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de commerce, un contrat d'assurance ou de réassu-
rance, consenti pour une somme excédant la valeur
des effets chargés, est nul à l'égard de l'assuré seu-
lement, s'il est prouvé qu'il y a dol ou fraude de sa
part. Le sens de cette disposition est que s'il y a dol
ou fraude de la part de l'assuré, il ne pourra réclamer
le paiement de l'assurance, en cas de sinistre, sans
néanmoins pouvoir se dispenser du paiement de la
prime entière. Quoique l'assureur ne courre point de
risques dans ce cas, il conserve la prime entière, moins
à titre de prime qu'à titre de dommages-intérêts fixés
par la loi. Ces dommages-intérêts ne sont point exor-
bitans, comme le démontre fort bien M. Locré, car ils
sont dans l'exacte proportion de ce que l'inexécution du
contrat a dû nécessairement faire perdre à l'assureur,
quoique, de règle générale, l'inexécution qui vient de
la fraude du débiteur permette d'accorder des dom-
mages-intérêts au-delà de ceux qu'on a prévus ou pu
prévoir lors du contrat, (Art. 1150 du Code civil.)

Au contraire, s'il n'y a ni dol ni fraude, porte l'art.
358 du Code de commerce, le contrat est valable jus-
qu'à concurrence des effets chargés, d'après l'estima-
tion qui en est faite ou convenue. Seulement l'assu-
rance est réduite à la valeur réelle de ces effets, et les
assureurs qui sont déchargés du paiement de tout l'ex-
cédant, ne reçoivent point la prime de cet excédant
de valeur, mais seulement l'indemnité de demi pour

cent.

86. Non-seulement l'Ordonnance de la marine défendait de faire assurer des effets au-delà de leur va

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leur, ce que notre Code de commerce défend également, mais même elle voulait que les assurés courussent toujours risque du dixième des effets qu'ils auraient chargés, s'il n'y avait déclaration expresse dans la police qu'ils entendaient faire assurer le total. Et l'Ordonnance ajoutait : Si les assurés sont dans le vaisseau ou qu'ils en soient les propriétaires, ils ne laisseront pas de courir risque du dixième, encore qu'ils aient déclaré faire assurer le total. Ces dispositions avaient pour but de faire que l'assuré eût toujours intérêt à la conservation de la chose; mais elles étaient tombées en désuétude, et l'usage contraire avait prévalu. Les auteurs du Code de commerce n'ont pas cru devoir combattre l'usage établi sur ce point, et ils n'ont point renouvellé les dispositions de l'Ordonnance que l'on vient de rappeler.

On lit à cet égard, dans l'Instruction du ministre de l'intérieur, en date du 11 juillet 1818, la question et la réponse suivantes : « Doit-on défendre aux Com

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pagnies d'assurance pour les incendies d'assurer « le dernier dixième de la valeur? On ne doit pas exi<«< ger cette condition des Compagnies qui ne voudraient « pas en faire une règle; mais il est désirable et avan«<tageux pour elles de l'adopter dans leurs statuts : il <«< convient infiniment aux assureurs contre l'incendie « que l'assuré reste intéressé à veiller avec plus de soin « sur sa propriété; néanmoins on n'a pas cru néces<«< saire de prescrire une disposition trop facile à élu« der dans les évaluations des effets soumis à l'assu«rance.»>

que

87. Si l'on ne peut valablement stipuler une assurance qui aurait pour effet de procurer à l'assuré plus l'indemnité de sa perte réelle en cas de sinistre, à plus forte raison ne peut-on faire assurer une seconde fois des objets déjà garantis par une première assurance. S'il existe plusieurs contrats d'assurance faits sans fraude sur le même chargement, porte l'art. 359 du Code de commerce, et que le premier contrat assure l'entière valeur des effets chargés, il subsistera seul. Les assureurs qui ont signé les contrats subséquens sont libérés; ils ne reçoivent que demi pour cent de la somme assurée. Si l'entière valeur des effets chargés n'est pas assurée par le premier contrat, les assureurs qui ont signé les contrats subséquens répondent de l'excédant, en suivant l'ordre de date des contrats. Cette disposition est encore une conséquence des principes qui tiennent à l'essence même du contrat d'assurance. En effet, l'assurance faite sur des choses dont les risques sont déjà garantis par une assurance antérieure, se trouve réellement sans objet; elle ne peut donc subsister. L'assureur, affranchi d'une obligation de garantie qui est nulle faute d'objet et de risque à garantir, ne doit recevoir, suivant l'art. 359, que demi pour cent de la somme assurée à titre d'indemnité.

