,052,818 dr. 29 l. (16,211,272 fr.); différence en moins, 514,445 dr. 43 l. (2,057,780 fr.).

L'administration de M. Colettis ne restait pas sans attaques. On disait de lui qu'élevé à l'école du pacha d'Égypte, il y avait puisé des principes anticonstitutionnels. On l'accusait d'avoir laissé tomber la Grèce dans une épouvantable anarchie. La constitution, disait-on, avait été mise de côté; partout l'arbitraire était déployé ; on avait renvoyé des juges ou on les avait forcés de se rendre dans un autre siége; les élections avaient eu lieu quelquefois sous le contrôle de la force armée; des députés nominés, qui déplaisaient au gouvernement, avaient été exclus de la Chambre par une commission inconstitutionnellement nommée; on avait garrotté la liberté de la presse; à la place de l'armée illégalement dispersée, on avait mis des bandes de palikares, de pillards et de voleurs, agissant sous les ordres du gouvernement.

Tels étaient les principaux reproches faits à l'administration de M. Colettis.

Nommé ministre près la Porte ottomane, M. Metaxas refusa cette mission. L'opposition s'en réjouit. M. Mavrocordatos et le parti philorthodoxe, qui, depuis les discussions relatives au saint synode, continuaient leur traité d'alliance offensive et défensive, virent dans cette détermination la preuve que M. Metaxas venait enfin se joindre à eux. Mais, à ce moment, il crut devoir donner devant la Chambre des explicacations péremptoires sur sa retraite. Ce discours désappointa singulièrement l'opposition, par cela même que, dans ses explications beaucoup moins claires qu'il ne les avait annoncées luimême, M. Metaxas n'avait cru devoir en aucune façon accuser l'administration.

D'un autre côté, M. Kalergis quittait la Grèce. Ce général, malgré sa position d'aide de camp du fol, s'était fait le centre de tous les mécontentements; napistes ét mávrócordatistės se rencontraient chez lui; et cette conduite, chez un homme appartenant personnellement par ses fonctions à Sa Majestë, ne pouvait que compromettre le pouvoif. Lé roi fit donc parvenir au général Kalergis sa démission des fonctions d'aide de camp, et le homma inspecteur militaire d'Arcadie. Le général fefusa ce nouveau poste et demanda un congé à l'étranger, qui lui fut immédiatement accordé. Ce congé obtenu, M. Kalergis chercha à le faire prendre pour ufi exil, et sir Edmond Lyons l'aida à prendre cette position.

Quelques jours après, le colonel Scarvelli, qui commandait l'infanterie, et qui, le 3 septembre 1843, avait participé au mouvement organisé par le général Kalergis, fut mis en disponibilité. Comme le général, il avait refusé le consulat de Bucharest, sollicité cependant par lui-même. La mise en disponibilité du colonél était done un châtiment mérité, surtout si comme on l'en accusait, il ne recherchait le poste de commândant de la garnison d'Athènes que pour remettre un jour cë poste important aux mains des conspirateurs.

D'autres faits significatifs vinrent encore trahir les manœuvres anarchiques du parti mavrocordatiste et du parti philorthodoxe réunis. Tandis que le colonel Evanghelis Kondojani, mavrocordatiste déclaré, se mettait en rébellion ouverte contre le gouvernement; tandis que l'administration était informée des mé= nées qui avaient lieu en Achaïe, en Messenie et en Acarnanië, pour pousser le peuple à la révolte, un mouvement à main armée était ténté en Latonié. Les chefs mavrocordatistes et napistes, l'Oulikako, Kakaritzos et Petropoulakis, ayant pour mot 'd'ordre à bas le ministère ! parvinrent à s'emparer du fort de Bortounia, où ils prépafèrent leurs moyens de défense. Maiš les populations, loin de se joindre à eux, comme ils l'avaient espéré, prirent les armes, et les poursuivirent de bois en bois et de montagne en montagne, jusqu'à ce que quelques détaché

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