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Mais on ne peut s'abstenir de fixer dans le contrat la somme assurée, qu'autant que l'assurance porte sur des objets individuellement déterminés et désignés, et susceptibles d'une estimation d'après laquelle on sera toujours à portée de régler le montant de l'assurance. Ainsi, par exemple, lorsqu'il s'agit de l'assurance d'un bâtiment contre l'incendie, l'on peut s'abstenir de déterminer le montant de l'assurance, parce que l'on est toujours sûr de pouvoir la déterminer d'après les mêmes bases qui existaient à l'époque du contrat.

78. Mais lorsque l'on contracte une assurance du

genre de celle que l'on appelle, dans le commerce ma

ritime, assurance sur facultés, qui ne porte point sur des objets déterminés, mais qui est faite en bloc sur les marchandises d'un magasin, sur le mobilier d'une maison, il est indispensable de fixer, au moment du contrat, le montant de la somme assurée. En effet, let défaut de détermination des objets. assurés laisse à l'assuré la faculté de changer ces objets et de leur en substituer d'autres en plus grande quantité et d'une plus grande valeur. Les obligations de l'assureur resteraient donc complètement indéterminées dans ce cas, et dépendraient entièrement du caprice de l'assuré, si l'on n'avait le soin d'en fixer le montant à l'époque du contrat.

79. De même aussi, lorsqu'il s'agit d'une assurance sur la vie, et particulièrement d'une assurance stipulée velle édition, avec des notes sur les dispositions du Code de commerce, les décisions de la jurisprudence et les opinions des Commentateurs ; par M. L. D. BERNARD, avocat à la Cour royale de Rennes. 4 vol.in-8.o A Paris, chez B. Wanéß, ONCLE, libraire, cour de la Sainte-Chapelle, n.o 13; et au Palais de Justice.

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par l'un des contractans sur sa propre vie, il est nécessaire que les parties conviennent de la somme à payer par l'assureur, parce qu'il serait souvent difficile, et même impossible, de trouver après l'événement des bases certaines d'après lesquelles on pût reconnaitre et déterminer le montant de l'assurance. (M. Pardessus, Cours de Droit commercial, tom. II, n.o 59.)

80. Ce qui est promis par l'assureur à l'assuré peut consister en autre chose qu'une somme d'argent, même en une obligation de faire. La plupart des compagnies d'assurance contre l'incendie se réservent la faculté de se dispenser du paiement de la somme assurée, en faisant reconstruire ou réparer les bâtimens incendiés. Mais ce n'est là qu'une obligation facultative de leur part, et non une obligation alternative. La reconstruction ou réparation des bâtimens incendiés n'est point due par la compagnie d'assurance, et ne pourrait être exigée par l'assuré. Le paiement de la sommé assurée ou de l'indemnité du dommage constitue seul l'objet de l'obligation dont les assurés sont en droit d'exiger l'accomplissement en cas de sinistre. La reconstruction ou réparation des bâtimens incendiés est seulement in facultate solutionis.

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81. L'assurance est ordinairement limitée. Elle est limitée lorsque l'assureur ne s'oblige à indemniser l'assuré des pertes ou dommages qu'il éprouverait, que jusqu'à concurrence d'une certaine somme. On doit décider que l'assureur n'a contracté qu'une obligation de cette espèce, non-seulement dans le cas où la somme assurée a été déterminée par la police, mais encore dans

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le cas où les contractans ont eu en vue une certaine valeur qu'ils ont prise pour base du calcul de la prime à payer à l'assureur, par exemple, dans le cas où la prime a été fixée à tant pour cent de la valeur des objets assurés; par cela seul on doit présumer que l'assureur n'a voulu s'obliger à rien de plus qu'à la somme sur laquelle la prime serait calculée.

Dans ces cas où l'assurance est limitée, quelque multipliés que soient les sinistres et les pertes de l'assuré, l'assureur n'en est tenu que jusqu'à concurrence de la somme assurée. Il suit de là qu'après un premier sinistre, l'assurance, diminuée de toute la valeur du dommage qu'elle sert à réparer, devient insuffisante pour couvrir la perte totale que causerait un nouveau sinistre. Si l'on veut conserver une garantie complète, il est nécessaire d'y pourvoir par un supplément d'assurance.