88. Mais cette dernière disposition, relative à la réduction du montant de la prime au demi pour cent de la somme assurée, n'est applicable que dans le cas où l'assurance nulle avait été stipulée de bonne foi. En effet l'art. 359 ne dispose que pour le cas où elle a été faite sans fraude. Pour le cas où l'assuré serait de mau

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vaise foi, le législateur s'est référé à la disposition de l'art. 357 déjà cité, qui embrasse dans sa généralité tous les cas où la différence entre la valeur assurée et le montant de l'assurance provient du dol de l'assuré, soit que, pour parvenir à son but, il ait frauduleusement exagéré la valeur des objets soumis à l'assurance, soit qu'il ait, non moins frauduleusement, accumulé une seconde, une troisième, une quatrième assurance sur le même objet. Dans tous ces cas l'assuré, convaincu de fraude, ne peut se dispenser de payer à chaque assureur le montant de la prime entière, sinon à titre de prime d'une assurance nulle, du moins à titre de dommages-intérêts équivalens à ce que l'inexécution du contrat fait perdre à l'assureur. Tel est l'avis de M. Locré sur l'art. 359 du Code de commerce, et de M. Boulay Paty*, tom. IV, pag. 124.

89. La règle établie dans l'art. 359 du Code de commerce, suivant lequel on doit réputer nulles l'assurance ou les assurances faites postérieurement à celle ou à celles qui couvrent l'entière valeur du sujet, reçoit son application dans le cas même où toutes les polices ont été faites, suivant l'usage, sous signature privée. « Pour déterminer l'ordre du ristourne, dit Emérigon, <«<les polices privées ont autant de force que celles dres«sées par un officier public. » Cette doctrine doit être suivie sous l'empire du Code de commerce, qui admet

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Cours de Droit commercial maritime, d'après les principes et suivant l'ordre du Code de commerce. Paris, 1821-1823. 4 vol. in-8.° Prix, br., 24 fr. A Paris, chez Warée, oncle, libraire, cour de la Sainte-Chapelle, n.o 13; et au Palais de Justice.

comme légale la forme privée pour les polices d'assurance. L'art. 1328 du Code civil qui veut que les actes sous-seings privés n'aient de date contre les tiers que dans un petit nombre de cas déterminés, n'est point rigoureusement applicable aux affaires commerciales, comme on le démontrera dans le chapitre qui traite des formes du contrat.

90. Nous venons de parler du cas où plusieurs assurances ont été faites successivement, et à différentes dates, sur les mêmes objets. Mais les assurances ainsi cumulées sur le même sujet peuvent avoir été faites à la même date, le même jour, et toutes également avant ou après-midi, soit par une, soit par plusieurs polices. Dans ces cas, où il est impossible de distinguer quelle est la plus récente, toutes les assurances doivent être réduites proportionnellement, chacune au marc le franc, jusqu'à concurrence de la valeur réelle du sujet assuré; et les primes doivent subir une diminution proportionnée à la réduction opérée sur les assurances, pourvu que l'on n'ait aucune fraude à reprocher à l'assuré.

91. Dans le cas, au contraire, où il serait prouvé que l'assuré a multiplié sciemment et frauduleusement les assurances sur le même objet, il serait tenu de payer les primes sans diminution, suivant la règle établie dans l'art. 357 du Code de commerce, que nous avons expliquée plus haut; et les assureurs qui parviendraient à prouver le dol personnel, dont l'assuré se serait rendu coupable à leur égard, obtiendraient, non la réduction

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