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au profit d'un autre en faveur duquel la stipulation est faite. Or, on le répète, il est de l'essence du contrat l'un des contractans ne puisse décider de l'évènement qui doit rendre l'autre débiteur.

que

72. Mais si quelqu'un a stipulé une assurance à son profit sur la vie d'un autre individu, la mort de cet individu, fût-elle la suite d'une condamnation légale qu'il aurait encourue, ou d'un suicide, est un évènement de force majeure, par rapport au stipulant qui est en même temps l'assuré. L'assureur n'est donc point déchargé de plein droit dans ce cas : il ne le serait que dans le cas où il prouverait que l'assuré a lui-même causé la mort de la personne sur la vie de laquelle l'assurance était stipulée. Mais les compagnies qui font des assurances sur la vie sont dans l'usage d'excepter des risques assurés, les cas de mort par condamnation légale ou suicide. Quelques-unes ajoutent à cette exception le cas de mort par suite d'un duel.

73. Pour obliger l'assureur à la réparation de la perte ou du dommage souffert par l'assuré, il n'est pas seulement nécessaire que la perte ou le dommage arrive par l'évènement du risque auquel l'assurance s'applique, il faut encore qu'il arrive dans le temps du risque. Conséquemment, il ne suffirait pas que la personne sur la vie de laquelle une assurance a été faite reçût une blessure mortelle, ou fût attaquée d'une maladie également mortelle durant le temps du risque; si cette personne ne venait à mourir qu'après son expiraration, la somme assurée ne serait point due.

Les risques à la charge de l'assureur commencent à courir aussitôt après la signature de la police, à moins qu'elle ne spécifie une autre époque à partir de laquelle ils devront commencer. Ils finissent à l'expiration du temps pour lequel l'assurance est contractée, à moins qu'une des causes qui donnent lieu à la résolution de l'assurance ne les fasse cesser plus tôt.

74. De même que l'assureur ne répond que des événemens qui arrivent dans le temps fixé, il ne répond que de ceux qui arrivent dans le lieu désigné. La considération du lieu des risques est très-importante à l'égard des marchandises et des meubles qui sont susceptibles de déplacement. On peut consentir à assurer les marchandises ou les meubles placés dans telle maison, que sa construction, sa situation, ses alentours, semblent í préserver, jusqu'à certain point, du danger de l'incen-/ die, sans pour cela consentir à assurer les mêmes objets au même prix, s'ils étaient placés dans tout autre lieu. Le déplacement des objets assurés et leur translation dans un autre bâtiment mettent fin aux risques et déchargent les assureurs de toute responsabilité. C'est ce que l'on doit décider en argumentant par analogie de l'art. 351 du Code de commerce, qui porte : tous changemens de route, de voyage, ou de vaisseau, provenans du fait de l'assuré....., ne sont point à la charge de l'assureur, etc., etc. Cette disposition, dérivant du principe qui veut que l'assuré ne puisse apporter aucun changement aux chances qui existaient ou qui étaient envisagées à l'instant de la convention, doit conséquem

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ment recevoir son application dans toute espèce d'assurances. On doit même étendre cette disposition au cas où le changement du lieu des risques et le déplacement des objets assurés proviendraient du fait d'une personne autre que l'assuré. Il suffit que les risques soient changés, comme ils le sont par le changement d'une circonstance aussi essentielle que la circonstance du lieu, pour faire cesser la responsabilité de l'assureur, qui ne peut être étendue, sans son consentement, à des risques différens de ceux qui existaient ou qui étaient envisagés par les parties lors de la convention.

75. Des circonstances autres que celles du changement de lieu peuvent altérer les risques. Le risque d'incendie notamment peut être aggravé par l'établissement de certaines professions ou fabrications, et par l'introduction de certaines marchandises dans les bâtimens assurés. Doit-on décider que toute innovation de ce genre qui serait faite durant le cours de l'assurance dans les bâtimens assurés, aurait pour effet de faire cesser la responsabilité des assureurs? Nous pensons que pour opérer la résolution des obligations des assureurs, il faut que les circonstances dont ils se plaignent soient du nombre de celles qui, d'après la teneur de leurs statuts ou d'après leur usage constant, les auraient empêchés de consentir l'assurance, ou du moins de la consentir au même prix, si elles eussent existé à l'époque du contrat. C'est ce qui arrive lorsque, durant le cours de l'assurance, l'on fait servir la maison assurée à une exploitation du genre de celles dont les assu

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reurs se sont interdit l'assurance par leurs statuts, ou de celles qu'ils ne consentent à assurer suivant les mêmes statuts, que moyennant une prime plus forte. Les assureurs sont alors fondés à prétendre qu'en faisant naître des risques dont ils n'eussent point consenti à se charger, l'assuré a amené les choses au point où le contrat n'aurait pu se former, et où conséquemment il ne peut continuer d'exister, faute de consentement exprès ou présumé de leur part.

La plupart des compagnies d'assurances contre l'incendie exigent, par une clause de leurs polices, que dans le cas où l'assuré voudrait, pendant le cours de l'assurance, faire un changement dans les bâtimens assurés, y établir une fabrique ou une profession dan gereuse, ou y introduire des denrées ou marchandises qui augmenteraient les chances d'incendie, il sera tenu de le déclarer par une notification, avec soumission de payer, s'il y a lieu, une augmentation de prime; et que faute de cette notification et soumission, les assureurs auront le droit de résilier le contrat. Nous pensons que cette résiliation doit nécessairement être prononcée par le juge auquel il appartient d'examiner si l'on se trouve véritablement dans l'un des cas prévus par cette clause.

CHAPITRE IV.

De l'Assurance, ou de ce que

l'Assureur promet

à l'Assuré.

76. ASSURER une propriété à quelqu'un, c'est s'obliger à l'indemniser, soit de la perte totale, soit aussi de la perte partielle, soit même de la simple détérioration de cette propriété, qui serait occasionnée par l'événement du risque arrivé dans le temps prévu par le contrat. Cette obligation de l'assureur constitue proprement l'assurance.

L'assureur peut, par une stipulation expresse, limiter sa garantie au cas de sinistre majeur ou perte totale. Cette limitation résulte de la clause Franc d'avaries usitée en matière d'assurances maritimes, et autorisée par l'art. 409 du Code de commerce. Elle résulte aussi de la nature du risque assuré, lorsque ce risque est nécessairement et exclusivement le risque d'un sinistre majeur, comme dans l'assurance sur la vie.

77. Le montant de l'assurance est ordinairement fixé par le contrat. Néanmoins, il suffit que le contrat renferme des bases d'après lesquelles on puisse déterminer la somme que l'assureur devra payer en cas de sinistre. Ainsi l'assureur peut s'obliger à payer, en cas de perte, le prix des choses assurées suivant l'estimation qui en sera faite (1).

(1) Pothier, Traité du Contrat d'ass., n.o 75. Emérigon, chap. 2 sect. 7, tom. I.er, page 88.

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Traité des Assurances et des Contrats à la grosse, par EMERIGON; nou

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