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82. Toutefois, dans le cas où l'assurance aurait été faite par année, par exemple, moyennant la prime de tant par an l'assureur ne pourrait exciper de la limitation de la somme assurée pour se dispenser de payer les pertes ou dommages qui .excéderaient cette somme, qu'autant qu'ils seraient arrivés dans le cours d'une même année; car l'assurance qui est divisée par année, et qui est sujette à cesser à la fin de chaque année, si l'assuré ne renouvelle point le paiement de la prime pour l'année suivante, est censée dans le cas où l'assuré renouvelle ce paiement, recommencer en vertu d'un consentement mutuel pareil à celui qui opère la reconduction tacite dans le contrat de bail. Il y a donc

autant d'assurances que d'années, en sorte que l'assureur peut être obligé de supporter le poids entier de l'assurance dans le cours de chaque année.

83. La doctrine que l'on vient d'exposer sur l'assurance limitée a été consacrée par un arrêt de la Cour de cassation, en date du 8 janvier 1823, rendu en matière d'assurance maritime.

«Attendu, porte cet arrêt, que si l'art. 332 exige que la police d'assurance exprime la somme assurée et le coût de l'assurance, c'est d'après le principe qu'en cas de perte totale de la chose assurée, les assureurs ne sont tenus que jusqu'à concurrence de la somme qu'ils ont assurée, et dont ils ont reçu la prime; que ce principe, fondé sur la nature des choses et commun à tous les contrats synallagmatiques, est consacré par l'art. 393 du Code de commerce, sans être contredit par l'art. 350 du même Code, qui, en déclarant que les assureurs sont responsables de toutes les fortunes de mer, ne dit pas qu'ils en répondront même au-delà de la somme qu'ils ont assurée; qu'il serait aussi contraire à l'équité qu'à l'essence de tout contrat qui renferme des obligations réciproques et proportionnelles, d'assujettir l'assureur qui ne stipule et ne reçoit de prime que pour une somme déterminée, à fournir une somme plus forte que celle pour laquelle il s'est engagé, et à raison de laquelle il a reçu la prime qui est le prix de son engagement; de tout quoi il résulte qu'en décidant que la compagnie d'assurance devait, pour n'avoir pas déclaré franc d'avarie, payer, à raison des sinistres partiels qui avaient précédé l'échouement avec bris, plus que la somme

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qu'elle avait assurée, et pour laquelle elle avait reçu
une prime de tant pour cent, la Cour royale de Poi-
tiers a violé les articles 332 et 393 et faussement appli-
qué l'art. 409 du Code de commerce, la Cour casse (1).
84. Dans aucun cas,
l'assurance ou l'indemnité que
l'assureur s'oblige, par le contrat, à payer à l'assuré,
ne peut être supérieure au montant de la perte qu'é-
prouverait ce dernier. Ce qui excéderait le montant de
la perte ne saurait être dû à titre d'indemnité, ni con-
séquemment à titre d'assurance. « Ce surplus de prix,
dit Emérigon, pourrait faire la matière d'une gageure
dans les pays où l'assurance par forme de gageure est
permise; mais le contrat cesse, à cet égard, d'être un
contrat d'assurance ». Aussi l'Ordonnance de la marine
défendait-elle, art. 22 du titre des Assurances, de faire
assurer ou réassurer des effets au-delà de leur valeur.
Cette prohibition, qui est également consacrée par les
articles 357 et 358 du Code de commerce, est néces-
saire pour conserver au contrat d'assurance son véri-
table caractère. Elle tient donc à l'essence même de ce
contrat, et conséquemment elle est applicable dans toute
espèce d'assurances.

85. La différence qui se trouve exister entre la valeur réelle des objets et la somme assurée peut provenir de deux causes, du dol de l'assuré, ou d'une erreur commune aux deux parties. Comme la fraude et l'erreur ne doivent point avoir les mêmes suites, la loi les a soigneusement distinguées. Suivant l'art. 357 du Code (1) Voyez le Recueil de Jurisprudence de M. Dalloz, an 1823, page 4.

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