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De la Théorie des combinaisons d'Assurances, de ses diverses applications, du mode d' Assurance mutuelle, et du mode d'Assurance à prime.

LE Traité des assurances terrestres qui suit cette introduction étant un ouvrage de droit, nous nous sommes abstenus avec soin d'y faire entrer des règles empruntées à une autre science. Cependant la jurisprudence, qui ne voit dans chaque assurance qu'un contrat isolé, et qui se borne à connaître des rapports que ce contrat établit entre l'assureur, l'assuré et ses représentans, ne comprend point dans son domaine toute la théorie des assurances. Une autre science préside aux combinaisons qui établissent entre toutes les assurances faites par une compagnie une sorte d'ensemble, dans lequel chaque risque assuré et chaque prime d'assurance ne figurent et ne concourent que comme des fractions d'un seul tout. Cette science fournit les bases sur lesquelles reposent les assurances, et peut seule rendre raison de l'importance comme de la certitude de leurs résultats.

Il nous paraît donc nécessaire pour donner une idée complète des assurances aux personnes qui ne seraient point familiarisées avec ces sortes d'opéra

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tions, de faire connaître au moins par un court aperçu, les combinaisons qui seules en garantissent le succès.

Considérée isolément et séparée des autres conventions de la même nature avec lesquelles elle se combine, une assurance ne présente à l'esprit d'autre idée que celle d'une gageure, au moins de la part de l'assureur. Il est vrai qu'elle a pour fin de procurer à l'assuré non un profit éventuel comme le gain d'un pari, mais la garantie ou plutôt la réparation d'un désastre possible et réel. Ce but imprime à la convention d'assurance un caractère particulier qui suffit pour la faire sortir de la classe des spéculations de jeu, et pour l'élever au rang des contrats que la loi civile sanctionne à cause de la moralité de leur principe et de l'utilité de leurs effets. Mais la garantie que promet l'assureur serait-elle bien solide si elle ne reposait dans le fond que sur un simple pari? Qui d'ailleurs voudrait s'exposer pour un autre à cette lutte imprudente contre la fortune, et comment pourrait-on régler entre deux parties les conditions d'un pareil marché de manière à concilier leurs intérêts respectifs? Le risque d'un cas fortuit, rapporté à un seul objet, se dérobe à toute espèce de calcul et conséquemment d'appréciation. On ne conçoit donc pas qu'il puisse devenir la matière d'un contrat de garantie à titre onéreux. Mais que l'on fasse entrer dans la même combinaison les risques de mer, auxquels sont exposés un grand nombre de vaisseaux, ou les chances.

d'incendie qui sont comme disséminées sur une masse de propriétés ; et l'on pourra par un judicieux emploi de la théorie des probabilités, parvenir à déterminer au moins approximativement, quel sera dans le résultat général du développement de toutes ces chances, le rapport du nombre des sinistres à celui des évènemens heureux. La somme probable des pertes, sur une masse de valeurs donnée, étant connue à l'avance, pourra être distribuée dans la même proportion que les risques entre les propriétaires qui s'y trouvent exposés. La division de la perte entre tous les propriétaires qui en sont également menacés, réduira la portion contributive de chacun à un contingent excessivement modique ; et chacun en versant ce léger tribut dans le fonds commun d'une société d'assurance mutuelle, ou dans la caisse d'une compagnie d'assurance à primes, acquerra la certitude d'être préservé des chances d'une ruine totale.

C'est à la science des nombres, appuyée sur l'observation des faits, qu'il appartient de résoudre le problême à la solution duquel est attaché le succès de toute entreprise d'assurance. C'est à cette science qu'il faut demander l'instrument avec lequel on pourra mesurer la probabilité des sinistres. Leurexistence est subordonnée à l'influence d'un certain nombre de causes, dont les unes peuvent faire qu'ils se réalisent, les autres qu'ils ne se réalisent pas. Il y a donc pour et contre leur existence un certain nom

bre de chances. Le rapport du nombre des chances qui peuvent amener un évènement, à celui de toutes les chances possibles, tant favorables que contraires à son existence, est la mesure de sa probabilité. Les mathématiciens l'expriment par une fraction, dont le numérateur est le nombre des cas favorables, et dont le dénominateur est le nombre de tous les cas possibles. Plus la fraction croît vers l'unité, et plus l'évènement devient probable; car le nombre des cas favorables se rapproche de celui de tous les cas possibles. Enfin, lorsque ces deux nombres, qui sont les deux termes de la fraction, coïncident et se confondent dans l'unité, la probabilité devient certitude.

Cette opération suppose de premières données que le calcul réduit en valeurs numériques, et dans lesquelles il découvre les deux termes de la fraction qui est l'expression mathématique de la probabilité. L'observation et l'analyse des faits passés fournissent ces données fécondes. Il semble

d'abord que les événemens de la classe de ceux qu'on appelle fortuits et accidentels, ne pouvant être ramenés à aucune règle, ne peuvent fournir aucune induction pour l'avenir que fussent-ils combinés de mille manières, ils ne donneront jamais rien de fixe, et ne révéleront dans leur éternelle mobilité d'autres lois que les caprices du hazard. Mais des observations plus complètes et une analyse plus profonde ont fait découvrir que les évé

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