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contrats aléatoires purement civils, notamment dans le contrat de rente viagère. Si l'on objectait que le légis lateur a retranché le contrat d'assurance du nombre des contrats civils pour le faire entrer dans le domaine de la loi commerciale (art. 1964, Cod. civ.), on pourrait répondre qu'il n'a parlé que du contrat d'assurance maritime, qui seul est compris dans l'énumération des actes commerciaux faite par l'art. 633 du Code de com

merce.

111. Mais si l'on veut saisir le véritable caractère. des opérations d'assurance en général, il ne faut point s'arrêter à l'hypothèse fort extraordinaire d'une opération d'assurance isolée de toute autre opération du même genre. Celui qui ne ferait qu'une seule assurance s'exposerait à un jeu beaucoup trop inégal, qui ne lui offrirait point de compensation suffisante contre la chance de perte totale.

Ce n'est qu'en multipliant les assurances, en divisant les chances jusqu'à un certain point, en s'abstenant d'en courir de trop fortes sur une seule affaire, enfin en se mettant dans le cas de balancer les unes par les autres, que les assureurs peuvent se flatter d'arriver à d'heureux résultats. (Instruction du ministre de l'intérieur, du 11 juillet 1818.)

Aussi ceux qui entreprennent d'assurer, soit contre l'incendie, soit sur la vie des hommes, soit sur tout autre risque, ouvrent-ils au public des établissemens auxquels peut s'adresser quiconque veut se procurer une assurance du genre de celles que ces établissemens en

treprennent.

112. Or cet appel au public, dans la vue de faire, avec quiconque voudra se présenter, une spéculation intéressée, est ce qui, suivant nous, constitue le com

merce.

S'il était possible de concevoir qu'un seul individu entreprît, avec ses propres ressources, des opérations d'assurance, il faudrait donc qu'il réunît les conditions exigées dans le titre premier du Code de commerce, pour faire valablement des actes commerciaux. Il est inutile de s'appesantir sur ce point qui ne pourra se présenter que bien rarement.

En effet, un établissement d'assurance devant, comme nous l'avons dit, chercher la garantie de ses succès dans la multiplicité de ses opérations, a besoin pour être en état d'affronter la responsabilité qu'elles font peser sur les assureurs, d'une masse de capitaux si considérable qu'un seul particulier ne pourrait la fournir, et qu'elle ne peut être formée qu'au moyen d'associations. Il est même difficile que de pareilles entreprises soient faites par des sociétés en nom collectif ou en commandite, presque toujours composées d'un petit nombre d'individus, qui, lors même qu'ils réuniraient une grande masse de capitaux, craindraient de se soumettre pour des spéculations si vastes et si incertaines dans leurs résultats à la responsabilité indéfinie qui, dans les sociétés dont nous parlons, s'attache à la personne des associés, ou du moins de quelques-uns

d'entre eux.

113. Les sociétés anonymes, qui sont moins des

:

sociétés de personues que des sociétés de capitaux, accessibles à toutes les fortunes au moyen de la division du fonds social en actions, et par conséquent susceptibles de s'accroître à l'infini, offrant aux intéressés la perspective de bénéfices proportionnés à leurs mises, sans que leurs pertes puissent jamais s'étendre au-delà, semblent seules destinées, par la grandeur de leurs moyens et par la sécurité qu'elles comportent, à se charger des opérations d'assurances terrestres, opérations encore plus multipliées et plus vastes que celles des assureurs maritimes.

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<< Les associations anonymes, porte une circulaire du « ministre de l'intérieur, en date du 22 novembre 1817, sont particulièrement faites pour les spécula«<tions vastes et exposées à quelques chances, spécu<«<lations qui n'auraient pas lieu sans l'admission de ce <«< genre de société. Il est propre aux banques publiques, etc., etc., aux assurances, etc., etc., grandes entreprises qu'il importe d'encourager. Ainsi la réu<«< nion de capitaux modiques, pris séparément, pré<< sente dans son ensemble des moyens suffisans que ne <«< voudraient pas hasarder quelques particuliers, et supplée à des engagemens qui pourraient compro<< mettre l'existence entière et la sûreté personnelle <«< d'entrepreneurs en nom.»>

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114. En effet, à la différence de la société en nom collectif, dont les membres sont solidairement et indéfiniment responsables de tous les engagemens de la société; à la différence de la société en commandite,

qui doit présenter au moins un associé indéfiniment responsable, la société anonyme ne rend aucun des intéressés passible que de la perte du montant de son intérêt (art. 33 du Code de commerce). Les administrateurs, lors même qu'ils seraient pris parmi les intéressés ou actionnaires, loin de s'obliger indéfiniment par le fait de leur gestion comme les associés en commandite (art. 28 du Code de commerce), ne contractent aucune obligation personnelle ni solidaire relativement aux engagemens de la société, et ne sont responsables que de l'exécution du mandat qui leur est confié (art. 32 du Code de commerce.)

115. Toute association, même en nom collectif ou en commandite, a pour effet de créer un nouvel être, un être moral ou social, capable de contracter et de faire le commerce en son nom. Mais le nom d'une société collective ou en commandite est toujours celui de quelques associés indéfiniment responsables et solidaires, dans lesquels la société se personnifie à l'égard des tiers, et sur la tête desquels se fixent tous les engagemens contractés envers les tiers, avec toutes les suites que le droit commun du commerce attache à de pareils engagemens. La société anonyme seule a le singulier privilége de traiter et de faire le commerce le plus étendu avec les tiers, sans leur offrir le nom ni l'engagement personnel d'aucun associé, sans leur présenter d'autre garantie qu'un capital fixe et limité, audelà duquel, en cas d'insuffisance, les tiers ne trouvent plus rien et n'ont plus rien à réclamer de personne. Il

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faut convenir que l'institution d'une pareille société, douée de propriétés qui n'appartiennent naturellement à aucun individu, et qui sont au contraire en opposition formelle avec les règles du droit commun sur les effets de tout engagement et sur les droits de tout créancier, ne peut être considérée que comme un bienfait extraordinaire de la loi positive, qui dès-lors a pu régler les conditions auxquelles elle permet d'en user.

En Angleterre les sociétés de ce genre, qu'on appelle corporations, ne peuvent être instituées que par l'autorité publique.

116. De même, en France, elles ne peuvent exister qu'avec l'autorisation du Roi et son approbation pour l'acte qui les constitue, (art. 37 du Code de commerce) et qui doit être un acte public. (Art. 40 du même Code.)

Cette approbation doit être donnée dans la forme prescrite pour les réglemens d'administration publique, c'est-à-dire dans la forme d'une Ordonnance.

L'Ordonnance qui autorise une société anonyme doit être affichée avec l'acte d'association et pendant le même temps, savoir : pendant trois mois, dans la salle des audiences du Tribunal de Commerce de l'arrondissement dans lequel la société a fixé le siége de son établissement. (Art. 40, 42, 45 du Code de commerce.)

Les autorisations des sociétés anonymes sont en outre publiées dans le Bulletin des lois. Les révocations d'autorisation sont publiées de même. Les statuts des sociétés anonymes doivent être insérés dans le jour

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