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assurée sur les marchandises d'un magasin ou sur les meubles d'une maison.

On sent aisément que l'assurance qui porterait limitativement sur les marchandises existantes en magasin à l'époque de la signature du contrat, et qui cesserait d'avoir son effet dans le cas où ces marchandises viendraient à être vendues et remplacées par d'autres, manquerait entièrement le but que doit se proposer le marchand qui fait assurer, puisque ses marchandises sont destinées à être incessamment vendues et remplacées. Il serait de même fort gênant pour la personne qui fait assurer son mobilier, de ne pouvoir le renouveler en tout ou partie, sans perdre le bénéfice de l'assurance.

On remédie à cet inconvénient en faisant assurer une somme déterminée sur son mobilier ou sur ses marchandises, que l'on se contente de désigner par leur genre ou espèce; et l'assuré n'est tenu, en cas de sinistre, , que de justifier qu'une pareille valeur en mobilier ou marchandises se trouvait dans sa maison ou son magasin à l'époque du sinistre. Un pareil mode d'assurance est autorisé pour les assurances maritimes. (V. le Cours de Droit commercial de M. Pardessus tom. II, n.os 791 et 879.)

27. Nous avons vu que les choses qui n'existent plus ne peuvent faire la matière d'un contrat d'assurance. En est-il de même des choses qui n'existent point encore ?

Une simple espérance peut faire l'objet d'un contrat de vente les auteurs en donnent pour exemple la

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vente d'un coup de filet. Mais, dit Émérigon, l'espoir d'une pêche heureuse est un futur contingent incapable de devenir la matière du contrat d'assurance. Il faut que le sujet de l'assurance soit quelque chose de réel dont la substance soit exposée aux risques. Assurer une simple espérance, c'est faire une gageure, car l'assurance ne s'applique à rien de réel, et la somme assurée ne couvrira point une perte. Une pareille convention n'a pour cause et pour objet, comme le jeu et le pari, que l'incertitude d'un événement : elle n'est point légitimée par l'intérêt et le besoin de conserver notre patrimoine.

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28. Mais ce serait étendre ce principe au-delà de sa portée, que d'aller jusqu'à réputer non valables les assurances de récoltes. En effet, il n'est point nécessaire pour la validité du contrat d'assurance, que les choses qui en sont la matière existent à l'époque du contrat, pourvu qu'elles existent plus tard et soient exposées au risque dans le temps fixé par le contrat. Or, les fruits qui naissent pendant le cours de l'assurance, et qui commencent à pendre par branches ou par racines, sont quelque chose de réel qui fournit un aliment au risque et un sujet à l'assurance.

§. II.

De ce qui peut faire le sujet de l'Assurance.

29. On peut faire assurer tout ce que l'on est menacé

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de perdre par l'événement d'un des risques auxquels s'appliquent les assurances.

Ainsi, l'on peut faire assurer contre l'incendie toutes sortes de bâtimens, de marchandises, de meubles. Aucun objet de ce genre n'est excepté de l'assurance, à moins que la compagnie à laquelle on s'est adressé n'ait excepté, par une clause de ses polices, certains objets sujets à s'enflammer trop facilement, ou d'un prix trop considérable. La plupart des compagnies s'interdisent l'assurance des fabriques et magasins de poudre, et des salles de spectacle, ou n'en consentent l'assurance que moyennant une prime extraordinaire. Celles qui assurent les meubles excluent de l'assurance les titres de toute nature, les bijoux, les lingots et les monnaies d'or ou d'argent.

30. Les choses corporelles étant seules sujettes à l'action du feu et à la destruction matérielle qu'il opère, semblent, par cette raison, pouvoir être seules assurées contre l'incendie. Cependant il existe des biens incorporels, des droits réels, inhérens à des choses corporelles sur lesquelles ils reposent, et avec lesquelles ils. sont sujets à périr. Exposés aux mêmes risques, ne sontils pas également susceptibles d'être assurés?

Nous trouvons dans les assurances maritimes des exemples d'assurances qui s'appliquent à des choses immatérielles. Telle est l'assurance que peut stipuler à son profit un assureur, pour se faire garantir de la perte que lui-même court risque de subir, en cas de perte des objets qu'il vient d'assurer. Telle est encore l'assurance

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que

l'assuré lui-même peut stipuler à son profit, pour se faire indemniser du montant de la prime qu'il a promise à un premier assureur, et qu'il perdra sans compensation en cas de sinistre.

Comme ces deux espèces d'assurances n'appartiennent point exclusivement au commerce maritime, et qu'elles peuvent également se rattacher à des assurances terrestres, il entre dans notre plan de les faire connaître, et d'exposer les principes qui les régissent.

31. L'assureur, porte l'article 342 du Code de commerce, peut faire réassurer par d'autres les effets qu'il a assurés; mais la réassurance n'a point, à proprement parler, pour objet la propriété qui est la matière de la première assurance. Car la réassurance est absolument étrangère au propriétaire, à l'assuré primitif envers lequel le réassureur ne contracte aucune sorte d'obligation. C'est l'assurance promise par l'assureur primitif, c'est la perte éventuelle à laquelle cet assureur est exposé, qui forme, entre lui et le réassureur, la matière du contrat de réassurance.

Par ce contrat, le réassureur s'engage à payer à l'assureur primitif, en cas de sinistre, la somme que cet assureur est lui-même obligé de payer dans le même cas au propriétaire assuré. Mais comme le contrat de réassurance est entièrement distinct du contrat d'assurance primitif, il peut être fait pour une somme moins forte et à des conditions différentes. La prime de réassurance, porte l'art. 342 du Code de commerce, peut être moindre ou plus forte que celle de l'assurance.

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Si la prime de réassurance est moins forte, c'est un gain que fait le premier assureur. Si elle est plus forte, c'est une perte pour lui. Dans tous les cas, les stipulations faites avec le réassureur ne nuisent ni ne profitent à l'assuré primitif, qui n'a point, de son chef, d'action contre le réassureur, et qui ne peut agir contre lui qu'en vertu d'une délégation de son assureur, qu comme exerçant, en vertu de l'art. 1166 du Code civil, les droits de celui-ci, dans le cas où il manque à payer l'assurance

par lui promise.

32. L'art. 342 du Code de commerce porte en outre: l'assuré peut faire assurer le coût de l'assurance. Comme on le verra dans le chapitre qui traite de l'assurance, l'assuré ne peut faire assurer une seconde fois les objets qui lui sont garantis par une première assurance. Mais il peut faire assurer la prime qu'il a promise à l'assureur de ces objets, pour le prix ou le coût de son assurance, et que celui-ci lui retiendra sur le montant de la somme assurée, due en cas de sinistre. Le prix que l'assuré promet à ce second assureur, pour se faire assurer la prime qu'il court risque de perdre sans compensation dans le cas du sinistre prévu par le premier contrat d'assurance, s'appelle prime de prime. Il peut encore se faire assurer, par un troisième assureur, la prime de la prime du second contrat, et ainsi à l'infini, jusqu'à ce qu'au moyen de ces assurances successives, il se trouve à couvert de toute perte en cas de sinistre (1).

(1) Voyez le tableau de ces opérations dans le Cours de Droit commercial de M. Pardessus, III.e vol., N.o 763, dernière édition.

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